Dédicace : rencontre entre deux timidités

La dédicace est pour un écrivain une fenêtre sur le monde des lecteurs. Qui sont-ils ? A quoi ressemblent-ils ? Qu’attendent-ils de leurs lectures et des auteurs ? Vaste programme !

dedicace yves carchon

Dédicaces

Une rencontre entre deux timidités 

Dans le petit monde des Lettres, l’auteur ne peut échapper à d’étranges rituels. Celui notamment de la dédicace du livre qui vient de sortir en librairie et qu’il faut accompagner pour qu’il fasse son chemin. Curieux exercice en fait que de rencontrer lecteur ou lectrice futurs.

Il y a ceux qui passent et qui repassent, sans oser s’arrêter. D’autres qui vous guettent du coin de l’œil, livre ouvert entre les mains, entre deux rayons. Ceux qui se détournent, pensant – à raison peut-être – que l’auteur se prostitue en vendant ses livres. Il y a ceux qui viennent flairer le livre, en lire un extrait avant de s’en séparer sans un seul regard pour le malheureux auteur.

Une signature est souvent une rencontre entre deux timidités : celle du lecteur que l’auteur perçoit et qui est du coup lui-même intimidé par l’extrême réserve de son lecteur. En fait, c’est une sorte d’intimité qui se tisse entre ces deux, chacun partageant un même amour de la lecture, car il n’y a pas d’auteur qui n’ait été – ou ne soit encore – lecteur.

Je dirais même que l’auteur serait la forme accomplie du lectorat et qu’il ne chercherait bien qu’à rendre hommage au lecteur qu’il fut, entre huit-douze ans. Donc, une alchimie se crée, et la certitude partagée d’atteindre le domaine du rêve ou de la rêverie grâce aux mots écrits, porteurs d’une totale et infinie félicité.

Quand l’auteur signe son ouvrage, il y a du mage en lui qui donne une clé secrète à son lecteur, parfois sans même échanger un mot. Un sésame muet, censé entrouvrir enfin la caverne d’Ali Baba au nouvel et tout friand adepte. Ce n’est pas un signe cabalistique, mais presque !

Mais il y a aussi de belles rencontres, bien rondes, bien goûteuses comme je sais les apprécier : ainsi, avant-hier, apparut, là devant moi, une charmante octogénaire, fraîche, espiègle, l’œil plein de malice, (j’ai pensé à la délicieuse Maud dans Harold et Maud), m’assurant que bien qu’elle ne fêtât jamais Noël – un bon point pour elle – elle voulait « marquer le coup » auprès de son Claude d’époux, éternel lecteur qui gardait le chien, mais avec une dédicace « humoristique » et en l’incluant aussi (« Je m’appelle Monique, on m’appelle Moon »). Un bonheur !

Je me suis exécuté, on le comprendra, avec délices, tâchant d’être à la hauteur. N’empêche, grâce à l’elfe de toujours qu’était Moon (« car je le lirais aussi » m’a-t-elle promis) j’eus le sentiment de n’avoir pas perdu mon temps ni ma journée. Mon après-midi en fut illuminé quoique n’ayant signé que dix ouvrages !

auteur yves carchon

Une chronique signée Yves Carchon écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer » et de « Vieux démons« 

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Bernie
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Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

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14 commentaires

  1. C’est un moment tellement particulier. J’ai le souvenir de moments réussis et délicieux et d’autres tellement passés inaperçus que je me demande même s’ils ont existé, et il y a ceux que je n’ai jamais osé vivre tellement les auteurs me fascinaient par leur talent…

  2. Je me fais les mêmes réflexions, on fait la queue pour faire dédicacer un ouvrage et on ne sait pas quoi dire et comment le dire à l’auteur. Cette rencontre avec une délicieuse vieille dame, donne l’envie d’écrire pour nous aussi la rencontrer, bises

  3. C’est vrai qu’il y a un peu de timidité et quand le courrant passe, elle s’éloigne, j’ai déjà eu l’occasion de recvoir de dédicaces d’auteur pour des livres ou disques que j’ai acheté.
    le plus étrange, est sans doute dans celle d’un auteur qui se sentait bien seul face à la queue devant Virginie Despentes pour le deuxième tome de son Vernon Subudex, il y avait eu une rencontre avant.
    J’avais acheté le livre de Filippo d’Angelo et je fis parti des rares à recevoir cette dédicace. La notoriété de l’une fit de l’ombre à l’autre, pourtant il mérite tout autant d’être lu.
    La Fin de l’autre monde en est le titre, j’en avais parlé sur le blog.
    Bonne fin de semaine
    Bises

  4. Un peu de poésie quant à la dédicace, ça fait du bien !

    J’avoue, pour ma part, ne guère me trouver à l’aise dans cet exercice qui me semble toujours un peu périlleux…

    Au fait : dix livres, je trouve que ce n’est pas mal du tout 😀 !

    • je te conseille de lire ses livres, tu as le lien en bas de l’article pour te procurer son tout nouveau polar « Vieux démons »

    • Il y a suffisamment d’excellents auteurs dont Yves fait partie. Au fil du temps, j’ai naturellement un squelette de polar en tête, mais je n’ai pas le talent pour aller plus loin.

  5. Bonjour, Bernie
    La dédicace : un moment de plaisir pour l’auteur et le lecteur.
    Bonne fin de semaine, avec un vendredi prévu ensoleillé !
    Bisoux radieux.

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