Où étaient donc passées les cinq autres âmes de Thompson ?

Petite chronique écrite en hommage au grand auteur de polar Jim Thompson, qui a écrit entre autres 1280 âmes (d’où a été tiré le film Coup de torchon de Tavernier). Un ami auteur m’a fait remarquer à juste titre que dans le titre de la traduction française, il n’était plus question que de 1275 âmes ! Où étaient donc passées les cinq autres âmes de Thompson ?

jim thompson

 

Les âmes perdues de Jim Thompson

A mes heures perdues, je suis shérif. Enfin, j’étais.

Depuis, j’ai raccroché les gants. Je suis un peu errant. Je fais partie de ces âmes perdues du bouquin de Thompson.

Une âme qui flotte dans le vide, une sorte de bulle de chewing-gum sur le point d’éclater.

Le vide, j’l’ai bien connu dans ce putain de bled où croupissaient le vice, le stupre et l’alcool frelaté. Toutes ses rues malfamées, ses maisons s’entassant où grouillait la misère. Un véritable trou, Pottsville, comptant exactement 1280 âmes.

Un trou d’horreur.

Dans le vide des maisons, y avait des cris de femmes battues, des pleurs de filles violées, des brutes, des putes, de pauvres âmes rongées par le scorbut et toutes ces pourritures qui attaquent les pauvres.

Pas sûr que tous ces ploucs n’aient jamais mangé à leur faim. Le vide, même au niveau de l’estomac, jusques dans les ciboulots, où tu cherchais une seule idée, un gramme de bon sens, une once de jugeotte.

Non, rien de rien !

Et surtout pas dans la cervelle de cette môme qui me collait aux basques et qui couchait pour seulement sauver sa peau. — M’aimez pas, qu’elle hoquetait, Myra. Elle avait tort et raison à la fois. Va savoir.

C’est vrai que je n’aimais personne.

Ou enfin si : ma pomme, l’ordure gitant en moi. Mentant, buvant, baisant tout ce qui bouge et me saoulant mon compte.

Mais allant à la messe le dimanche avec tous les bigots. Quand j’ai mis le holà dans ce putain de bled, ça a fait du raffut.

Normal. Le pauvre type que j’étais s’est transformé en lion. Et puis, voilà, les années ont passé.

Que rajouter ?

Je suis l’une de ces âmes du livre de Thompson, escamotées à l’occasion d’une pitoyable traduction française peuplant Pottsville de seulement… 1275 âmes !

Dans les quatre restantes, il y a peut-être celle de Myra.

Quel plouc d’écrivain pourrait bien la sauver ?

yves carchon auteur romancier

 

Les âmes perdues de Jim Thompson une chronique signée Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer » et de « Vieux démons« .

Spread the love
Bernie
Bernie

Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

Articles: 11719

6 commentaires

  1. Une présentation sans concession …
    Bonne fin de semaine, avec un soleil radieux !
    Ca redonne le moral …
    Bisoux, cher bernie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *