Le vouvoiement c'est dire "vous" et le tutoiement c'est dire "tu" à une personne est bien plus qu'un concept grammatical, c'est un vrai choix sociétal fort.
Alors que l’été favorise les rencontres, même si elles sont masquées et avec une distance sociale, la manière d’aborder une personne, reste une particularité très francophone, allons-nous entamer la discussion par un « tu » ou par un « vous » ?
Nos amis anglophones n’ont pas ce choix linguistique, et cela change certainement la culture et l’éducation. Pour nous les petits Français, en tout cas à mon époque, nous avons appris que le vous devait être utilisé quand on s’adresse à :
Une liste qui n’est pas exhaustive, et à laquelle il faut ajouter cette subtilité de la langue française où le vous doit être utilisé lorsque nous nous adressons à un groupe de personnes et exprimer ainsi le pluriel.
Au-delà de la technique qui consiste à dire à la personne qu’elle peut vous tutoyer et que ça ne vous dérange, une technique que je vous déconseille, car on vous voit arriver avec vos gros sabots, lorsque tu as commencé un échange avec un vouvoiement, le passage au tu se fait rarement naturellement.
Néanmoins, les règles de politesse, je ne sais plus trop si elles existent encore dans l’éducation (au sens large) aujourd’hui, peuvent exploser en entrant dans le monde professionnel. Pour ma part, en entrant dans la corporation des contrôleurs aériens, j’ai découvert un monde où le tu étais religion. Le tutoiement dans la salle de contrôle était obligatoire faute de se retrouver mis à l’index en cas de vous.
Entre collègues contrôleurs le tu est roi depuis des générations, et est imposé à l’ensemble de la hiérarchie, c'est-à-dire du contrôleur stagiaire au chef de l’organisme. Cette règle, connue dès l’entrée à l’école, amène des attitudes différentes dans la hiérarchie. L’emploi du tu par la hiérarchie pour un rapport plus friendly, n’évite pas le couteau dans le dos à la première occasion. Personne n’est dupe, mais se mettre hors du groupe est un acte plus risqué que de rester un simple mouton.
Au final, le passage au tu exprime, dans une relation saine évidemment, le constat d’un rapprochement dans le cercle des relations. C’est un moment qui est toujours délicat, et qui peut rompre l’équilibre culturel que facilite le vous. N’oublions jamais que le tu est un rapprochement psychologique qui peut déranger l’autre.
Dans le monde du travail, mais aussi dans le contexte privé, le vous permet de créer une distance dans la relation. Il permet de créer une bulle virtuelle et ainsi de poser des limites invisibles mais présentes face aux autres. C’est une barrière protectrice.
D’ailleurs, il n’est pas rare dans le monde professionnel, où la distanciation est souvent nécessaire, qu’un conflit entraîne un retour au vous. Ce qui montre bien que le tu était un rapprochement totalement factice. Le vous devient alors une position refuge, et sans doute aurait-il été préférable d’en rester en vous.
Pour autant, l’utilisation du vous peut avoir une connotation blessante. Dans les règles de politesse que je vous ai énoncées au début de cet article, j’ai mentionné l’utilisation du vous lorsque l’on s’adresse à une personne plus âgée. La réciproque pouvant vouloir dire de privilégier le tu, quand on s’adresse à une personne plus jour.
Avec le temps, et personne n’y échappe, il arrive un moment de la vie où votre supérieure va être plus jeune que vous. Cela m’est arrivé, et avec ma culture, alors qu’elle me tutoyait, j’ai continué à employer le vous.
S’agissait-il d’une politesse exagérée ?
Même si elle était naturelle de ma part, ma cheffe m’a un jour fait remarquer que cela renvoyait d’elle l’image d’une femme plus mûre (vieille ?) et donc qu’elle apprécierait de ma part un passage au tu… Une situation que je médite encore parfois…
Finalement, il n’existe pas de règle écrite dans le monde professionnel. Il est essentiel de prendre en compte le contexte de l’entreprise, et surtout ne pas considérer que le tu est une invitation à passer ou tutoiement. Restez vous, et surtout ne te forces pas à tutoyer.
L'objectif d’un blog, ou d’une publication sur les réseaux sociaux, est de créer de la proximité entre le blogueur et ses lecteurs, afin d'établir une ambiance d’échange moins formelle, plus décontractée, de favoriser l'esprit de partage et le sentiment d'appartenance à une communauté.
Aujourd’hui, le « tu » est donc à son apogée et devient une mode. Il est censé donner une image dynamique et jeune, des blogueurs qui l’utilisent.
Avec l'aplatissement des barrières et la recherche extrême de convivialité, le « tu » est là pour construire et renforcer la fidélisation. Attention cependant, le vouvoiement reste une valeur sûre qui va au-delà d’un effet de mode.
Chacun fait son choix de sa ligne éditoriale, pour ma part, je considère que le vous exprime plus de vrai et de sincérité qu’un tu de circonstance. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer une blogueuse, que je ne nommerais pas, dont le tu est une signature éditoriale, mais qui dans la vraie vie ne sort pas du vous… A méditer ?
Et vous, quel est votre avis sur le tutoiement et le vouvoiement ? Quand passez-vous au tu ?