Les violences obstétricales et gynécologiques peuvent s’exprimer de nombreuses façons, Virginie Vanos a reçu le témoignage poignant de Cindy Vandermeulen sur les actes sexistes durant le suivi obstétrical et gynécologique.
Violences obstétricales et gynécologiques
Virginie Vanos : Bonjour Cindy, tu avais évoqué il y a quelques mois le phénomène de « violences gynécologiques ». J’avoue que jusqu’à présent, cela m’était complètement inconnu. Pire encore, je n’en avais que peu conscience ! Pourrais-tu définir ce terme ?
Cindy Vandermeulen : Bonjour Virginie. Pour répondre à ta question, je vais m’appuyer sur la définition qu’en donne l’IRASF (Institut de Recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes) : « Les violences obstétricales et gynécologiques sont, au regard des nombreuses lectures de témoignages reçus par le Collectif S.I.V.O, un ensemble de gestes, de paroles et d’actes médicaux qui vont toucher à l’intégrité physique et mentale des femmes de façon plus ou moins sévère.
Ces actes ne sont, d’une part, pas toujours justifiés médicalement, et d’autre part, s’opposent pour certains aux données et recommandations scientifiques actuelles.
Cela va se produire tout au long de la vie des femmes, pendant les visites gynécologiques, ou le suivi en obstétrique pour la grossesse, l’accouchement et le post-partum, ainsi qu’à l’occasion de certains examens médicaux n’ayant rien à voir avec la sphère génitale ».
VV : Pourrais-tu évoquer quelques exemples concrets ?
Cindy Vandermeulen : Ce sont tous les actes qui vont être imposés sans le consentement éclairé de la patiente : par exemple, lors de l’accouchement, on va te faire une épisiotomie sans te demander ton avis, où l’on va simplement te dire, c’est pour ton bien.
J’ai subi 3 épisiotomies sans même savoir que c’était un acte chirurgical et qu’en réalité, il n’est pas à chaque fois nécessaire. Je ne savais pas qu’elles étaient les conséquences.
Il arrive même que certains gynécologues pratiquent ce qu’on appelle le « point du mari » : c’est-à-dire qu’il va recoudre le vagin de la femme plus étroit qu’il n’est nécessaire afin d’augmenter le plaisir du mari pendant la pénétration, sans en informer bien sûr la patiente et sans lui parler des douleurs que cela causera chez elle.
On peut appeler cela une mutilation génitale. On a l’impression qu’on n’est pas concernée par l’excision et l’infibulation pratiquées surtout en Afrique et qui commencent à se répandre ici, mais nos pratiques européennes sont tout aussi barbares.
Pour la contraception, je n’ai jamais eu d’explication sur les différents modes de contraception et surtout les inconvénients que cela pouvait représenter pour ma santé. A l’époque, j’étais jeune, ce qui disait le médecin était presque « parole d’Évangile ». Et puis, c’est ce qu’on appelle de syndrome de la blouse blanche : on se soumet complètement.
Mais les violences gynécologiques se sont aussi
- des agressions physiques
- des agressions verbales
- des jugements et des commentaires personnels
- des humiliations graves
- le manque de confidentialité
- des violations flagrantes de l’intimité
Le nombre et les formes de violences gynécologiques sont très étendues. Cela concerne aussi les touchés vaginaux et rectaux d’étudiant.e.s sur des femmes anesthésiées sans leur consentement préalables, mais avec la bénédiction et les encouragements de leurs professeurs.
Ça peut être le fait de montrer une échographie du bébé et de faire écouter les battements du cœur sans savoir si la patiente désire interrompre sa grossesse ou pas. Ça peut être aussi refusé à une femme une stérilisation si elle le souhaite au prétexte qu’elle est trop jeune ou qu’elle n’a pas encore eu d’enfants en l’infantilisant, etc.
C’est aussi pratiquer une IVG par aspiration sans anesthésie. Une jeune femme me faisait part de son témoignage à sujet en 2019 en Belgique !!!
Intégrité physique et mentale des femmes
VV : Penses-tu que cela pourrait toucher les femmes de tout âge et de toutes classes socioculturelles ?
Cindy Vandermeulen : Évidemment. Les violences gynécologiques s’exercent tout au long du suivi gynécologique, pendant la grossesse, le post-partum, la ménopause… Les visites commencent à l’adolescence en général et se poursuivent toute la vie… Toutes les femmes sont amenées, à un moment de leur vie, à suivre une consultation gynécologique et donc à être potentiellement victimes de violences gynécologiques ou bien obstétricales. D’ailleurs, il n’y a pas que les gynécologues qui peuvent causer ses violences. Ces actes peuvent aussi être commis par des sages-femmes, des infirmièr.e.s, des médecins généralistes, des agents administratifs, des auxiliaires de puériculture, des puériculteurs.trices, des anesthésistes, des aides-soignant.e.s, des agents de service, etc.
VV : Crois-tu que ce soit un moyen, conscient ou inconscient, de contrôler, de juger ou de condamner la liberté que les femmes ont commencé à acquérir peu à peu depuis les années 60 ?
Cindy Vandermeulen : Certainement.
VV : Penses-tu qu’il règne une certaine loi du silence à ce sujet ?
Cindy Vandermeulen : Bien sûr, ce sont des questions intimes dont on ne parle facilement. Il y a une honte, un tabou qui s’installe et qui donc ne favorise pas la parole des femmes. Le #metoo a permis à beaucoup de se sentir encouragées à témoigner par le fait qu’elles se reconnaissaient aussi dans le témoignage d’autres femmes. Par ailleurs, tant qu’on n’a pas conscience que c’est une violence, on n’en parle pas, puisque c’est normal…
VV : J’ai la nette impression que les médecins de moins de 45-50 ans sont de moins en moins progressistes, voire complètement paternalistes et rétrogrades, même les femmes. Quel est ton ressenti à ce sujet ?
Cindy Vandermeulen : Je dois dire que je n’ai pas consulté suffisamment de gynécologues pour avoir une opinion à ce sujet. Mais une chose est sûre, le fait d’avoir conscience de ces comportements fait que maintenant, je n’aurais aucune peine à le faire remarquer à ma gynécologue si son comportement me déplait.
VV : Comment réagir face aux violences gynécologiques ? Y a-t-il des recours légaux ? Si oui, dans quels cas ?
Cindy Vandermeulen : Il y a de plus en plus de témoignages et Europe 1 reprend dans cet article que j’ai trouvé très bien fait comme réagir avec des exemples concrets
En Belgique, l’association Premisse a sorti une brochure très didactique
Vous retrouverez les conseils à ce sujet en page 30 qui vous rappellent que « Vous pouvez adresser une plainte à l’ordre des médecins. Le praticien pourrait recevoir une sanction disciplinaire (blâme, radiation…)
Si le praticien commet une faute en ne respectant pas la loi et que cela vous cause un dommage, vous pouvez déposer une plainte au civil. Vous pouvez espérer une indemnisation (dommages et intérêts).
Si vous avez été victime d’un viol, d’une agression sexuelle, d’une mutilation sexuelle, de coups et blessures, vous pouvez déposer une plainte au commissariat ou par courrier auprès du procureur du roi. Le soignant risque une amende et une peine de prison »
Je conseillerais aussi de se tourner vers les associations pour se faire accompagner.
VV : Enfin, comment souhaites-tu conclure cet entretien ?
Cindy Vandermeulen : En te remerciant de m’avoir donné la parole sur ce sujet qui est encore largement tabou. Je souhaiterais que plus de personnes parlent des violences gynécologiques, car il n’y a qu’en prenant conscience du problème qu’on peut s’en émanciper.
N’hésitez pas à dire à la personne quand une situation vous met mal à l’aise, ne vous convient pas, exprimez votre désaccord, ne vous sentez pas coupable.
Si vous vous reconnaissez dans une des situations décrites : parlez-en, faites-vous accompagner, dénoncez à l’hôpital, à l’ordre des médecins, cela contribuera aussi à avoir des statistiques, des indications de comportements non appropriés de la part de certaines personnes.
Parfois les preuves sont difficiles à apporter mais si plusieurs personnes témoignent, cela laissera moins de place à l’impunité.
Pour aller plus loin :
L’institut de recherche et d’actions pour la santé des femmes – IRASF
PREMISSE – Questions & Alternatives – Erreurs Médicales asbl
Virginie Vanos © Marc Naesen
une rencontre signée Virginie Vanos
(Re) découvrez l’interview de Virginie Vanos qui nous parle de son dernier roman Anna Plurielle
Effectivement, le gynéco « un peu barge », on n’ose pas en parler vraiment…
Et souvent, idem pour ce qui se passe à l’hôpital, on se dit qu’on est « mal tombée »… (mon cas, aussi… je ne consulte plus aucun gynéco, c’est dire !).
Mais « le point du mari », alors là… mais quelle horreur !! On est revenu au Moyen-Age, ou quoi ?
Un grand merci à Virgine Vanos pour cet excellent article, pour ce témoignage recueilli…
Merci pour ton témoignage
Pour ma part, j’ai du user six gynecologues avant de mettre la main sur un qui acceptait une chirurgie conservatrice de mon endometriose. Les autres avaient trop peur de devoir proceder à l’ablation d’un ovaire voire de l’utérus… Et comme je suis nullipare et encore en âge d’avoir des enfants… Je suis outree de cette espèce d’obligation morale de vouloir à tout prix des enfants quand on est une femme! Le pire a ete cette infirmière qui m’a traitée de salope fasciste carriériste sans coeur. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui rétorquer que si elle n’était qu’un mammifère préhistorique, je me considérais comme une homo Sapiens plus évoluée qu’un mammouth laineux. Bonjour l’ambiance… Mais ce genre de remarques est très fatigante, à la longue.
merci pour ton témoignage
J’ai connu ça avec un gynécologue qui tâtait les seins un peu trop longtemps et j’ai changé pour une femme et après je n’ai plus eu de problèmes.
Merci pour ton témoignage
ça peut être aussi lors d’ une Ivg, d’ amener un berceau dans la chambre !
Bonne journée Bernie
absolument