Aubervilliers : Les Saisons (Roman-performance) d’après Maurice Pons

Du 29 mars au 2 avril, La Commune d’Aubervilliers présente "Les Saisons (Roman-performance)" du Collectif L’Eventuel Hérisson Bleu.

Les Saisons (Roman-performance)

C’est la deuxième fois qu’Hugo Mallon et le collectif imagine de faire spectacle d’un « roman impossible ». En croisant Théâtre et Cinéma, création sonore et création scénographique, il s’agira plus que jamais de donner vie à un spectacle total, en plaçant au centre la littérature et sa mystérieuse puissance.

Les saisons est un livre à la fois culte et confidentiel, roman de Maurice Pons, publié en 1965. C’est un roman inclassable, une fable noire insaisissable. Une parabole sans signification, un roman de fantasy sans magie, l’invention d’un monde qui a ses propres règles et qui entretient avec le réel un rapport déformé. Mais aussi un roman d’une urgence absolue qui interroge la nécessité de l’art et la possibilité du bonheur dans un contexte d’effondrement écologique et politique.

Le « roman-performance » de la compagnie L’éventuel hérisson bleu se rêve comme une expérience métaphysique en temps réel, une véritable mise en performance du roman.

Résumé

Lorsque la boue, le froid, la désolation et puis la faim, saisissent les corps, peut-on prétendre rester humains ? Des saisons, Siméon n’en connait désormais que deux : celle des pluies, celle du gel. Elles scandent inlassablement l’existence précaire du petit village de montagne où il a trouvé refuge. Ne parvenant pas à écrire le roman qui lui est cher, notre héros se révolte

Contre la résignation des habitants : « quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change ! ». Alors, comment ? Après avoir osé porter sur scène L’Éducation sentimentale de Flaubert, Hugo Mallon s’attaque à un autre chef-d’oeuvre de la littérature : Les Saisons de Maurice Pons. Peu connu, l’ouvrage suscite la ferveur d’une poignée d’amateurs, d’une confrérie quasi secrète dont le théâtre voudrait bien élargir le cercle. C’est le choix d’une forme singulière, le « roman-performance », pour restituer la puissance des émotions qui surgissent à la lecture de ce texte. En transformant les lecteurs en spectateurs, Hugo Mallon ne veut pas « adapter » le

Roman : il fait le pari d’en préserver l’intégralité et par là, faire avec nous le parcours et la mise en perspective des questions brûlantes qu’il nous pose. Car, on l’a compris, la dystopie du monde des Saisons n’est vraiment pas éloignée du nôtre…

Le roman de Maurice Pons (1965)

Les Saisons est un roman inclassable, une fable noire insaisissable. Une parabole sans signification, un roman de fantasy sans magie, l’invention d’un monde qui a ses propres règles et qui entretient avec le réel un rapport déformé.

Première partie

Siméon, « jeune encore, mais si laid », rescapé « d’abominables horreurs », au « seizième mois de l’automne », dans la boue et sous la pluie, arrive à pied dans un village de montagne inhospitalier. On jette un crâne de mouton à l’étranger en signe de bienvenue. En voulant envoyer rouler le crâne, Siméon se blesse au pied. Au « café-hôtel du pays », il rencontre la veuve Ham, méfiante tenancière, et les deux douaniers du village. On lui apprend qu’ici, il ne pousse que la lentille, et on ne mange que la lentille : « soupe de lentilles, beignet de lentilles, alcool de lentilles…

Et voilà. » Siméon décide de passer ici l’hiver, et obtient de Mme Ham de pouvoir s’installer dans le grenier au-dessus du café-hôtel. Il reçoit la visite de Louana, petite fille curieuse qui deviendra sa seule amie, puis des deux douaniers du canton, venus pour comprendre ce qu’un étranger peut bien faire chez eux. Siméon leur avoue son dessein : il veut s’installer au village pour écrire enfin le premier livre dont il rêve depuis toujours, « avec la brûlure sombre de son soleil et l’ombre des cages sur le désert, avec le sable épars de sa musique aiguë, avec ses larmes, avec ce visage hagard, avec les cris de sa soeur Enina… »

Alors que sa blessure au pied s’infecte, Siméon reste cloîtré dans sa « chambre », regardant la pluie tomber sans répit, essayant sans succès de se mettre à l’ouvrage, ne descendant au café que pour prendre ses repas, sous l’oeil méfiant des villageois. De plus en plus inquiet pour sa blessure, Siméon décide d’aller voir le guérisseur du pays, le Croll. C’est la première fois qu’il a un prétexte pour visiter le village.

À travers une fenêtre, il surprend une voisine, Clara Dogde, nue, en train de prendre son bain, et en tombe aussitôt amoureux. Conduit par Louana, il fait la rencontre du Croll, géant à l’ oeil rouge qui habite dans une grotte sous la terre. En usant de méthodes inventives et contestables sur le plan de l’hygiène, le Croll ampute l’orteil de Siméon. Le conseil du village décide de se réunir pour statuer sur le sort de l’étranger. Il est décidé, puisque c’est un savant, qu’il s’occupera dorénavant d’un vieux pluviomètre situé en bas du village. Siméon a désormais une fonction, ce qu’il regrette car il n’a plus le temps de se mettre à son livre.

Deuxième partie

« Un beau jour, vers le soir, il cessa de pleuvoir ». Après quarante mois de pluie, c’est le « gel bleu » qui commence. Le froid n’est pas supportable, les fontaines éclatent, la seule manière de survivre est d’hiberner avec un animal attaché autour du ventre pour ne pas mourir. Louana donne un chat à Siméon.

Le gel empire la blessure de Siméon, le Croll l’ampute de tout son pied. La douleur l’empêche d’écrire, tandis que plusieurs évènements funestes accentuent l’idée chez Siméon que ce village « n’est pas habitable ». Un jour, Siméon annonce au Conseil qu’il a décidé de quitter le village « dès que les conditions météorologiques le permettraient ». Mais il propose aux villageois de leur laisser une trace de son passage, faute du livre qu’il n’a pas réussi à commencer. Il propose de faire un enfant à Clara Dogde.

Après délibération, le Conseil vote pour. Mais rien ne se passe comme prévu, la fécondation échoue et Siméon, humilié, se terre dans sa chambre en attendant le dégel. Vers le trente-cinquième mois du gel bleu, deux cavaliers arrivent au village, ce qui fait sensation. Ils sont beaux, ils sont blonds, ils sont bien portants, ils chantent des jolies chansons. Ils apprennent aux villageois que de l’autre côté du col s’étend une vallée verdoyante, où l’on cultive une céréale toute blanche qui s’appelle le riz, en riant sous le soleil. Ils disparaissent comme ils sont venus sous le regard des villageois médusés. Siméon réaffirme son désir de partir et de passer le col.

Troisième partie

Au dégel, les villageois sont toujours hantés par la visite des deux cavaliers. Ils décident d’abandonner leur village et de partir avec Siméon. Un exode commence sous une pluie torrentielle. Le Croll, incapable de quitter le pays, avale de la poudre à canon et se fait exploser. Louana reste seule au village. Le voyage est horrible. Nombreux sont ceux qui meurent. La situation physique de Siméon empire. Mais le groupe d’exilés finit par arriver au col. Là, ils voient arriver dans l’autre sens un groupe de villageois semblable en tout point au leur. À eux aussi, deux cavaliers blonds ont dit que la vie serait meilleure de l’autre côté. On accuse Siméon d’avoir cru les cavaliers. Les villageois le pourchassent et le lapident à mort.

« – Ce n’est pas au diable que j’irai, dit-il. Vous le savez. Vous pouvez bien rester à vous disputer des fourchettes à melon, à vous « accommoder » de cent façons, comme disait feu la veuve Ham.Moi, je ne veux pas croupir avec vous dans cette pourriture. Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change. Adieu ! Il me reste une main pour écrire, un pied pour marcher. J’irai enrichir un autre monde puisque je sais maintenant qu’un autre monde existe. N’avez-vous pas entendu comme moi ces étrangers ? Ils nous l’ont dit. Chez eux, il n’y a plus de pauvres, le soleil est à tout le monde, les rivières sont tapissées d’algues et le printemps est immense… Je passerai le col, je découvrirai d’autres saisons. Et je serai récompensé. Oui, car permettez-moi de l’affirmer encore, pour tout ce que j’ai enduré ici et ailleurs, je mérite récompense. Et je garde, excusez-moi, en dépit de tout, une espérance dont vous n’avez pas idée. »

La compagnie L’éventuel hérisson bleu

L’éventuel hérisson bleu est un ensemble de création théâtrale fondé en 2009 et dirigé collectivement par cinq artistes (Sacha Bordes, Lou Chrétien-Février, Milena Csergo, Hugo Mallon et Antoine Thiollier). Ils et elles sont comédiens, comédiennes, auteurs, autrices, metteurs et metteuses en scène et partagent l’outil qu’est l’EHB, véritable plateforme de création. Ils et elles expérimentent un rapport collectif, toujours renouvelé, au travail de plateau, tandis que chaque spectacle est le fruit d’une vision artistique singulière et du parcours de son auteur, autrice.

Suivant les projets, ce noyau dur s’associe à d’autres artistes (éclairagistes, musiciens, musiciennes, scénographes, comédiens, comédiennes, vidéastes…) dans un compagnonnage le plus souvent durable. L’ensemble réunit des artistes qui s’estiment en tant que personnes et dans le travail, qui partagent un intérêt pour des directions de recherche communes, qui peuvent s’associer ou non selon les projets, qui ne sont pas toujours d’accord mais qui aiment être ensemble pour créer, en mettant en œuvre tous les moyens à leur disposition : écrire, mettre en scène, jouer, organiser, produire.

L’éventuel hérisson bleu est pensé comme un bastion au sein duquel il serait possible de créer des œuvres, de mener des recherches artistiques, de penser la dialectique jeu/travail en se mettant le plus possible à l’abris des injonctions du néo-libéralisme, y compris culturel. Au sein de ce bastion, en pensant de manière collective la production des œuvres et le déploiement des processus de recherche et en se refusant à revendiquer une esthétique univoque, ses membres essayent d’élaborer des stratégies communes qui permettent à chacun et chacune d’explorer sa singularité artistique.

En 2011, l’éventuel hérisson bleu s’installe à Canny sur Thérain, dans l’Oise. Entre 2012 et 2015, l’ensemble est en résidence à Mains d’Œuvres, Saint-Ouen, puis à la Maison du Théâtre d’Amiens entre 2015 et 2018.L’éventuel hérisson bleu est artiste associé au Théâtre du Beauvaisis – scène nationale pour la période 2020-2023.

Quelques créations de la compagnie :

2014 Minuit Cinquante Premier Décembre

Texte et mise en scène Hugo Mallon

La Chartreuse, Confluences, La Loge, Maison du Théâtre d’Amiens, Festival Tout Thérain, Théâtre Berthelot

2016 Les Constellations – une théorie (opéra)

Livret et mise en scène Antoine Thiollier / Musique Joséphine Stephenson / En co-production avec Miroirs étendus La POP, Opéra de Lille, Le Bateau-Feu SN Dunkerque, Comédie de Picardie

2018 Éducation sentimentale (roman-performance)

Adaptation et mise en scène Hugo Mallon d’après Flaubert

Le phénix, SN Valenciennes, Maison de la Culture d’Amiens, Théâtre Sorano (Toulouse, Festival Supernova), Point Communs, SN Cergy-Pontoise, Théâtre Olympia – CDN de Tours (Festival WET), Le Vivat (Armentières), Théâtre de Beauvaisis, SN…

2020 Un lieu incertain

Adaptation et mise en scène Antoine Thiollier d’après le roman de Fred Vargas. Création octobre 2020 au Théâtre du Beauvaisis, SN.

2022 Le Cheval de la vie

Texte et mise en scène Lou Chrétien-Février

Avec le soutien du festival Fragments, de La Commune – CDN d’Aubervilliers

Hugo Mallon, metteur en scène

Né en 1989, Hugo Mallon, metteur en scène est également auteur et comédien. Il se forme en classe préparatoire littéraire spécialité théâtre au lycée Fénelon à Paris puis à l’Université Paris- Ouest Nanterre La Défense où il travaille notamment avec Jean-Michel Desprats, David Lescot, Christophe Triau, Sabine Quiriconi. Il est diplômé d’un master 2 recherche en Études théâtrales mené sous la direction d’Emmanuel Wallon. Il suit en parallèle une formation de comédien à

l’ École du Jeu à Paris, sous la direction de Delphine Eliet, et lors de stages auprès de Gilles David, Laurence Mayor, Mikaël Serre, François Orsoni… Il joue dans de nombreuses créations de l’éventuel hérisson bleu depuis 2009, mais aussi dans les spectacles de Mario Batista et François Orsoni.

En tant qu’auteur, il écrit en 2010 Pour une époque sans monstres, texte lauréat de l’Aide d’encouragement du Centre Chartreuse-CNES de Villeneuve lez Avignon en 2011 et 2012, où il écrit Minuit cinquante premier décembre, qu’il crée avec l’éventuel hérisson bleu à La Loge à Paris en janvier 2014.

En 2015, il crée le conte futuriste tout terrain C’était il y a très très longtemps mais ce n’était pas loin, présenté dans de nombreux espaces extérieurs ruraux ou urbains. En 2018, il crée Éducation sentimentale (roman-performance). Il est artiste accompagné par le Campus du pôle européen de création Amiens-Valenciennes, et enseigne depuis 2017 à la faculté d’arts du spectacle de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens.

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Production

d’après Les Saisons de Maurice Pons (1965)
conception et réalisation L’éventuel hérisson bleu
travail textuel, dispositif et mise en scène Hugo Mallon
avec Sacha Bordes, Logan de Carvalho, Lou Chrétien-Février, Romain Crivellari, Aude Mondoloni, Antoine Thiollier

création cinématographique Ilias el Faris
chef opérateur et cadre vidéo en direct Robin Fresson
régie vidéo Camille Gateau
création musicale Léo Kauffmann
création sonore Jules Fernagut
création lumière Luc Michel
scénographie Marine Brosse
construction Marine Brosse et Clarisse Delille
création costumes Alix Descieux-Read
régie générale Ludovic Heime
chargée de production Romane Vanderstichele

production L’éventuel hérisson bleu
coproduction Théâtre du Beauvaisis – scène nationale, le phénix – scène nationale Valenciennes, Maison de la Culture d’Amiens
avec le soutien de ministère de la Culture – DRAC Hauts-de-France, Région Hauts-de-France, Département de l’Oise, CNC (DICRéAM)
Hugo Mallon est artiste accompagné par le phénix – scène nationale Valenciennes et la Maison de la Culture d’Amiens, dans le cadre du campus du Pôle européen de création Amiens/Valenciennes
L’éventuel hérisson bleu est artiste associé au Théâtre du Beauvaisis – scène nationale

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