Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 32

Reconfinement jour 1… « Patville, Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.

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Patville, Journal en temps de coronavirus

Chapitre 11 : Nos morts

Quand il avait appris que Jeff avait rendu visite au patriarche des Terres Hautes, Cushing avait failli faire une attaque. Mais sa tension était vite retombée quand il avait connu le nom du convoyeur de coke mort sur la route d’Oraculo. Il s’était montré totalement soulagé quand Jeff, de retour au bureau, lui avait expliqué brièvement au téléphone de quoi il retournait.

« Alan Cooper ! L’un des deux fils Cooper ? Ah merde, c’est pas de chance pour le vieux ! Quand même, vous auriez pu me dire que vous alliez là-bas ! avait dit-il à Jeff. N’oubliez pas que je suis le premier magistrat de Patville ! Et vous savez combien pour moi c’est pas facile avec les gens des Terres Hautes !  — Je sais, mais le vieux s’est montré coopératif, avait répondu Jeff.

M’est avis qu’il fera tout pour retrouver le vrai coupable de la mort de son fils ! — Ah, bon ! Parce qu’il y a un faux et vrai coupable ? s’était ébaubi Jo Cushing. — Peut-être bien, avait dit Jeff. »

Ça, c’était Jim qui avait eu l’information de la bouche d’Emy. Une Emy plus loquace que jamais. Une fois lancée, — pour ça, mon copain Jim était très fort pour lui tirer les vers du nez, elle n’en finissait pas de raconter ce qui s’était tramé dans le bureau de Jeff. Elle y allait de son couplet, sans rien omettre de ce qui s’était passé ou dit, et ça, pour notre grand bonheur, à Jim et moi.

« Il s’est déplacé en personne, avait-elle poursuivi en parlant de Cushing, et il s’est mis en quatre auprès de Jeff pour en savoir un bout sur ce qui s’était dit avec le vieux Cooper. A quoi Jeff lui a répondu qu’il ferait son rapport et qu’il pourrait y lire tous les détails de l’entretien avec Cooper.

Il a même ajouté — il s’est alors tourné très gentiment vers moi, — que sa secrétaire était prête à taper le rapport. — N’est-ce pas, Emy ? qu’il a dit, Jeff, à mon adresse. J’ai bien sûr abondé dans son sens… Cushing m’a alors demandé quand ce rapport il serait prêt, à quoi j’ai rétorqué que tout serait ok d’ici deux jours. — Deux jours ! s’est étonné Cushing. — Oui, a dit Jeff. Vous le voulez complet ou pas ? — Bien sûr que je le veux complet, votre rapport ! Il a remis son chapeau sur la tête et nous a salué avant de sortir du bureau. Une fois Cushing dehors, Jeff et moi avons éclaté d’un bon rire. Vrai, c’était quand même pas à Cushing de dire quand et comment se prépare un rapport !»

D’autres choses avaient été dites, sans qu’Emy ne s’y soit attardée, pensant sans doute que tout ça n’était pas important, sauf que, pour Jim et moi, tout était important ! Ainsi, sur les ordres de J. Cooper, la Chevrolet bousillée avait été envoyée à la casse après que son second, Jeffries, eût constaté qu’il n’y avait plus rien à en tirer. Pas d’effet personnel retrouvé, pas même une dose de came dans la boîte à gants qu’Alan aurait laissé traîner. Non, rien de rien.

Pour le reste, le révérend s’était rendu aux Terres Hautes pour faire son office funéraire et enterrer Alan selon la volonté de J. Cooper. L’enterrement avait eu lieu dans le cimetière privé du clan Cooper, carré ombré où reposait déjà Archibald l’ancêtre. Évidemment, ça s’était fait dans la plus stricte intimité. J. Cooper ne voulait pas qu’on vînt verser des larmes de crocodile sur la dépouille de son fils.

Tous ces détails — toujours selon Emy, Collins l’avait appris plus tard lors d’une visite chez J. Cooper au sujet de l’enquête. Ce jour-là, il avait retrouvé un J. Cooper atteint profondément par la mort de son fils.

Collins avait pensé que, se sentant en confiance avec lui, le vieux s’était laissé aller à parler de son fils sans contenir sa voix empreinte d’émotion. Plus tard, soit une semaine après la mort d’Alan, quand il avait fini par remonter la pente, Cooper avait voulu en savoir plus sur ce Reno, le fossoyeur d’Alan, et il s’était rendu au chef-lieu du comté afin d’y mettre les pieds dans le plat.

Si Reno avait des appuis dans ces murs, il voulait en avoir le cœur net !  Et si, là-bas, il n’obtenait pas justice, à savoir l’arrestation de Reno pour délit de trafic de drogue, il était prêt à faire monter l’affaire jusqu’aux bureaux du Gouverneur, voire du Congrès.

Collins, en soupirant, lui avait fait entendre qu’il n’aurait pas à porter le pet aussi haut. Car lui se faisait fort de mettre la main sur ce Reno et de le foutre en taule pour une sacrée durée, si cependant on voulait bien lui laisser les mains libres.

Ainsi avait-il demandé au vieux d’éviter de lui mettre des bâtons dans les roues. Le cas Reno relevait du respect de la loi et non du monde politique. Cooper s’était finalement montré tout à fait apaisé quand Jeff, yeux dans les yeux, lui avait assuré qu’il faisait de l’arrestation de Reno une affaire personnelle.

« Je ne doute pas de votre détermination, Collins. Vous avez toute ma confiance parce que vous êtes un homme intègre ! Coincez ce salopard, et ma reconnaissance vous sera acquise à jamais ! » En rentrant au village, Jeff s’était dit que J. Cooper n’avait pas peur des grandes phrases.

Justement, au village, on avait beaucoup cancané autour de cette histoire. Il arrivait si peu de choses dans notre bled qu’un tel événement était du pain bénit pour notre petite communauté. Et ça l’avait été, parce que les langues s’étaient déliées et qu’elles avaient produit des tonnes de salive.

Patville était pour ainsi dire sorti de sa torpeur. On découvrait combien le monde d’ici-bas ne s’arrêtait pas à la limite de nos arpents, mais qu’il grouillait sous d’autres formes et qu’il était tout proche de nous, prêt à nous bousculer et à changer nos habitudes. Le contre-coup avait eu lieu après le jour de l’accident. Deux opinions contraires s’étaient peu à peu affirmées au village, qui s’opposaient virilement au Cactus’bar.

Ainsi, il y avait ceux comme Mr O’Hara qui donnaient pleinement raison à J. Cooper. Quoiqu’ait pu faire Alan, ils considéraient comme Cooper que le seul responsable était le trafiquant Reno. Le Révérend, de son côté, au sujet de Reno, avait parlé en se signant de « vrai suppôt de Satan ».

Mme Holy et le couple Samuel s’étaient rangés avec bien d’autres derrière le père adoptif de Jim. Il y avait donc le camp des partisans de J. Cooper, un père qui réclamait vengeance, aidé par Jeff Collins, son bras armé. Et tous les autres qui, eux, voyaient dans cette mort la juste fin d’un gosse de riches. Ça les concernait à moitié, cette histoire des Terres Hautes. Ils se sentaient plus proches d’un Reno, que certains connaissaient et qu’ils savaient être un bon gars du Sud.

Un pauvre qu’il était, Reno, qui magouillait sans doute, mais pour entourlouper les riches. Les Cooper étaient riches. Qu’ils règlent leurs histoires devant les tribunaux des riches.

 

Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

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Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Chapitre 10 | Un petit gars du Sud

Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Chapitre 9 | Chagrin d’amour

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Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 7 | Les Terres Hautes

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 6 | Collins contre tous

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 5 | Le bagne d’Oraculo

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 4 | Le village de nous autres

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 3 | Les culs terreux

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Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 1 La fin des temps

 

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Bernie
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10 commentaires

  1. Salut,

    Le mauvais temps se calme et on espère avoir du beau soleil pour la Toussaint !

    On peut toujours espérer mais ça mange pas de pain.

    Bon week-end

    A propose de l’islam et des musulmans :

    Pour moi tous les musulmans sont à mettre dans le même sac. Je peux en parler car dans les mines ils étaient nombreux qui bossaient pourtant ils restaient dans leur communauté alors qu’il était facile de s’intégrer.

  2. Va falloir que je mette la batterie de la moto à la charge car elle risque de ne plus sortir pendant un moment…
    Bon Vendredi

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