Cela fait maintenant 15 ans que Virginie Vanos pose comme modèle. Et on peut même compter quelques années de plus si on compte les séances qu’elle a faites en académies durant sa scolarité. Fatiguée, elle nous livre son regard sur le monde du modeling.
Vu que je ne fais jamais les choses à moitié, jusqu’en 2011, je posais par tous les temps, quel que fût ma forme physique ou morale. Je pouvais faire jusqu’à 700 kilomètres aller-retour dans le courant de la même journée.
J’ai posé nue avec une sinusite du tonnerre dans les Alpes Vaudoises, j’ai posé dans une espèce de broc ultra poussiéreux (ce qui m‘a valu une fameuse conjonctivite), je me suis engouffrée jusqu’à 16 heures de pose sous un soleil brûlant ou dans un froid de canard.
Je dois être un peu masochiste sur les bords… Car peu m’importaient tous ces efforts. L’important était de réaliser des photos esthétiquement réussies, mais aussi pleines de profondeur et de sentiments.
Fin 2016, le cancer est venu mettre un peu plus de pagaille dans cette explosion d’énergie. Je souffrais depuis quelques mois d’une fatigue aussi intense qu’inexplicable. Et quand j’ai découvert cette petite tache vaguement mauvâtre, je me souviens avoir pensé très platement « Ben, si ça ce n’est pas un cancer du sein… ».
Vu qu’il n’est guère dans mes habitudes de jouer la politique de l’autruche, j’ai fait mammographie, échographie et biopsie moins de quarante-huit heures plus tard. Le verdict m’a plutôt surprise : c’était bien un cancer, la tumeur était fort grosse mais elle était contenue par une épaisse couche de peau. Elle n’avait fait aucun petit et côté marqueurs sanguins, tout était impeccable.
Le 1er mars 2017, à ma demande, on m’a fait une double mammectomie avec reconstruction immédiate. J’avais « juste » perdu un mamelon dans la bataille. J’ai ainsi vécu plusieurs mois avec un pansement sur le sein droit afin de cacher le bidule. Pour une foultitude de raisons, je n’ai pas eu à subir le moindre traitement adjuvant. Cependant, je me suis farci les joies du staphylocoque, ce qui m’a valu deux opérations de plus.
A ce jour, mes chances de rémission totale tournent autour des 90%. Et je suis totalement et intégralement reconstruite. La plupart des gens se demandent pourquoi ne suis-je alors pas en train de danser la samba en jonglant avec des sabres enflammés…
La réponse est simple : je suis crevée. On ne sort pas comme ça d’autant d’anesthésies et d’une grosse bataille contre une maladie nosocomiale tout en faisant trois reportages assez musclés à l’étranger.
L’hiver belge n’étant guère propice aux guérisons miraculeuses, cela fait plusieurs mois que je lutte perpétuellement contre 5 chutes de tension par jour, que je gèle sur place au moindre coup de froid, que j’éprouve de fortes douleurs si je bouge trop ou pas assez, sans parler des impacts sur mon immunité. J’ai l’impression de vivre avec une pancarte sur le front « All inclusive Gold pour tous virus, miasmes et autres bactéries ».
En effet, j’ignorais que l’ « après-cancer » était une sale période, rudement éprouvante. Je pourrais m’en moquer car ce n’est qu’un passage de quelques mois… Eh bien non ! Vu mon manque total d’endurance, mes « infections-surprise », mon extrême pâleur et mes traits tirés, j’ai honte de mon apparence.
Alors, passez-moi l’expression... Mais pour poser, ça craint un max. Et quand on a le cerveau en ébullition, qu’on croule sous les idées et la bonne volonté mais que le corps ne suit pas, c’est forcément peu joyeux.
J’évite au maximum les réseaux sociaux et encore plus les sites photo. Cela me fait mal Car j’ai bien tenté quelques séances, mais je me suis royalement plantée. J’ignore ce que sera demain, le mois prochain, le semestre suivant…
Tout ce que je sais, c’est que j’envie tous ceux qui tiennent sur leurs jambes. Que je voudrais gravir des montagnes. Mais que ce serait kamikaze que de tenter de forcer la nature. Et j’ai la sensation que peu de gens puissent comprendre l’essence-même de cette incapacité physique.
Plutôt que de conclure par une petite maxime moraliste, j’ai plutôt envie de demander à vous, photographes, modèles, internautes… : VOUS, que feriez-vous à ma place ?