Déconfinement jour 166… « Patville, Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.
Patville, Journal en temps de coronavirus
Chapitre 10 : Un petit gars du Sud (suite et fin)
L’ennui, c’est qu’une telle entente avait duré un temps. Très vite, Murphy avait compris qu’Alan était de mèche avec Reno. Il n’en avait rien dit au Rat, préférant se garder une carte dans la manche.
Mais les choses s’étaient sues et avaient circulé comme une traînée de poudre, pour parvenir bientôt aux oreilles du Rat. Là, le caïd avait donné de la voix, en menaçant de s’adresser à d’autres fournisseurs. Reno avait été contraint de réviser ses prétentions.
Son vrai souci n’était donc pas la mort prématurée d’Alan, même si celle-ci l’avait surpris. C’était la perte du chargement de coke qui lui donnait de gros tracas. En retrouver la trace — après sa livraison au bagne, serait donc la première des urgences.
C’était la première fois qu’on le doublait, aussi. Et faire main basse sur son commerce, fallait oser ! On lui avait parlé brièvement d’un gars nommé shérif et qui était censé faire respecter la loi dans la région. Mais ce type-là ne pouvait être dangereux, puisqu’il était la créature de Joe Cushing.
Le même Cushing qui boulotait dans la main du chef-lieu du comté, lui-même en relation étroite avec Blackstone, chef avéré du bagne. Il lui faudrait chercher dans les quartiers déshérités de Patville, là où se fomentaient d’autres délits. La pauvreté, il le savait, n’engendrait bien que crimes et turpitudes. N’était-il pas lui-même du même bord ?
A cet instant, une voiture s’arrêta. En descendirent deux jeunes pouliches, aux longues jambes et plutôt court vêtues.
La voiture repartit. Reno, avachi dans sa chaise en plastique, leur fit un bref signe. Il les vit se pointer, juchées sur des chaussures à haut talon, moulées dans un semblant de robe qu’il trouva illusoire, tant leur déhanchement très pro lui laissait entrevoir de beauté. Les voir tanguer laissait toujours Reno béat, à deux doigts de l’extase.
Certains vibraient en voyant des carrosseries de bagnoles. Lui, c’étaient les beautés en mouvement. Ça le rendait tout chose, inexplicablement. Les filles avaient chacune une valise en main et, agrafé à leur visages, un large et éclatant sourire de pub pour dentifrice.
Elles s’arrêtèrent à un mètre de Reno, la mine un peu confuse, comme si elles s’attendaient à se faire engueuler.
— Si on a du retard, c’est d’la faute à Irma, osa Audrey d’un air crâne.
— Ah, ouais ! lâcha Reno.
— Voulait plus nous lâcher, minauda Deborah en crachant son chewing-gum dans le sable.
— Ah, bon ? J’ai comme idée que vous travaillez trop, les filles, lança Reno.
— Tu crois pas si bien dire, dit Audrey.
Reno sourit bien malgré lui. Il n’allait pas jouer les ronchons de service. D’ailleurs, il était plutôt cool de nature. Il pensait que ces filles, on devait les traiter comme des reines.
Les services qu’elles rendaient étaient plus que juteux, pour Irma comme pour lui. Chacun avait donc le devoir d’en prendre soin : Irma dans son boxon, lui dans son convoyage et Murphy à Oraculo. Oui, ces filles-là, c’était de l’or en barre, peut-être plus lucratif que la drogue.
Les observant tranquillement, il dut hélas en convenir : ces brins de filles, plantureuses à souhait, avec rondeurs où il fallait, c’était de l’authentique chair fraîche, pas de l’occase. De la jeunesse, ça oui ! La mère maquerelle avait bon goût. De l’expérience, aussi.
Un jour, Irma, sous couvert d’amitié, avait proposé à Reno de se servir sur place, d’en profiter en somme. Il avait refusé.
A ça, il ne voulait pas y toucher. Ça l’aurait débecqueté de devoir s’y résoudre, même si les arguments des belles étaient d’enfer. Il ne voulait pas mélanger les choses, et c’était tout. Son business ne pouvait pas s’accommoder de tels arrangements.
— On fait quoi ? dit Audrey.
— On s’en va ou on baise, lança l’autre.
— On y va, dit Reno.
Il s’était extirpé de sa chaise et avait pris leurs deux valises en mains. Puis il était monté à bord de son camion, pendant qu’Audrey et Deborah se hissaient sur le siège passager.
Quand il fit tourner son moteur, le ciel était tout noir. De sa valise, Audrey avait sorti une trousse à maquillage et Deborah lissait ses longs cheveux. Reno avait mis la radio où s’égrenaient les premières notes de Sweet Home Chicago. Tous trois, d’un même chœur, se mirent à chanter : Oh my days are so long, babe…
Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »
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Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 30
Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 29
Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Chapitre 9 | Chagrin d’amour
Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Chapitre 8 | Fils à papa
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 7 | Les Terres Hautes
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 6 | Collins contre tous
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 5 | Le bagne d’Oraculo
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 4 | Le village de nous autres
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 3 | Les culs terreux
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 2 | Les culs terreux
Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 1 La fin des temps
Je n’ai pas pu m’empêcher de mettre la chanson en fond sonore, un régal avec Robert Johnson ou Eric Clapton .
Merci Bernie pour la suite de ce feuilleton d’Yves Carchon
Avec plaisir
Passe une bonne journée Bernie
merci, toi aussi
Ca y’est on y arrive au pres confinement camouflé avec couvre feu à 21h. On doit etre le seul pays d’Europe qui commence un couvre feu aussi tôt. Je crois que chez nos voisin c’est à 23h voire minuit…..La machine à détruire se remet en route !
Bon Vendredi
Pat
Et tu vas voir que ce n’est que le début
Toujours aussi bien écrit
oui c’est un plaisir à lire