Les grands manguiers, ah oui ! Par Allah, ils ont pourri sur place ! Sous les manguiers d’Allah une nouvelle d’Yves Carchon inspirée par son séjour à Mayotte, aujourd’hui département français, où vivent 90% de musulmans…
Sous les manguiers d’Allah
« A Bandraboua, ô fils, (Allah me coupe la langue si par malheur je mens), j’ai connu des rues propres et coquettes où nul zébu ne divaguait. Nos routes étaient fleuries et ombragées à cette époque. Ce beau manguier que tu vois là avait des frères plus grands que lui.
Et ces colosses bordaient la route où ne passaient que des charrettes. Et là, sous ces ombrages, ta mère, ses sœurs et leurs cousines, et les voisines de ces cousines et les amies de ces voisines, cousaient et jacassaient jusqu’à la nuit tombée.
Et l’alizé du soir emportait leurs palabres, là-bas, au large, jusqu’aux Iles de la lune où survivaient les sœurs, les frères et les parents de ma première épouse… La nuit, quand je dormais, il m’arrivait d’entendre dans mes rêves le muezzin de Domoni et son appel me susurrait de m’embarquer pour Anjouan.
Et dans ces moments-là des djinns cernaient ma couche pour me piquer les pieds, les mains, le ventre, et leur sabbat durait toute la nuit. Et de mes sombres songes émergeait le remords d’avoir abandonné ta sainte grand-mère ! »
— Des djinns, grand -père ?
— De vrais démons, ça oui, qui me tournaient la tête ! Au fait, dis-moi, où en étais-je ?
— Aux gros manguiers, grand-père.
— Les grands manguiers, ah oui ! Par Allah, ils ont pourri sur place ! Et le soleil bientôt a desséché la terre. Même nos ruisseaux ont disparu ! Nos sources, nos puits se sont taris. Ne poussait plus que la broussaille. Alors les gardiens de troupeaux ont laissé paître leurs zébus. Et toutes ces bêtes erraient dans Bandraboua. Et ceux qui s’échinaient à planter du manioc voyaient toutes leurs récoltes finir dans la panse des zébus !
Alors naquit une querelle entre planteurs et éleveurs. Dix ans à se manger le nez ! Même les bouénis se chipotaient. Les hostilités se calmaient pendant le ramadan. Puis, juste après l’ide, on découvrait sur le chemin un zébu égorgé, zébu bientôt vengé par un champ de manioc dévasté ou brûlé. Tu peux imaginer, ô fils, la sainte colère d’Allah ! Voir ses fidèles se quereller stupidement ! Il se devait d’intervenir avant que tout zébu et toute graine de manioc aient disparu à Bandraboua.
C’est alors qu’arriva, au solstice d’été, un de ses envoyés. L’homme mit bon ordre à Bandraboua en instaurant une dîme que paierait tout éleveur qui laisserait vaguer ses bêtes. L’obole récoltée servirait à boiser le village, à replanter des arbres à pain, des cocotiers, avocatiers, manguiers et orangers. Chaque arbre – c’était la volonté de l’Envoyé et donc d’Allah – serait planté par un enfant. Et l’arbre aurait le nom de cet enfant. Il y aurait l’arbre Ahmed, l’arbre Saïd ou l’arbre Zacharia… Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Bientôt, les arbres bourgeonnèrent et se couvrirent de fleurs. Et leurs ramures se déployèrent, montèrent flatter les pieds d’Allah. Et plus aucun zébu ne vint brouter le manioc du voisin ! Et te voilà, ô fils, sous cet épais ombrage, à m’écouter te raconter l’histoire de ces manguiers d’Allah ! Bientôt, il fera jour. Et tu n’auras même pas dormi ! Uku ushe ! La nuit s’achève. File ! Va-t’en dormir !
— Mais je n’ai pas sommeil, grand-père !
— Va te coucher, te dis-je.
Une nouvelle signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons"
Je découvre ce court texte, et cette belle écriture poétique !
merci !
Une histoire qui fait et fera encore couler beaucoup d’encre. Excellente soirée et merci de votre passage
à suivre alors…
Salut
Une bielle belle fable pour une île maintenue territoire français par référendum et grâce à Sarkozy qui a ainsi attiré des milliers de comoriennes engrossées venant pour y accoucher et pouvoir ainsi s’y incruster et profiter des aides sociales, leur progéniture étant née française par la loi du sol. Un département français qui coûte beaucoup aux citoyens de la métropole. Pourtant le même problème était déjà connu avec les femmes enceintes du Surinam venant accoucher sur le sol guyanais. Il aurait fallu associer les français de l’hexagone au référendum.
Bonne fin de journée !
Ah les referendums… Si il est conforme à notre avis on l’encense, sinon on le renie.
Joli conte …
Bonne fin de semaine,
toujours au soleil : un régal.
merci
Bonjour Bernie
Merci de cette découverte.
@mitié
avec plaisir
il y a des solutions , mais encore faut il trouver le bon professeur !
Bonne journée Bernie
il faut chercher.