Déconfinement jour 82… « Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.
Journal en temps de coronavirus
Chapitre 6 : Collins contre tous (suite et fin)
Quand il avait poussé la porte du bureau, Emy était assise derrière la vitre mi-ouverte qui donnait sur la rue. Le frémissant filet de voix lui parvenant, elle paraissait aux anges. Ce n’est que lorsqu’il avait mis les pieds dans le bureau qu’elle avait réouvert les yeux, restés clos jusqu’ici à l’écoute d’Elvis.
— Oh, Jeff ! Tu m’offriras son dernier disque ? qu’elle avait dit, avec ses yeux papillotants.
— Et pourquoi pas un p’tit voyage à Tupelo, Mississipi ?
Elle lui avait tendu les lèvres et Jeff avait senti qu’il devait l’embrasser.
— En attendant, on a un mort sur la route des Terres Hautes, avait-il dit en ôtant son Stetson. Penses-tu pouvoir prendre des notes ? Je te dicte et t’écris ! Pour le rapport, on verra ça plus tard.
Emy, moulée dans sa robe Vichy rouge, était allée s’asseoir derrière son poste de travail et avait ouvert un cahier, après s’être munie de son stylo à bille. Jeff, la voyant assise et passant derrière elle, avait lorgné sur son dos nu et ses épaules rondes, comme offertes au baiser. Mais il devait se concentrer et avancer sur son affaire. Il avait donc lâché l’affaire.
— On y va ? avait-il proposé.
— Je t’écoute, lui avait dit Emy, penchée sur son cahier.
C’était précisément à cet instant que le ciel s’était obscurci, que des sautes de vent s’étaient levées d’un coup, se bousculant dans la grande rue, se cognant aux maisons et coupant du même coup le sifflet à Elvis. Un vent qui précédait toujours la pluie, laquelle était tombée dans la foulée, martelant violemment les toits des maisons et giflant les fenêtres. Une pluie couvrant la voix de Jeff qui s’était arrêté dans la dictée de son rapport en se précipitant vers la fenêtre pour la fermer.
Emy avait croisé les bras sur sa poitrine, l’air apeuré et fronçant les sourcils.
— Je l’ai vu venir, ce matin, avait commenté Jeff. C’est un vent qui vient du désert. Un mauvais vent pour sûr ! On a eu la même chose, il y a de ça trois ans !
L’œil braqué sur la rue, derrière la vitre toute constellée de gouttelettes, il avait ajouté :
— Avec une telle pluie, le ciel sera lavé !
Après le déjeuner, qu’il avait partagé avec Emy au Cactus Bar, — un hamburger bourré d’oignons avec ketchup, il avait joint Cushing avec qui il avait échangé quelques mots au sujet de son mort et de la drogue trouvée dans la voiture accidentée. Cushing avait voulu savoir qui était au volant. « Un gars des Terres Hautes, » avait lâché Collins.
« Ah, merde ! avait lancé Cushing. » Jeff avait aussitôt compris que c’était loin de réjouir le maire. Lui et les grandes familles des Terres Hautes entretenaient des relations plus que glaciales. Là-bas, il n’était pas considéré, il était même traité comme de la merde. Comme nous tous ici au village. Maire ou pas maire, c’était pareil.
Un court silence au téléphone avait ponctué leur dialogue, suivi d’un gros soupir du maire. « Et la drogue, c’est quoi ? » avait-il demandé. « De la blanche ! ». « Ok ! J’attends votre rapport ! » avait conclu Cushing en raccrochant.
Justement, ce rapport il se l’était farci, puisqu’Emy avait décidé de sortir son joker en faisant le café. Il avait presque terminé et il en relisait les dernières phrases tapées avec deux doigts.
Entretemps, Collins avait chargé Emy d’avertir le doc pour qu’il envoie des gars pour désincarcérer le macchabée. La pluie avait fini par s’arrêter et le vent était presque tombé. C’était donc le moment pour le récupérer et le conduire en chambre froide. Le temps qu’il lui faudrait pour savoir qui c’était afin d’en informer la proche famille.
Dans l’heure qui avait suivi, le téléphone avait tiré Collins de son rapport. C’est Emy qui avait décroché. « Je vous le passe, » avait-elle minaudé. « — C’est qui ? avait demandé Jeff. » « — Le Doc ! ».
Jeff s’était emparé du téléphone, pensant que son mort était arrivé à bon port. « — Oui, Doc ! Ça y est, c’est fait ? »
— Pas franchement ! Y a juste un vrai problème, avait tancé la voix du Doc. Là-bas, mes gars ont bel et bien trouvé la Chevrolet salement amochée ! Mais rien à l’intérieur ! Pas plus de macchabée que de beurre à la broche ! Il s’est quand même pas fait la malle, vot’mort ! Z’êtes sûr qu’il était raide ?
— Sûr, avait balbutié Collins dont le visage était devenu blanc.
En raccrochant, il s’était dit que ses emmerdes ne faisaient bien que commencer.
Fin du chapitre 6
Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »
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Oups là ça se corse si le mort s’évanouit dans la nature .
Bon dimanche
oui !
C’est bien, et puis bientôt l’épisode stockage de masques pour les entreprises, 10 semaines dit le gouvernement !
on verra
Passe une bonne journée bernie
Merci
Un macchabée qui disparait est toujours inquiétant mais complique surtout l’affaire !
Comment le retrouver ?
Encore des ennuis en perspective …
Je te souhaite une bonne fin de semaine, toujours dans la chaleur mais c’est bien pour les vacanciers.
Encore un mois de fini, ça passe vraiment vite !
Gros bisoux, cher bernie.
C’est un tournant de l’histoire
et bien c’est ce que j’allais dire « les ennuis » de sont pas loin…..aïe….il va falloir se reprendre et bien faire attention….passe un doux vendredi
c’est un rebondissement
ca revient à la mode la robe Vichy
peut-être…