Interview: N M Zimmermann

Après vous avoir proposé la chronique du livre "Le Meilleur des collèges" , Bernieshoot vous propose aujourd'hui de faire plus ample connaissance avec son auteur N M Zimmermann.

N M Zimmermann Super Héros

N M Zimmermann Super Héros

Interview: N M Zimmermann

Bonjour Naïma, devenir auteur pour la jeunesse est-ce un parcours naturel aujourd'hui ?

            Je ne sais pas si on peut dire d'une profession quelle qu'elle soit qu'elle constitue un "parcours naturel". S'il s'agit de savoir si auteur jeunesse est une profession qu'on envisage facilement, la réponse est sans doute "non". J'écris personnellement des histoires depuis que je sais former des lettres. Cela a toujours été la seule activité dont je ne me lassais pas (à part manger… mais il est plus difficile d'en faire une profession, même s'il paraît que quelques chanceux en vivent).

            J'ai écrit mon premier roman publié (Edencity) lorsque je suis entrée à l'université. Néanmoins, il n'était pas du tout dans mes intentions de devenir auteur. En premier lieu parce que je savais que c'est une profession très instable, dans laquelle les rentrées d'argent sont maigres et très irrégulières.

C'est aussi un métier qui ne correspond pas à tout le monde, puisque très solitaire et nécessitant une certaine discipline : vous êtes seul face à votre ordinateur, et personne ne viendra vous dire de travailler. Cela peut sembler bête, mais s'obliger à travailler quand personne n'attend le résultat de votre travail (les ennuis commencent quand le manuscrit est terminé et qu'il faut trouver un éditeur !), n'est pas toujours simple.

             J'ai fait de nombreuses études à la recherche d'une autre voie (j'ai fait un M2 de philosophie, de droit, un Master de japonais, et je suis titulaire du Diplôme d'aptitude aux fonctions de notaire), tout en continuant d'écrire et de publier pour mon amusement personnel. Et puis je suis entrée dans la vie active par le biais de l'exploitation honteuse des jeunes diplômés qu'on appelle aujourd'hui des stages, et j'ai dû me rendre à l'évidence : je suis faite pour écrire des livres toute seule chez moi. J'ai donc fini par me résigner avec un certain soulagement à ma vocation première.

            Être auteur jeunesse n'est pas une profession facile. C'est un métier dans lequel on n'a ni week-ends, ni vacances. Un métier dans lequel on ne sait jamais si on gagnera quelque chose le mois suivant ou pas, si le texte sur lequel on passe quatre mois ou plus sera vendu ou non… Mais il accorde une liberté que je n'échangerais contre rien au monde. Plus les années passent, plus je pense que pouvoir organiser son temps comme on l'entend n'a aucun prix.

Vous semblez vivre avec vos héros, comment entrent-ils dans vote vie ?

Il est vrai que j'ai souvent l'impression de vivre avec mes personnages. Quand j'écris, je pense à mon histoire un peu tout le temps. Il est rare que je trouve une idée assise devant mon ordinateur, c'est plutôt en faisant la vaisselle ou en promenant le chien… Souvent, quand je commence un livre, je pars avec une idée du style "que se passerait-il si…". Ensuite, j'esquisse quelques personnages principaux.

Le plus difficile est souvent de leur trouver des noms ! Je passe beaucoup de temps sur des forums pour femmes enceintes qui discutent des prénoms de leurs futurs enfants, ou sur des listes de noms tirés de la Bible…

Ensuite, la personnalité et l'histoire de chaque personnage se dessine au fur et à mesure que j'écris le texte. C'est un processus assez mystérieux, même pour moi. Je ne planifie pas beaucoup, à part quand je travaille sur une commande et que l'éditeur me demande un synopsis préalable à la roman (c'était le cas pour Le Meilleur Collège de France).

Je n'aime pas beaucoup ça parce que j'ai l'impression que ça "fige" l'histoire, alors que je préfère pouvoir revenir en arrière et changer des choses au fur et à mesure.

        

Comment travaillez-vous avec les illustratrices (eurs) pour donner forme à vos héros ?

         Je n'avais jamais écrit de roman illustré avant l'année dernière. Je viens de terminer mon quatrième (le tome 2 du Meilleur Collège de France), ce qui prouve que c'est un genre en plein essor. En France, il est d'usage de ne pas mettre en contact les auteurs et les illustrateurs, que ce soit pour les couvertures ou les illustrations incluses dans le texte. Peut-être que les éditeurs ont peur que nous fomentions une révolution contre eux ?

Le résultat est que, dans la plupart des cas, nous ne nous connaissons pas et nous n'avons aucun moyen de nous contacter. L'auteur n'a également pas son mot à dire sur le choix de l'illustrateur. Je trouve ça vraiment dommage parce qu'il me semble que nous gagnerions beaucoup à travailler ensemble.

Dans Le Meilleur Collège de France, j'ai par exemple signalé à différentes reprises à l'éditeur que le personnage d'Hasna est indien et qu'il serait bien que ça se voit sur les dessins. En vain… Mais je ne suis pas certaine que l'information ait été transmise à l'illustratrice !

Alice Crane N M Zimmermann

Alice Crane N M Zimmermann

La jeunesse est tournée vers le monde de l'image, comment lui donner envie d'ouvrir un livre ?

            Il est vrai que faire lire les enfants et les adolescents n'est pas simple. En partie parce que le livre doit lutter contre une multitude d'autres sources de divertissement dont le contenu s'avale sans effort, mais aussi parce que beaucoup de ces enfants rencontrent de véritables difficultés de lecture. Je vois un grand nombre de classes entre la 6ème et la 2nde dans le cadre d'animations scolaires et énormément d'enfants ont des problèmes de compréhension et de simple français préoccupants. Ce n'est même pas qu'ils ne veulent pas lire, c'est qu'ils n'y arrivent pas. On accuse beaucoup les réseaux sociaux. J'ignore s'il s'agit de seuls coupables. Il est néanmoins indéniable que le fait de lire des fautes d'orthographe et des phrases incorrectes toute la journée n'aide pas.

            Face à ce problème, les éditeurs ont adopté des stratégies. On écrit des livres plus courts, plus simples… et on rajoute des dessins. Il y a de plus en plus de livres illustrés, dont deux des miens cette année (Superhéros, ça craint (grave) et Le Meilleur Collège de France). Je pense que les dessins peuvent aider : les enfants ont du mal à maintenir leur attention sur une chose à la fois un long moment (les adolescents de mon entourage sont même incapables de regarder la télévision sans une tablette ou une console à la main), donc les dessins "coupent" la lecture en en rappelant des éléments.

            Il me semble néanmoins qu'il faudra sans doute à un moment que nous cessions tous de revoir nos exigences à la baisse et que nous nous préoccupions de trouver de nouvelles méthodes d'apprentissage…

Sous l'eau qui dort N M Zimmermann

Sous l'eau qui dort N M Zimmermann

Quels sont vos coups de cœur pour cette rentrée littéraire 2015 ?

         Je ne suis pas le moins du monde les rentrées littéraires. Je lis toute l'année ! Sérieusement, je lis assez rarement des livres qui viennent de sortir. Je suis un peu l'actualité "fantastique" puisque c'est ma spécialité, mais je lis les livres au gré de mes envies ou en fonction de ce que j'écris moi-même, plutôt que par rapport à ce dont on parle à la radio. J'avoue aussi que, plus j'entends parler d'un livre, moins j'ai envie de le lire (ça me fait pareil avec tout le reste… j'ai sans doute juste l'esprit de contradiction).

         Mais si je dois recommander des livres pas forcément récents que j'ai lu ces derniers temps : L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet de Reif Larsen a été un gros coup de cœur ;

je viens de terminer Le Fléau de Stephen King, que je me promettais de lire depuis plusieurs années, et c'est vraiment l'excellent King qu'on dit ; Baltimore de David Simon est une plongée passionnante dans le monde de la police et des dealers d'une ville des Etats-unis (je crois qu'en France, on attend toujours la traduction du tome 2…).

Je suis enfin en train de lire un recueil de nouvelles de Flannery O'Connor qui est vraiment très intéressant. Pour du récent en jeunesse, je n'ai pas encore pris le temps de le lire, mais j'ai entendu dire que le dernier Malika Ferdjoukh (Broadway Limited) est vraiment très bien…

Dream Box N M Zimmermann

Dream Box N M Zimmermann

Merci Naïma pour vos réponses qui nous amène des éléments très pertinents de réflexion.

 

Votre interview

  • Avez-vous eu un coup de cœur littéraire pour cette rentrée littéraire ?
  • Le langage des réseaux sociaux a-t-il tué l’orthographe ?
  • Trouver un prénom est-ce complexe ?

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Bernie
Bernie

Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

Publications: 11158

25 commentaires

  1. L’Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet de Reif Larsen fut aussi un grand coup de coeur pour moi, tant pour l’écriture que par l’objet livre

  2. Pour la rentrée littéraire, je vous propose « Otages intimes » de Jeanne Benameur. Un prénom pour la vie, c’est difficile. J’aurais bien aimé en changer plusieurs fois, selon les lieux, les circonstances, l’humeur… Quant aux fautes sur les réseaux sociaux, c’est hélas un constat !

  3. bonjour-
    en 2 oui l’orthographe est malmenée sur les réseaux mais je pense que c’est un tout — ils font des fautes aussi dans la vie courante-
    trouver un prénom , c’est pour la vie !! que la consonance se marie avec le nom de famille sans jeu de mot- de nos jours les parents sont trop modernes mais ça c’est un vaste sujet-
    bonne journée-

    ps tu n’as pas compris— j’ai dit en mail que malgré ton empêchement de venir me visiter je continuerai à publier le power flower chaque lundi-

  4. A la première question je répondrais exactement la même chose que Naïma, ses réponses auraient pu être les miennes. Ils est vrai que l’ère des SMS et autres textos n’est pas très favorable au questionnement orthographique. l’attribution d’un prénom, même si elle est complexe en apparence n’est jamais un hasard

  5. Je lis au gré des mes envies , je ne regarde pas forcément la rentrée littéraire.
    L’orthographe est un vrai problème, le langage SMS tue l’orthographe, j’en suis convaincue.
    belle journée

  6. Tes questions sont pertinentes !
    Je suis en train de lire « 2084, la fin du monde » pressenti pour être le prochain Goncourt.
    Pour l’orthographe, tu sais ce que j’en pense, j’en parle assez souvent, c’est vraiment un désastre et une attaque à notre belle langue française.
    Et pour les prénoms, mieux vaut prévoir que l’enfant le portera prés de cent ans, et donc attention !
    Amitié

    • merci pour mes questions, ce sont surtout les réponses qui ont beaucoup de pertinence. Oui un prénom c’est pour la vie, alors il faut bien réfléchir c’est une lourde responsabilité

  7. Le seul livre que j’ai lu … ce sont des extraits du « Mariage » ! 😉
    Pour l’orthographe, c’est un véritable désastre …
    Marre des orages à répétition et des pluies qui font des dégâts …
    Bon jeudi, Bernie
    ♥ Bisoux ♥

    Ƹ̵̡Ӝ̵̨̄Ʒ dom Ƹ̵̡Ӝ̵̨̄Ʒ

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