Auteur de Catalogne du Nord, Jésus Manuel Vargas est un super-écrivain. Il a reçu le Prix Coup de cœur du jury du Prix Méditerranée Roussillon 2016 pour son dernier opus : Maltalents…
Pénélope andalouse et Avec une dernière dose d’enthousiasme, deux romans de Jésus Manuel Vargas.
Pénélope andalouse
Ah, de petits miracles arrivent quelquefois !
De ces épiphanies qui rendent la vie légère et disons supportable. Un livre peut faire l’affaire. C’est rare, mais ça arrive. La preuve : lisez Pénélope andalouse. Belle et racée tenue s’émane de ce bouquin.
Son auteur : Jésus Manuel Vargas qui sait boxer sa prose comme personne. Il la torée peut-être, allez savoir !
En tout cas, il ne lâche rien, bataille et fonce comme le taureau. Quand on entre dans son livre, on pense d’abord à un semblant de road-movie mais que l’auteur ferait avec lui-même. Quand on poursuit, on sait qu’il faudra s’accrocher, qu’aucune concession ne sera faite. Nous voilà donc sur les hauteurs. Tant mieux !
C’est un peu âpre, violent – quoique voilé par la tendresse qui se profile ici ou là… Parfait ! La phrase swingue et coule bien. On sait bien sûr que le ciseau a dû couper dans la graisse du texte… C’est le fatum de l’écrivain. Une cigarette, relaxe-toi !
Los Atochares où notre narrateur débarque en début de récit devient un lieu mythique tout comme Adra, transfigurés comme de juste. Loin de la France, pour cause de retour aux sources sous les auspices de la Mort, il écrit malgré tout, tient un journal de bord.
L’hôpital espagnol, c’est un peu comme l’auberge. Tu y apportes ta vie, en miettes ou non. Chambre 328 : une cigarette, relaxe-toi ! Bref, la vie n’est pas simple. C’est ce bouillonnement de mort et d’existence qui semble l’apanage du narrateur-auteur.
Mais cette effervescence à fleur de mots finit par devenir la nôtre en fin de compte, embringués malgré nous dans ce voyage initiatique au ton antique. Dans Pénélope andalouse, il y a aussi du Mama a cent ans de Carlos Saura.
oute cette famille qui passe, repasse, ces parents éloignés qui viennent visiter l’ancêtre, Pénélope qui se meurt. Et qui attend. Même pas peur de la mort, Pénélope !
Elle veut revoir tous ceux qu’elle aime. A commencer par « le petit Français » qui n’est autre que le narrateur, cahotant entre deux mondes, fumant pour s’enivrer comme Baudelaire, se trempant dans la vie – la vraie vie – jetant dans des carnets des choses vues, des carnets qu’il relit et rature, encore, toujours, jamais content. Il y a du sang au coin des mots, des silences – il n’aime pas trop parler le narrateur, ce que je crois. Parler est subsidiaire quand on écrit – ou trop grossier.
L’Andalousie enfin – qui est peut-être la véritable Pénélope attendant ses enfants égarés comme Ulysse – pousse ses cornes dans cette prose. Il y a dans ce Pénélope andalouse des fulgurances à la Lorca, un frère de sang probablement…
Le road-movie tourne au romancero. Cette cérémonie des adieux se clôt sur la découverte d’une valise, ferment d’où naîtra l’écriture avec ses aléas, ses doutes et ses jubilations. Il manquera toujours deux pages au texte jamais fini !
Bref, vous m’aurez compris (ai-je pris la fièvre du narrateur ?) : il faut lire sans délai Jésus Manuel Vargas. Courez, volez et payez cash son bougre-livre ! Vous ne pourrez être déçu !
Avec une dernière dose d’enthousiasme
Dans son dernier opus, Jésus Manuel Vargas a encore frappé. A moins qu’il ne s’agisse d’un esprit frappeur, mais ça, nous l’apprendrons plus tard…
Dans Avec une dernière dose d’enthousiasme, le narrateur nous parle d’un lieu qu’on ne peut dévoiler au lecteur. Disons qu’on le découvrira accidentellement… Attachons-nous au narrateur, jumeau craché de celui de Pénélope andalouse, en moins speed, plus posé si j’ose dire, qui ne court plus faire ses adieux à sa grand-mère mais dit adieu à ce qui fut un jour l’aimable confrérie de ses amis, ces proches qu’on aimait tant, qu’un jour on ne reconnaît plus, soit parce qu’ils ont simplement changé, soit parce que c’est nous qui ne sommes plus les mêmes.
Cette fois, Vargas y va piano, use d’une plume à fleuret moucheté pour nous parler du temps qui passe, de la fidélité (ou non) à nos promesses adolescentes, de la vie, de la mort, d’un barbecue où l’on comprend au fil du récit qu’on finira tous cendres après que l’on ait avalé patiemment les dernières doses d’enthousiasme qui nous restaient.
Tous les vivants fêtant l’anniversaire du narrateur sont édifiants : Bertrand, Gustave, Joachim, Cassandra – ah, Cassandra ! – et la tristesse même qu’est Béatrice, tous parlent vrai et d’un itinéraire pas toujours évident où s’entrecroisent les illusions et les espoirs d’une génération perdue.
Beau texte grave, nimbé d’un humour décalé, où notre narrateur pour avancer coche des cases, jouant comme qui dirait à la marelle de la vie. Poignante confession en fait à laquelle le lecteur est convié, prenant part malgré lui à ce grand déballage de l’âme, à un bilan sans concession que semblent faire tous les amis, le narrateur en tête.
Beau livre où erre une nostalgie poignante et où s’étoile la certitude qu’on ne « réussit » pas sa vie mais qu’on la vit avec pour seules compagnes d’équipée des femmes fières, aimantes et libres, et pour complices des flasques de whisky (la vodka n’étant pas répudiée pour autant).
Dans Pénélope andalouse, Jésus Manuel Vargas saluait son enfance et retournait à ses racines avec l’allure d’un jeune Rimbaud en mal de poésie. Là, on croirait qu’il s’est arrêté à Harrar et qu’il tourne une page pour faire en somme le point sur son parcours perso. Mais pour autant qu’il n’arrête pas d’écrire : on attend son troisième avec la boulimie vorace de l’alligator – boulimie qui anime tout lecteur véritable.
Une chronique signée Yves Carchon écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer"
Bonjour,
cela donne envi de plonger dans cet univers.
Bonne fin de semaine
@mitié
C’est un bel univers à découvrir, nous allons en reparler très vite.
Merci pour ce partage bonne soirée
avec plaisir.
un livre qui devrait forcément nous concerner tous
oui ce sont deux livres qui nous concernent, et le troisième, nous allons en savoir plus très bientôt.