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Raconte-nous, qui est ‘Capitaine Tom’ ?

Il s’agissait pour moi d’expliquer à mon fils que nous vivions avec certains principes qu’il ne retrouvera pas forcément ailleurs et cela n’est ni mal ni bien, c’est juste différent… Virginie Vanos a rencontré Axel Ziwny, auteur de « Capitaine Tom ». Il nous parle de la genèse de son livre et des relations parents-enfants.

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Interview d’Axel Ziwny, auteur de « Capitaine Tom »

Virginie Vanos : Bonjour Axel, heureuse de faire ta connaissance ! Raconte-nous… Qui est « Capitaine Tom » ? Et quelle est la genèse de ce livre ?

Axel Ziwny : Capitaine Tom, c’est un peu moi jeune et un peu mon fils. Tout ce qui lui arrive est inspiré d’anecdotes que j’ai vécues et de réactions que j’ai eues. Si, pour moi, ces anecdotes se déroulent entre mes 10 et 14 ans, pour Tom, il lui suffira de 7 jours. Bien sûr, je n’ai rien vécu de ce qui arrive à Tom, mais, j’ai transposé dans mon récit ma perception de ma jeunesse.

Pour ce qui est de la genèse, le livre est né lors d’un voyage en Anjou pour aller chercher les bateaux que nous avions achetés aux Ateliers de la Gazelle des Sables. Nous étions passés par Wissant et le Cap Gris-Nez.

Dans la voiture, nous avions parlé des difficultés que mon fils Erwan avait en lecture alors que sa grande sœur dévorait les romans les uns après les autres. Le soir, tout s’est mélangé dans ma tête : le Cap, les bateaux, mes propres difficultés dans ma jeunesse et celles de mon fis… Et j’ai imaginé les grandes lignes de l’histoire.

Après, il ne suffisait plus que de l’écrire. Cela a pris 2 ans pour le premier volet des aventures… Sur ce temps là, Erwan avait pris gout à la lecture, il terminait la saga Harry Potter et commençait les Percy Jackson.

VV : Tu m’as parlé de l’ouverture sur le monde extérieur, et de la découverte d’autre chose que les règles de l’école et les règles familiales, qui est l’un de thèmes de ton roman. A tes yeux, en quoi est-ce si important pour les adultes de demain ?

AZ : Se rendre compte jeune que le monde est multiple apprend la tolérance je pense. Mais surtout, cela montre à l’individu la multitude des choix de vies. Cela aide à se détacher du noyau familial pour construire sa propre identité et sa propre vie.

En famille, on respecte les règles familiales, à l’école, ce sont d’autres règles qui régissent la vie en commun et en dehors de ces deux structures, chacun doit pouvoir s’adapter, vivre sa liberté sans déranger les autres.

Mais ce thème n’a pas été abordé dans cette optique.

Il s’agissait pour moi d’expliquer à mon fils que nous vivions avec certains principes qu’il ne retrouvera pas forcément ailleurs et cela n’est ni mal ni bien, c’est juste différent.

VV : Tu évoques  aussi dans l’histoire du jeune Tom le pardon des parents pour leur fils, parce qu’ils le comprennent et du fils pour ses parents parce que lui apprend à les comprendre au cours de son voyage. Est-ce de nos jours  donc si dur de dialoguer et de pardonner à ses parents ou à ses enfants ?

AZ : Je ne pense pas que ce soit de nos jours. Cela part de certaines incompréhensions que j’avais moi-même vis à vis de mes parents malgré que le dialogue existait.

 Je pense que mes parents m’ont toujours pardonné mes réactions injustes envers eux, par ce qu’eux mêmes avaient été enfant et savaient ce que c’était de se construire, mais enfant, on n’a pas conscience que notre perception des choses changera, une chose anodine peut nous paraître la plus importante au monde.

Par définition, pour un Enfant, il est difficile de prendre du recul, c’est le propre de l’expérience.

sérigraphie couverture captitaine tom illustratrice Estelle Vanduynslager
Sérigraphie de la couverture de Capitaine Tom réalisée par l’illustratrice, Estelle Vanduynslager.

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VV : Tu m’as parlé de curiosité. J’avoue que quand j’ai lu ton livre, j’ai pensé qu’il comportait trois difficultés pour les pré-ados. La première étant les termes nautiques, la seconde, les quelques dialogues en anglais mais aussi et surtout la  Seconde Guerre Mondiale, les histoires de collaboration, de résistance, des biens confisqués. Comment attiser alors l’intérêt de jeunes qui, à mes yeux de célibataire nullipare, sont de plus en plus blasés?

AZ : Pour ce qui est des éléments relatifs à la Guerre 40-45, je ne pense pas que comprendre soit l’essentiel. Etant jeune, j’écoutais beaucoup de chanson française. Je ne comprenais pas toujours les paroles, mais elles prenaient malgré tout une petite place dans ma tête.

Par exemple, pour la chanson « Morts les Enfants » de Renaud, j’aurai mis plusieurs années avant de comprendre chaque point abordé. Lorsqu’il parle des enfants morts de Seveso, morts les arbres les oiseaux, j’ai compris de quoi il s’agissait lorsque j’ai entendu parlé d’un site Seveso au JT et j’ai alors pu poser la question à mes parents, et c’est d’ailleurs ma sœur qui a répondu, elle venait de le voir en géographie.

A mon sens, ce n’est pas important de tout comprendre tout de suite. On peut laisser certaines choses dans un coin de la tête et les comprendre plus tard. Sans vouloir dévoiler trop du tome 2, certaines choses y seront expliquées.

Pour les termes nautiques, je dois reconnaître qu’il faudrait ajouter au glossaire un petit schéma du bateau et d’autres explications visuelles.

Enfin, pour les dialogues en anglais, j’ai pris garde à ce que les passages anglais ne dévoilent rien d’essentiel ou alors, la traduction suit dans le dialogue. J’espère juste contribuer au fait que l’enfant estime important d’apprendre une langue étrangère.

Erwan fils Axel Ziwny

VV : Pour toi, quels devraient être les objectifs d’une Éducation nationale plus soucieuse de la curiosité intellectuelle et de l’étonnement philosophique des jeunes de 2019 ?

AZ : Étant Belge, je ne sais pas trop comment cela se passe en France, mais de notre côté, le nombre d’enfants par classe ne cesse d’augmenter, ce qui empêche le professeur d’entendre les questions de tous ses élèves ou simplement de s’inquiéter de ce que ressentent ses élèves. L’école ne peut plus être le lieu principal où l’enfant développe son esprit critique.

Ensuite, de 12 à 18 ans, le programme scolaire met de plus en plus l’Histoire et la Géographie de côté dans le but de diminuer l’échec scolaire. On pourrait se dire que l’enfant n’a qu’a être curieux et apprendre l’histoire par lui-même, mais c’est oublier que pour qu’il y ait curiosité, il faut la susciter.

Je pense donc urgent d’arrêter de faire croire que les cours de philosophie (citoyenneté et religion chez nous), histoire et géographie sont moins importants qu’un cours de math ou français. Et surtout, diminuer le nombre d’élève par classe, au moins pour certains cours, par ce qu’il faut aussi être réaliste, plus jamais, l’État aura les moyens de limiter le nombre d’élève par prof à 15-20.

VV : Et comment les parents peuvent-ils aider leur enfant afin de leur inculquer ce désir de connaissance ?

AZ : Sortir. Proposer à l’enfant des activités. Faire certaines choses en famille et laisser son enfant faire d’autres activités avec d’autres personnes. En tout cas, c’est le choix que nous avons fait, je dirai dans 15 ans si c’est le bon…

VV : Pour conclure, comment imagines-tu la génération qui suivra celle de ton fils ?

AZ : En tout point pareil, des petits êtres en quête d’outils pour comprendre le monde. Comme le dit Jali dans une de ses chansons, « Car un enfant devient ce que l’on fait de lui » (parole de « Comme un Enfant », Jali 2011)

J’espère bien être grand-père. Ce sera alors le problème de mes enfants. Quand on voit les changements entre 1923 (naissance de ma Grand-mère dont il est question dans le roman) et aujourd’hui, on ne peut pas s’imaginer ce qu’il en sera dans 15 ans.

Mais, indépendamment de l’environnement dans lequel on vivra, je pense qu’un enfant sera toujours un petit être en quête d’outils pour comprendre le monde. Notre devoir sera de les nourrir de notre (nos) histoire(s).

Virginie Vanos © Marc Naesen
Virginie Vanos © Marc Naesen

Une rencontre signée Virginie Vanos

(Re) découvrez l’interview de Virginie Vanos qui nous parle de son dernier roman Anna Plurielle

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Bernie
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10 commentaires

  1. Je suis tombé sur cette article à tous hasard, je trouve que c’est un sujet qui nous touche à peut près tous durant notre parcours de vie.
    Se construire,se confronter à nos peur,être en contradiction avec ce qui nous a était inculpé et ce qui nous entoure, ses moments d’incompréhension ,de frustration et de colère qui génèrent entre différentes générations et souvent difficile à vivre pour chacun d’entre eux.

    Ce livre me paraît intéressant et touchant a la fois cette rétrospective parents enfants qu’évoque l’auteur avec son fils
    Et tout simplement magnifique.
    Je n’ai pas encore le livre mais cela ma donnée envie de le découvrir .
    Bravo

  2. De tout temps il y a eu à un moment donné un conflit entre enfants et parents et c’est normal mais parfois il n’y en a pas car l’ado. est trop proche de ses ou son parent. Le livre me paraît intéressant et je vais le lire

  3. Bonsoir Bernie , je découvre donc par le truchement de cet entretien ,Axel Ziwny, auteur de « Capitaine Tom » . Une jolie manière de découvrir l’auteur avant de lire ce livre et , un rayonnement que de lire que de se rendre compte jeune que le monde est multiple apprend la tolérance : Oui!! Voila qui donne beaucoup d’espoir !

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