En tant qu’homme, la femme me fascine par sa force

Entretien avec Paul Ziwny, professeur de mathématiques, technicien de théâtre autodidacte, radiotélégraphiste, surveillant-éducateur, formé à l'aïkido et aux yoga (entre autres techniques orientales), photographe, père et grand-père… Et l’un de mes plus proches amis.

De Panne plage  Art ©Paul Ziwny
©Paul Ziwny

 

Virginie Vanos : Bonjour Paul, merci de m’accorder ton attention. Je te sais fortement impliqué dans différentes causes. Quels sont les engagements qui te tiennent le plus à cœur de défendre ?

Paul Ziwny : Ils tournent autour de l’environnement et de la société.
J’ai 66 ans. Depuis l’adolescence, déjà, je suis sensibilisé à la pollution : empoisonnement des sols, de l’eau puis le reste au fur et à mesure que les lanceurs d’alertes tentaient de nous conscientiser.

Tout jeune adulte, je suis tombé dans un groupe largement à gauche. D’immature à l’époque de mai 68,  j’ai largement rattrapé le temps perdu dans les années ‘70.
Aujourd’hui, je vois notre société néo-capitaliste nous encourager, dans une ambiance « du pain et des jeux » à nous renfermer sur notre pauvre petit égo pendant que notre environnement en train de sombrer, menaçant à terme notre existence en même temps que celle de nombreuses espèces.

VV* : A mon sens, le féminisme est une cause entièrement humaine, qui concerne aussi tous les hommes… Quel est ton ressenti à ce sujet ?

Paul Ziwny :J’ai du mal à avoir cette idée globale que tu me demandes. A chaud, je ne peux que donner mon ressenti personnel.
En tant qu’homme, la femme me fascine par sa force. Une force différente de celle de l’homme, une puissance qui me restera mystérieuse. Je vois dans la femme mon « égale-différente », mystérieuse et fascinante – pour me répéter – qui n’a pas moins le droit au respect que moi.
Dès lors, dans la relation de couple, par exemple, je ne vois pas pourquoi l’un devrait être la possession de l’autre. Le temps de l’esclavagisme est révolu. De nos jours, je préfère une femme qui désire rester librement auprès de moi plutôt qu’obligée par un rapport d’autorité que j’aurais sur elle. Son choix de rester à mes côtés témoigne de son attachement affectif authentique et non d’un asservissement, d’une chosification.
J’aime la femme libre et authentique, puissante et autonome. Cette image n’est pas assez représentée dans notre culture et le féminisme a encore du boulot… parce que j’ai la faiblesse de croire que mon opinion est la meilleure… pour le plus grand bien de tous
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photo Paul Ziwny  modèle Anh SN Vision
© photo Paul Ziwny – Modèle: Anh SN |Vision

VV : A tes yeux, quels est le rôle des médias aujourd’hui, en 2018, en tout ce qui concerne les discriminations, le sexisme et la xénophobie ?

Paul Ziwny : A vrai dire, je n’y ai pas vraiment réfléchi. Que pourrais-je dire ? La xénophobie est indirectement encouragée par les journaux. : Par exemple, quand une agression est commise par un « étranger » (entendons une personne d’origine étrangère à quelques générations près), c’est évidemment souligné. Lorsqu’il s’agit d’un belge de souche, ce n’est pas vraiment mis en exergue ! La presse, actuellement, ne se soucie plus vraiment d’informer mais vend de l’émotion, c’est efficace pour avoir de l’audience. La presse a abandonné son rôle pédagogique et flatte un peu trop facilement les opinions faciles à façonner.

Les discriminations sont abondamment diffusées par les réseaux sociaux dans lesquels s’assemblent des personnes qui se ressemblent et qui font « caisse de résonance » pour dénigrer ceux qui ne leur ressemblent pas.
Les réseaux sociaux sont des médias qui informent autant qu’ils désinforment si on ne prend pas garde à vérifier ce qu’on y lit.

En ce qui concerne le sexisme : la pornographie, actuellement facilement accessible aux jeunes ados, les imprègnent de valeurs totalement contraires à la dignité de la femme. Pour de nombreux garçons, la pornographie constitue la principale éducation sexuelle à laquelle ils ont accès. Pour les filles aussi, d’ailleurs il ne faut pas s’étonner que beaucoup d’entre elles soient, elles aussi, imprégnées de valeurs sexistes jusqu’à redemander de se faire appeler, au cours de jeux sexuels douteux « Salope », « Pute » ou « Cochonne » ce qui, personnellement m’écœure profondément.

A côté de cela, on voit poindre de plus en plus de fictions qui mettent en scène de façon positive et attachantes des personnes LGBT, réfugiés, autistes bipolaires ou autres personnages particuliers comme dans « Demain Nous Appartient » ou « Plus Belle la Vie » des feuilletons populaires français.
Rien n’est tout noir ni tout blanc.

 

VV : Je pense que depuis dix ou quinze ans, la télévision et le net ont un rôle assez pernicieux. On insuffle doucement l’idée aux femmes de ce que doit être leur corps, leurs manières, leur conduite, leur sexualité.

Mais aussi on tente de bourrer le crâne aux hommes afin de leur imposer l’idée d’une féminité jugée acceptable. Je songe principalement aux diktats de jeunesse, de minceur, de beauté…

Paul Ziwny : Effectivement, les médias vont dans le sens d’une culture figée, conventionnelle, la publicité n’étant pas en reste dans ses mises en scènes de familles ou de couples « modèles ».
Bien sûr, le marché d’articles féminins est trop juteux et s’ingénie à maintenir la femme dans des besoins superflus jusqu’à en faire des normes incontournables : la mode qui change d’année en année, des accessoires néfastes comme les hauts talons, ou inconfortables comme le soutien-gorge ou l’épilation devenue également une norme en deux générations (quel est le but de dénaturer la femme en lui donnant une apparence prépubère ? Une intention plus ou moins inconsciente de l’infantiliser ?).

photo Philippe Feyaerts et Paul Ziwny
© photo Philippe Feyaerts et Paul Ziwny

VV : On vit aussi dans un monde hyper sexué. Crois-tu qu’on puisse afficher des idéaux romantiques et platoniques sans tomber sous les moqueries et l’opprobre public ?

Paul Ziwny : Oui, on vit dans un monde hyper-sexué : on n’a jamais autant craint la pédophilie mais on met des bikinis à des petites filles de trois ans tandis que d’autres commencent à se maquiller dès douze ans voire même avant.
J’ignore si les idéaux romantiques et platoniques sont dépassés. Je suis d’une génération où ils étaient courants tout en côtoyant la libération sexuelle d’après mai 68. J’ose espérer que chacun a encore le droit de vivre selon ses valeurs. Ce qui a sûrement changé c’est une libération de la critique débridée et assassine dans les réseaux sociaux alors qu’avant elle ne faisait partie que du cadre scolaire ou des ragots de village ou dans l’entreprise… ce qui était déjà inacceptable, d’ailleurs !

 

VV : En tant que prof comme en tant qu’homme, quel est ton regard sur le système d’éducation actuel, à l’école comme au sein du cercle familial ?

Paul Ziwny : Il n’y a pas UN système d’éducation mais presque autant qu’il y a de familles. Chacun cherche le meilleur système avec une certaine conscience  parentale… ou pas.
A l’école, je me rappelle avoir appris des règles aussi.

La famille éduque mais l’école éduquait aussi. Aujourd’hui, l’école est dépassée, l’école n’a plus l’autorité morale qu’elle représentait jadis, du coup, les professeurs ne sont plus respectés et guider les jeunes devient une prouesse voire, parfois, une mission impossible.

La même difficulté est d’ailleurs rencontrée ailleurs par la police, les pompiers et d’autres agents publics qui se voient de plus en plus souvent agressés.

 

VV : Finissons par un voyage en Utopie…. Quelle est ta conception d’un monde meilleur ? Et quelles sont les pierres que tu souhaites apporter à cet édifice ?

Paul Ziwny : L’Utopie, j’ai de plus en plus de mal à l’imaginer. Notre monde va s’écrouler sous peu : le néo-capitalisme aura été au bout de sa logique mortifère : épuisement des ressources, planète trop exploitée et climatiquement déréglée, pays exsangues, famines, immigration incontrôlable, guerres…
Mais soit, jouons le jeu.
Utopie…
Je pense à mes neuf ans de vie en communauté : neuf années heureuses de partage et d’action socioculturelle… Mais bon… Nous avons quand même connu des conflits internes.
Je pense à cette expérience inter-villages menée à la frontière israélo-palestinienne : on a réuni les deux communautés, on leur a demandé quelles étaient leurs joies, leurs peurs. On leur a demandé d’évoquer leurs espoirs, leurs buts les plus chers… bref, on leur a demandé de parler d’eux.

Et puis, par-delà leurs différences de culture, leurs différences de religion, ils se sont rendu compte que leurs espoirs, leurs valeurs étaient les mêmes, ils se sont reconnus humains et de même nature.
Si nous pouvions voir en l’autre le reflet de nous-mêmes, la vie ne serait-elle pas enfin belle pour tout le monde ?
 

 

*VV : Virginie Vanos

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Virginie Vanos © Marc Naesen

Entretien – rencontre  réalisé par Virginie Vanos

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Bernie
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6 commentaires

  1. C’est très interessant de lire des mots d’un homme qui n’a pas respecter les femmes…

  2. Je ne connais pas cet homme mais je l’adore. Lolll
    Enfin un qui sait parler des femmes et les connait bien …
    Bon jeudi, avec un moral en dents de scie et la pluie n’arrange rien !
    Hier soir, un orage très violent avec une pluie torrentielle …

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