Le droit à l’hypoconnexion : un luxe !

Juin 2018. C’est toute tremblante que je me rends avec mon smartphone chez mon fournisseur Internet. Je n’ai qu’une seule idée en tête : me débarrasser de cet engin merdique et acquérir le plus basique de tous les Gsm.

virginie vanos photographe modele

Le droit à l’hypoconnexion : un luxe ! 80% des messages me sont totalement inutiles

Les raisons sont simples : je suis épuisée, à bout de nerfs car, dès que j’ouvre l’appareil, les notifications pleuvent sur ma tête comme des sauterelles enragées.

De plus, environ 80% des messages me sont totalement inutiles. Entre pubs, chaînes d’amitié, commentaires sur mes photos comme modèle (en règle générale, on se fout éperdument de mes activités en tant qu’auteure, chroniqueuse et photographe), stickers neuneus, je me perds, je me noie.

J’ai sans doute eu une trop bonne éducation mais jusqu’à présent, mis à part les messages ou commentaires clairement offensifs, j’ai toujours répondu à TOUT comme une bonne élève bien appliquée.

Mais ce jour-là, la coupe était pleine. J’avais le choix entre faire un burn out ou changer diamétralement mon usage du net et mon comportement d’internaute. J’ai évidemment opté pour la seconde solution. Il était hors de question que je subisse la Toile, ne serait-ce qu’une minute de plus.

 

Remettons-nous dans le contexte.

Je venais de réaliser une odyssée vraiment extraordinaire dans le Dodécanèse. Basée à Kos, après avoir parcouru de fond en comble cette merveilleuse île grecque, j’ai commencé à rayonner en bateau vers d’autres îles ainsi que sur la côte égéenne de la Turquie.

Comme à chacun de mes voyages, je suis totalement déconnectée du web mais joignable par téléphone et SMS. Entre la navigation quotidienne et le fait que je n’avais aucun rôle social à jouer, j’avais un puissant sentiment de liberté.

C’est le cas à chacun de mes voyages en-dehors du territoire belge. Ma seule obligation était de ramener une quantité certaine de photos de bonne qualité. De retour chez moi, j’allume mon smartphone. Autant dire que le choc a été rude quand j’ai lu la kyrielle de messages qui m’attendaient.

 

« T’es là ? T’es partie ? Pourquoi tu ne réponds pas ? ».

Ça, je l’ai eu sans mentir une bonne dizaine de fois après chacune de mes absences de plus de 72 heures. Cela peut paraître relativement innocent, mais quand ce genre de prose est répétée par douze quidams au minimum et que chacun d’entre eux a quotidiennement monologué dans le vide pendant trois semaines, ça use.

J’en ai un peu marre de devoir expliquer pourquoi et comment je me coupe du net dès que je mets les pieds dans un aéroport. Et puis, suis-je littéralement obligée de me justifier ?

Dois-je vraiment répondre si la correspondance est une simple conversation à bâtons rompus, avec quelqu’un qui ne m’est pas proche ?

Il y a aussi le « T’es fâchée ? » qui, immanquablement… me fâche.

Non, je n’étais pas là, je n’ai même pas pensé à toi, ni en bien, ni en mal, comment pourrais-je donc être fâchée ? 17 jours sans aucune connexion, est-ce là la signe d’une quelconque bouderie ? De plus, la plupart des gens avec qui j’ai bossé, sans parler de la famille et des amis, ont mon numéro de GSM.

En cas de gros doute existentiel ou de crise de remise en question, envoyer un SMS ne coûte presque rien et garantit une réaction dans la journée.

Pourquoi certains de mes correspondants ne répondent à aucun de mes SMS quand ils sont véhiculés par voie traditionnelle, mais font preuve d’une volubilité très conviviale sur WhatsApp, alors que les messages échangés sont rigoureusement identiques ?

 

Encore en vacances, sale bourge ? 

J’ai aussi été confrontée à des messages plus agressifs, voire injurieux : « Encore en vacances, sale bourge ? »  (Ben non, je bosse. Je serais businessman, sans cesse dans les avions, me ferait-on la même réflexion ? », « Je ne te juge pas, mais tu pourrais quand même faire un effort » (Un effort pour qui, pour quoi, dans quel but ?) et le très étrange « T’es plus vieille que moi mais tu ne fais que des trucs de gamine. » (Moi blonde et belge donc moi pas avoir compris ?!?!).

De plus, étant atteinte de deux maladies auto-immunes et m’étant tapé un cancer l’année dernière, le fait que je voyage et/ou que je sois hors connexion tient presque de l’aberrance biologique pour tous ces médecins autoproclamés.

Entre les « T’es jamais mal en déplacement, tes trucs, c’est psychologique » et « Tu fais chier avec tes fausses maladies », je me sens jugée par des branques, pour ne pas dire carrément insultée.

Je ne vais quand même pas rendre mon dossier médical public afin de prouver de quoi est fait mon quotidien et pourquoi cela ne me met que des restrictions limitées quant à mes reportages !

 

Visiblement, il vaut mieux affoler les hormones de l’internaute de base…

Le dernier point qui me rend perplexe (que dis-je ? triste à en crever…) est qu’une photo de ma pomme à l’air vaguement languissant remporte bien souvent un bon 150 à 200 like et une vingtaine de commentaires, tandis que mes écrits et mes reportages photo passent quasiment inaperçus.

Ma déduction peut paraitre rapide : visiblement, il vaut mieux affoler les hormones de l’internaute de base que se creuser la cervelle pour réaliser un cliché original du fort de Nizwa à Oman ou défendre une thèse sociale ou culturelle.

Kalymnos © Virginie Vanos
Kalymnos © Virginie Vanos

Le poids des mots étant devenu bien léger, il ne reste plus que le choc des photos… Et je n’ai plus envie que ma reconnaissance en tant qu’être humain soit pesée et mesurée en fonction de ma tronche ainsi que du nombre de pouces levés.

Exit la photo pour l’instant, donc. Il est désormais hors de question que la preuve de mon existence passe uniquement par un objectif photo. Je m’octroie donc un répit dans ce domaine. Pour bosser sur d’autres projets mais aussi pour réfléchir à une façon plus saine d’exercer ce métier.

Ce qui m’a confortée dans cette décision, a été le coup de fil d’une bonne femme avec qui j’ai vaguement travaillé il y a environ deux ans. Le fait qu’elle fut ivre morte ne justifie pas des phrases telles que « Tu as l’obligation de faire rêver !

T’as intérêt à ne jamais te montrer moche ou malade ! Et tu fais chier quand tu te déconnectes pour rendre visite à ta famille comme une bonne fifille complètement débile ! »

 

Choisir et non subir

Si je ne suis pas devenue complètement technophobe, que je n’ai pas balancé mon smart aux orties, que je ne me suis pas fait hara-kiri en pleine rue, Nokia 5 en main, c’est grâce à l’adorable technicien qui m’a expliqué comment le débrancher du net alors que les 15 autres précédemment consultés se contentaient d’un « Bah, vous n’avez qu’à désactiver les notifications ».

Maintenant, je peux choisir et non subir l’usage du net mobile. Et même si cela semble d’un archaïsme affligeant, je suis toujours joignable par GSM traditionnel ainsi que quand je suis en Belgique, par un bon vieux mail que je consulterai sur mon antique PC de bureau.

virginie vanos modele femme blonde

Une chronique signée Virginie Vanos

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Bernie
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8 commentaires

    • Je n’ai jamais dis ça ! Et figure toi que même sans gloire je me déconnecte souvent, j’e n’ai aucun mal à le faire car, je n’ai jamais été accro à mon portable. Après, les gens peuvent bien penser ce qu’ils veulent c’est leur histoire pas la mienne !

    • Je le sais, et je me doutais un peu de ta réaction, qu’importe le regard des autres, l’essentiel est d’être en harmonie avec soi-même.

  1. C’est vrai qu’à haute dose, ça peut devenir plus qu’usant… souvent, les gens ne réfléchissent pas avant d’écrire ce qui leur passe par la tête.

    Moi aussi, quand je pars quelques jours, je me déconnecte sauf portable pour appels ou sms. Et franchement, ça fait un bien fou !

    • Même se déconnecter de son portable pour les appels et sms, fait un bien fou, surtout en période d’écriture par exemple.

  2. je me félicite de ne pas parler de moi sur les réseaux sociaux, mais de plutôt rechercher des échanges sur le monde extérieur !
    Bon je n’ ai même pas de téléphone, et mon ordi ne sonne pas encore !
    Bonne journée Bernie

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