Fondation Bemberg : Nouvelle acquisition ‘Une partie d’ânes’ de Michel-Ange Houasse

La Fondation Bemberg  a annoncé l’acquisition d’un nouveau tableau qui vient  enrichir sa collection du XVIIIe siècle. Il s’agit  d’un tableau intitulé “Une partie d’ânes” de Michel-Ange Houasse (Paris, 1680 – Arpajon, 1730) Huile sur toile 70,5 x 88,1 cm. Il vient d’être accroché et est donc, dès à présent, offert à la vue des visiteurs.

Une partie d_anes-M-A michel houasse

Michel-Ange Houasse

(Paris, 1680 – Arpajon, 1730)

Une partie d’ânes

Michel-Ange Houasse naît à Paris en 1680 dans une famille d’artistes. Il reçoit sa première formation auprès de son père, René-Antoine Houasse (1645-1710), disciple de Charles Le Brun ayant pris part à la décoration des Grands Appartements de Versailles.

Entre 1699 et 1704, ils séjournent ensemble en Italie après que ce dernier ait été nommé directeur de l’Académie de France à Rome. De retour à Paris en 1706, Michel-Ange devient élève de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il y est reçu l’année suivante grâce à son Hercule jetant Lycas à la mer (Tours, musée des beaux-arts) et est nommé peintre ordinaire du roi en 1710.

Les premiers contacts de l’artiste avec la péninsule ibérique remontent vraisemblablement à son séjour romain. C’est en effet à cette époque qu’il fait la connaissance de Jean Bouteroue d’Aubigny, secrétaire de la princesse des Ursins, elle-même camarera mayor de Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, première épouse de Philippe V.

Lorsque le petit-fils du Roi-Soleil arrive en Espagne, le pays a perdu la vivacité artistique qu’il avait connu au Siècle d’or. Le jeune souverain s’applique donc à instaurer un véritable art royal dans la lignée du modèle louis-quatorzien, dont les bases reposent à la fois sur l’enseignement académique et la hiérarchie des genres.

Afin de garantir la réussite de son dessein, il lui est impératif d’attirer des talents français dans la péninsule.

C’est ainsi qu’en 1715, sur les recommandations de Jean Orry (1652-1719), ministre français du roi d’Espagne, Houasse obtient le titre de Pintor de cámara (« peintre de la chambre »). Chargé dans un premier temps d’exécuter des portraits de la famille royale, il sera très vite remplacé par Jean Ranc (1674-1735), dont la manière est fortement imprégnée par le sens de l’apparat de son oncle Hyacinthe Rigaud.

Houasse se tourne dès lors vers des sujets variés, notamment religieux, avec un important cycle sur la vie de Saint François Régis pour la chapelle du noviciat des Jésuites de Madrid (avant 1722-23, Madrid, musée du Prado). Il se consacre également au paysage, genre qu’il renouvelle par la fraîcheur et la spontanéité de sa vision.

Enfin, il peint plusieurs cartons pour la Fabrique royale de tapisserie de Santa Bárbara. Ce sont toutefois ses scènes de genres, sémillantes représentations des mondes aristocratique et paysan, qui lui valent sa renommée :

« Il a représenté des hommes et des femmes de l’Espagne d’alors jouant aux boules, à la balançoire ou au billard — dansant ou mangeant dans la campagne — battant le blé, pêchant des grenouilles, cueillant un nid ou puisant de l’eau… »1. Durant sa carrière, il garde de nombreux liens avec son pays natal où il effectue plusieurs voyages. C’est au cours de son dernier séjour qu’il meurt prématurément, en 1730. Outre les élèves formés au sein de son atelier, Antonio González Ruiz, Juan Bautista Peña ou encore Pablo Pernicharo, Houasse influencera les peintres espagnols jusqu’à la fin du siècle. Ainsi, le jeune Goya se réfèrera à son œuvre dans ses cartons de tapisseries pour la manufacture royale de Santa-Bárbara, notamment Le cerf-volant et les Enfants jouant à saute-mouton.

 

La toile se rattache à ces nombreuses scènes de genre peintes par Michel-Ange Houasse2. À mi-chemin entre l'académisme et la « galanterie », elle est traitée avec un sens du réalisme et de l’anecdote inspiré tant par sa formation française que par la société espagnole du premier tiers du XVIIIe siècle. Inédite, cette œuvre récemment découverte peut être rendue sans conteste au maître.

 Plusieurs éléments lui sont en effet caractéristiques : les détails vestimentaires tels que les bas rouges du personnage de droite3 que l’on retrouve notamment dans le Salon de coiffure), le traitement très synthé- tique des étoffes et surtout la présence familière d’un âne, comparable à celui qui apparaît dans le Cortège de Villageois .

L’atmosphère goguenarde qui règne dans le tableau est une autre constante chez Houasse, qui affectionne particulièrement les thèmes du jeu, des chutes et de l’ivresse4.

Ainsi, notre Partie d’ânes fait écho à une série de scènes populaires dans lesquelles ces sujets sont omniprésents, notamment Le jeu du Zurriago ou les Villageois dans la forêt (Ségovie, Palacio de La Granja) 5.

 

1 Y. Bottineau, L’art de cour dans l’Espagne de Philippe V (1700-1746), Thèse de doctorat, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Paris, Bordeaux, 1962, pp. 442-443

2 Cf. J. J. Luna (dir.), Miguel Angel Houasse 1680-1730, pintor de la corte de Felipe V, cat. exp., Madrid, Ayuntamiento, 1981.

3 Encore en vogue en Espagne, ils semblent alors passés de mode en France.

4 Une grande partie de la littérature espagnole du Siècle d’Or dénonce la consommation de vin et l’ivresse. Cependant, les voyageurs étrangers semblent s’accorder sur la sobriété de la société espagnole à cette époque. (cf. N. Peyrebonne, « Écrire l’ivresse en Espagne au Siècle d’Or », in L’ivresse dans tous ses états en littérature, H. Barrière et N. Peyrebonne (dir.), Arras, 2004, pp. 107-114) L’omniprésence de cette thématique dans l’œuvre de Houasse pourrait être un indice de l’évolution des mœurs à compter de l’accession au trône de Philippe V.

5 Le jeu du Zurriago (huile sur toile, 45 x 64 cm), Villageois dans la forêt (huile sur toile, 50 x 61 cm). Voir J. J. Luna (dir.), Miguel Angel Houasse, op. cit., cat. 61 et 64, pp. 174 et 177, repr

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