Covid-19 : Le Feuilleton | Épisode 21

Déconfinement jour 96… « Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.

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Journal en temps de coronavirus

Chapitre 7 : Les Terres Hautes (suite)

Le dressage, l’élevage des chevaux avaient toujours été l’apanage des Indiens. J.A. Cooper s’était emparé de tout ça. Mais aussi des troupeaux de bovins, conduits aux champs et gardés par des hommes de peine qu’il payait à coup de lance-pierres. Pas sûr d’ailleurs que ces cow-boys aient eu jamais le plus petit salaire, Cooper considérant que le gîte et couvert les payaient largement en retour.

Il était devenu très vite le plus grand éleveur du pays et sa maison de style colonial en témoignait. Une imposante maison, bâtie sur une petite colline dominant les espaces infinis dévolus au bétail. Une maison juchée sur les hauteurs, comme une vigie veillant sur les Terres Hautes.

En bas, coulait la Snake, une rivière sinueuse épousant maints méandres à la manière d’un long serpent. La même rivière que Cooper avait détournée sur ces terres, pour que bût son bétail et que crût le maïs qu’il comptait bien planter un jour prochain pour nourrir ses troupeaux et ses hommes de main.

Mme Rose Cooper, solide et généreuse femme, avait donné huit beaux enfants à son éleveur de mari. Des garçons en grand nombre, pour deux filles seulement. Le Révérend, arrivé de fraîche date, les avait baptisés, confiant leurs destinées à Dieu.

Mais le Seigneur n’avait pas dû comprendre le Révérend puisque trois des garçons et une fille étaient morts, tous emportés par une maligne typhoïde. Restaient heureusement trois gars costauds pour seconder James Archibald dans le dressage des chevaux et la maîtrise de la main d’œuvre aux champs.

Un jour ou l’autre, quand J.A aurait fait son temps en ce monde, l’aîné des gars, Jonas James, reprendrait le flambeau pour prolonger la lignée des Cooper destinée à survivre. James Archibald avait toujours pensé que Dieu avait toujours voulu qu’il s’implantât et creusât son sillon dans cette région des Terres Hautes.

Tout ça, raconté par Mr O’Hara, tenait bien sûr de notre grande Histoire. Mais nous, nous n’en percevions que l’écho. Nos jus de pomme torchés, Jim s’était essuyé la bouche avec son dos de main et Mr O’Hara avait repris l’histoire de la famille Cooper.

« C’est simple ! Quand vous arrivez par la route qui conduit aux Terres Hautes, vous la voyez de loin la maison des Cooper ! Certains l’appellent le Château, du fait qu’elle domine toute chose. Faut dire qu’elle en impose ! Les jours d’orage, elle apparaît comme un galion qui aurait échoué sur un récif, fouetté brutalement par le vent et la pluie. Le Doc m’en a parlé, un jour qu’il rentrait de tournée. Dans cette immense maison vit aujourd’hui Jason, le dernier des Cooper, enfin, lui, sa deuxième épouse et sa grande famille, une ribambelle de mioches et deux grands fils, qu’il aurait eu d’un premier lit, Alan et Harold Cooper.

Alan ressemble à son arrière-grand-père, taillé comme James Archibald. Il est, à ce qu’on dit, aussi violent que lui. Son frère, Harold, est moins grossier et tient probablement de celle qui l’enfanta, Amanda Sue, une baptiste, fille de pasteur, morte en couches. Bref, aujourd’hui, Jason, le patriarche des Terres Hautes est assisté dans ses affaires par ses garçons. » 

Don O’Hara, s’étant brusquement tu, avait fini son jus de pomme. Nous, on le regardait s’humecter le gosier. C’était drôle que de voir bouger sa pomme d’Adam

— Et les autres familles des Terres Hautes, avait demandé Jim.

— J’y viens, avait répondu Mr O’Hara, prenant son temps pour allumer un maousse cigare.

Après l’avoir tété comme un beau diable, il s’était vu bientôt masqué par une épaisse volute. Sa tête était réapparue, auréolée d’un dernier rond, qui rappelaient ces images pieuses distribuées pendant l’office par la dévote Mme Holy.

Don O’Hara n’avait pourtant rien d’un saint homme. Il aimait la bonne chère et les gâteaux que son épouse était seule à pouvoir lui servir. De gros gâteaux nappés de miel ou de sirop d’érable, que nous avions déjà goûtés et que Jim adorait. Moi, je laissais souvent ma part à Jim ou à Don O’Hara pour la bonne raison qu’ils me semblaient trop sirupeux et souvent franchement écœurants.

 Avec sa tête toute rougeaude, ses favoris et sa bedaine rassurante, Don O’Hara était ce qu’on appelle un bon vivant. Il buvait volontiers son alcool de maïs et ne dédaignait pas la bière, bière dont Mme O’Hara se servait pour arroser l’oie du dimanche. Peut-être bien que Ma avait raison quand elle disait qu’il avait tout d’un homme « aimant la vie ».

 « Un homme sage, mais qui aime la vie, » qu’elle répétait à chaque fois qu’on prononçait son nom dans la conversation. Mais ça, c’était l’avis de Ma.  Ma avait plein d’avis du même tonneau. Il suffisait qu’on parlât d’un tel ou d’un tel pour qu’elle sortît de son chapeau une phrase, censée résumer la personne en question.

 

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Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

 

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14 commentaires

  1. Salut
    La pluie tombe par averses et c’est très bien parce qu’au moins ça rafraichit drôlement .
    On a pu sortir et la voiture est lavée gratuitement.
    Bon week-end

  2. Une belle définition, être sage et aimer la vie …
    Ca inspire confiance.
    Je te souhaite une bonne fin de semaine avec une température redevenue normale mais des orages assez fréquents, heureusement, jusqu’à maintenant, pas trop violents !
    Espérons que ça dure …
    En tous cas, on est mieux et le moral revient un peu malgré la covid qui, elle, remonte beaucoup trop rapidement !
    J’ai bien peur d’un reconfinement à cause d’imbéciles (Je suis polie) qui refusent d’appliquer les règles de sécurité.
    Gros bisoux, cher bernie.

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