Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 33

Reconfinement jour 8… « Patville, Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.

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Patville, Journal en temps de coronavirus

Chapitre 11 : Nos morts (suite)

Pa, lui, n’appartenait à aucun camp. Il n’aimait pas les camps. Il voulait penser par lui-même. Il avait donc son idée sur cette histoire du fils Cooper. Un jour, à table, il en avait parlé. « Ce gosse, c’est malheureux, qu’il avait dit en parlant de la mort d’Alan.

 Mourir à cet âge-là, c’est pas normal. Mais nous, quand on se tue à bosser dans les champs, personne ne vient nous dire que c’est un drame. Et pourtant, on a eu notre lot de malheurs, ici, quand on s’est installé, hein, Ma ? » Ma avait opiné, les yeux à moitié dans le vague, comme si elle se remémorait leur arrivée.

Et dans ses yeux, y’avait comme un regret de cette période qui accusait ses rides, notamment sur son front. Comme un regain de leur jeunesse. Pourtant, ce qu’on savait, c’est que leur vie n’avait pas été simple, ça non. Et des malheurs, il en avait eu à revendre, même que Ma nous l’avait raconté, à Janis et à moi.

« Et dans mon souvenir, avait poursuivi Pa, l’œil rivé sur le visage de Ma, jamais les gars des Terres Hautes ne sont venus pleurer nos morts. Même quand le choléra a décimé la moitié du village ! On crevait dans notre coin, ah, ça, oui, sans même un homme de Dieu pour nous accompagner en terre ! Le Révérend est arrivé après, mais avant lui, il n’y avait personne, hein, Ma ? »

A cet instant, Ma avait fait entendre son petit rire, un rire que j’adorais parce qu’il était indien, une sorte de piaillement, je crois, donc Ma a ri à sa façon, avant d’ouvrir la bouche. « Pa a raison, avait-elle dit, nos morts n’ont jamais bien compté aux yeux des Terres Hautes ! On a toujours été considéré par eux comme des bouseux. Leurs morts, ils peuvent se les garder ! On a assez à faire avec les nôtres ! »

De son côté, Mr O’Hara avait revu son opinion concernant Jeff Collins et il avait admis que sa détermination à régler cette affaire semblait avérée et des plus affirmées. Il n’aurait pas misé un seul dollar sur lui quand ce nouveau shérif avait pris ses fonctions.

Il l’avait assez dit. Jim le premier me l’avait rapporté. Mais à ce moment-là, ce n’était pas Collins qui le préoccupait, mais Jo Cushing, le maire qui, selon lui, était tout prêt à s’en remettre aveuglément aux pontes du comté.

Sauf si, m’avait dit Jim en rapportant les dires de Mr O’Hara, Collins faisait alliance avec J. Cooper. Ce qui avait tout lieu de se réaliser, s’il fallait croire la volubile secrétaire de Jeff.

Emy, en veine de confidences, avait parlé d’un Jeff conquis par le patriarche des Terres Hautes. Il ne parlait que de son entrevue avec J. Cooper qui l’avait plutôt impressionné.

 « En nous couchant, — et Jim et moi n’avions pas manqué d’imaginer en riant le coucher des deux tourtereaux, en nous couchant donc, il m’a confié que ce Cooper était quand même un étonnant bonhomme ! Qu’avec tout son argent, il gardait la tête haute et qu’il croyait encore en la Justice de son pays.

Qu’il était prêt à lui donner la main pour assainir les choses pour ce qui concernait les différents trafics de Reno ! « Si vous voulez faire le ménage, Collins, je vous l’ai déjà dit : je vous appuierais, quoi qu’il puisse arriver ! » C’étaient exactement les mots que J.

Cooper avait adressés à Jeff, le même Jeff qui, en caleçon, s’était glissé dans leur couche nuptiale en attendant qu’Emy en ait fini avec sa toilette du soir. — Quand je l’ai rejoint au lit, le pauvre chou dormait déjà ! Le lendemain, au petit-déjeuner, Jeff était revenu sur J. Cooper et avait dit qu’il avait désormais un allié en la personne du vieux et que Cushing n’aurait que peu de choses à dire quand il s’agirait de coincer ce voyou de Reno.

Cela dit, au moment où Jim et moi tentions d’y voir plus clair sur cette affaire, nous étions loin de tout savoir. Des zones d’ombre entières nous furent restituées plus tard, quand Jeff Collins eût arrêté Reno. Par l’entremise d’Emy, nous avions su que Jeff Collins avait eu vent dès cette époque, grâce au témoignage de Reno, de ce qui se tramait au bagne d’Oraculo.

Et Jeff avait évidemment fait remonter toutes ces informations auprès du maire et auprès du chef-lieu du comté. Aucun écho, aucune réponse ne lui était jamais parvenue, comme si certaines révélations devaient être enterrées ou sagement cachées pour que rien ne s’ébruite.

Oui, rien n’avait filtré des services du comté, Jeff en avait un souvenir précis, même quand il avait demandé à Jo Cushing d’intervenir en tant que maire. Jo avait dit avoir parlé à qui de droit mais Jeff n’avait pas su s’il l’avait fait réellement.

Oui, à la réflexion, tout semblait bien en place pour que les choses se passent comme elles se sont passées. On aurait pu sans peine enrayer la grogne des détenus en manque et éviter le pire. Blackstone soi-même aurait même pu casser la révolte naissante, comme il l’avait montré en bien d’autres occasions. Mais comme l’a dit Reno à ses rares visiteurs dans la prison de Patville, dont Jim et moi faisions partie : « On réécrit jamais l’Histoire ! Murphy a cru pouvoir canaliser Le Rat, mais c’est Le Rat qui a mené la danse ! »

Mais ça, c’est a posteriori qu’on a eu connaissance des faits. Sur le moment, on était loin du compte. Ainsi, quand Reno s’était pointé à Oraculo avec tout son chargement de bouffe et d’héroïne, sans compter les jeunes poules qui l’escortaient, — dixit Mr O’Hara, il avait été reçu comme un véritable chien dans un jeu de quilles.

Quand son équipage (toujours Mr O’Hara) avait franchi les portes du pénitencier, il avait été reçu bruyamment par un vibrant concert de casseroles s’échappant des cellules, ce qui n’était pas très bon signe, s’était-il dit en manœuvrant dans la grande cour. Les casseroles faisaient partie des codes que Reno avait intégré depuis qu’il bossait en milieu carcéral.

Plus ce type de chahut était assourdissant et long, plus colère et exaspération dominaient derrière les barreaux. Reno n’avait donc pas eu besoin qu’on lui fît un dessin, il savait trop pourquoi on l’accueillait ainsi.

Dès son arrivée, Murphy l’avait pris entre quatre-z-yeux et avait voulu savoir ce qu’avait foutu ce diable d’Alan Cooper.

— Il est où d’abord, Alan ? Il s’est pas quand même pas tiré avec la came ?

— Non, lui avait dit Reno. Il est mort, Alan !

Murphy avait encaissé le coup.

— Mort ! Mais comment ça ?

Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« , de « Vieux démons« , de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

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Bernie
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16 commentaires

  1. Patville avec le personnage Ma et de Mr O’Hara, voila de quoi nous occuper pensant le confinement ! Merci Bernie et encore bravo pour le billet sur mon nouveau disque, je suis très touché !

  2. Hello Bernie
    Hier matin à 8h30 ma fille ainée et mon gendre sont venus nous donner un coup de main pour la cueillette des olives. Au bout d’une heure mon gendre avait tellement chaud qu’il a gaulé les olives torse nu. C’est vrai que hier au soleil il faisait au moins 24°. J’en suis à 400kg d’olive récolté. Je devrai terminer aujourd’hui. 200kg sont deja triés, il faudra ensuite trié le reste avant Mardi matin pour les apporter au moulin à Grasse et je pense avoir la demie tonne .
    Bon Vendredi
    Pat

  3. pas très gaie ton histoire, je trouve que la covid fait des ravages….à quand la fin de ce maudit virus….passe une doux vendredi

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