Marc Naesen, Anna Plurielle… et moi

Je n’ai jamais trop cru au coup de foudre amoureux. Mais l’hiver 2017, dès le premier regard, quand Marc Naesen et moi nous nous sommes enfin rencontrés après près de deux ans d’échanges de mail, je n’ai pas eu l’impression de faire sa connaissance… mais de le revoir… Une étrange et délicieuse impression, qui a été le point de départ d’une amitié solide, bien que relativement récente. Et le début d’une collaboration riche en partage, en complicité et en intensité, humaine comme artistique.

© Marc Naesen
© Marc Naesen

Marc Naesen, Anna Plurielle… et moi

Virginie Vanos : Bonjour Marc, tu as un CV long comme quatorze bottins ! Pourrais-tu nous parler des évènements professionnels qui ont le plus marqué ta vie d’artiste ?

Marc Naesen : Bonjour Virginie, je travaille depuis longtemps en tant que caméraman et photographe professionnels.

Cela implique le choix d’un certain nombre d’événements, ce qui ne facilite pas la réponse à cette question !

Mais si je dois en choisir quelques-uns au hasard, alors ma préférence va aux enregistrements où images et musique sont réunies.

J’ai aussi travaillé une journée avec Tina Turner, une femme fascinante et agréable avec qui coopérer.

Il y a quelques années, j’ai tourné une série de master classes piano pour la télévision japonaise. Il y avait un certain nombre de livres pour cette série pour laquelle j’ai été autorisé à prendre les photos. Ce fut une mission très enrichissante, où l’on doit travailler très étroitement avec les musiciens.

Toujours dans le même cadre, à Istanbul, j’ai ensuite photographié le pianiste Denis Kozjoechin qui un an plus tard a remporté à Bruxelles le concours Reine Elisabeth.

C’est toujours sympa qu’un pianiste de classe mondiale vous permette de fermer les portes pendant quelques jours et de travailler avec lui en aparté.

 

VV : Tu es un grand voyageur et d’après moi, un grand humaniste. Quels sont les lieux et les rencontres qui t’ont le plus marqués ?

Marc Naesen : J’ai effectivement vu une grande partie du monde pendant les nombreuses missions que j’ai effectuées à l’étranger.

Un lieu et une situation qui me marqueront toujours ?

Une série sur laquelle j’ai travaillé sous le nom de D.O.P. et dont le dernier épisode joué dans toute l’Egypte. Pour cette série, le Chambre du roi dans la pyramide de Kheops. Parce que pendant la journée, il y avait trop de touristes entrant et sortant de la pyramide, il fut décidé que nous allions attendre la lumière nocturne. On a donc installé tous les spots pendant la nuit pour tourner le jour d’après dans la pyramide.

Nous avons donc toute une équipe là-bas, nous avons passé une demi-nuit sur le site de Gizeh, seulement sous surveillance d’un préposé. Une entreprise hallucinante…. Entre la petite équipe de tournage et ce géant des pyramides qui vous prend de haut, avec les lumières de l’animation dans la profondeur de la ville du Caire.

Un autre endroit dans le monde qui m’a volé mon cœur (pour un style complètement différent) est la Dominique, petite île des Caraïbes entre la Guadeloupe et la Martinique. Si le paradis terrestre existe déjà, cela me semble être là-bas. Je suis allé filmer plusieurs fois.

C’est une belle île tropicale, à la forêt tropicale humide, peu de tourisme, une nature imposante et des gens très gentils. Un tiers de l’île est réservé aux « Native Indians », la population originellement autochtone de la Dominique.

Ce qui a également laissé une impression très profonde est une mission dans un canton de l’Afrique du Sud où j’ai travaillé quelques semaines dans les bidonvilles de Samana avec les personnes vivant et travaillant dans la plus grande pauvreté. Cette expérience a laissé en moi des traces définitives.

Il y a encore tellement de lieux et de cultures qui forment toute votre vie et vous ouvrent totalement votre regard sur le monde et surtout sur les gens de toutes les cultures … Et je le ressens autant en voyageant dans presque toute l’Europe, l’Afrique, le golfe Persique, la Chine …

© Marc Naesen
© Marc Naesen

 

VV : Si tu devais définir ton travail en termes de sensibilité, quelles en seraient les émotions dominantes ?

Marc Naesen : En tout cas, tout mon travail ne peut se départir de l’émotionnel avec l’émotion. Vous voulez soit une émotion qui peut être capturée, ou vous voulez générer une émotion avec votre sujet qui permette au spectateur de partager les émotions que vous ressentez ou que vous voulez transmettre. Je cherche aussi souvent l’aliénation.

En recherchant cette aliénation dans mes photographies, je m’efforce de perturber l’empathie du spectateur dans ce qui se passe sur la photo ou encore de tenter de forcer l’interrogation et assurer que le spectateur va se demander si son regard sur ce qui est montré à côté de l’esthétique une autre forme, parfois gênante…

Mon genre d’émotions dominantes qui sont dans mon travail ou avec qui je travaille … je préfère laisser le spectateur découvrir.

Et puis, je suppose que les émotions qui viennent au spectateur ne sont pas nécessairement les émotions que j’avais à l’esprit en prenant l’image. Le spectateur peut, en fonction de sa personnalité ou de son état émotionnel du moment, peut ressentir des choses totalement différentes à la vue de tel ou tel travail. Je pense avoir déjà réussi si l’émotion est motivée par le fait de voir une photo ou au moins de déjà poser des questions sur ce qu’il voit ou ce qu’il attend de voir. La fusion de l’émotion et de l’art est une quête qui m’a toujours été essentielle.

VV : Notre première séance photo a été d’une intensité incroyable. Souhaites-tu la raconter à nos lecteurs ?

Marc Naesen : Permets-moi d’abord de décrire rapidement l’histoire. Je t’avais d’abord contactée puis, tu m’as recontacté via un site de modeling car j’étais pour une séance photo particulière à la recherche d’un modèle.

Tu n’étais pas libre aux dates proposées, mais pour une raison bizarre, j’ai tapé ton nom sur Google. J’ai vu que tu es un auteur, un photographe et beaucoup plus…

Je t’ai donc invitée à prendre un café ….

Ce rendez-vous s’est finalement produit au bout de deux ans, pour toutes sortes de raisons différentes. Puis nous nous sommes rencontrés, j’avais mon appareil photo…

Et il s’est produit une session assez impressionnante. J’ai senti immédiatement une immense confiance de ta part, ce qui m’a permis de plonger dans l’intimité de tes émotions et d’en jouer, ce que tu as réalisé sans la moindre hésitation.

Pour une première rencontre, c’était joliment révolutionnaire … et cela a entraîné un certain nombre de photos très fortes.

 

VV : L’hiver 2017, tu m’avais confié que tu rêvais de réaliser la couverture d’un livre. Un an plus tard, nous y voilà. Notre Anna Plurielle est parue le 23 novembre 2018, toi aux photos, moi au récit… Raconte-nous comment t’est venue l’idée de la couverture. Et aussi, qu’as-tu envie de dire sur ce projet ?

Marc Naesen : C’était un défi très agréable pour moi que de réaliser une couverture. Je suis moi-même un lecteur assidu, et l’idée de transcrire l’atmosphère et une partie de l’histoire d’un roman en une image me fascine depuis longtemps.

En lisant le manuscrit, j’ai immédiatement pris conscience d’un certain nombre de chose extrêmement limpides.

Bien sûr, je ne peux pas gâcher l’intrigue, mais j’ai tout de suite su qui je voulais voir un modèle sur cette photo. Malgré ton premier refus, (ce que je peux comprendre) et une attitude réticente à cette pensée, tu as finalement consenti à poser.

A propos de mes réflexions sur le contenu et l’aspect de la photo, je ne souhaite pas en dire trop pour ne pas dévoiler le contenu de ton roman…

J’ai été très heureux d’apprendre que tu étais immédiatement dans mes pensées et nos propositions pourraient aller de pair sans le moindre souci.

Virginie Vanos © Marc Naesen
© Marc Naesen

 

VV : Serais-tu partant pour réaliser la couverture de mon prochain livre, bien que je n’aie encore aucun projet en route pour l’instant ? Et quels sont en général les thèmes de livres auxquels tu accroches le plus ?

Marc Naesen : Bien sûr, j’aimerais beaucoup faire la prochaine couverture !!

Bien que j’aie beaucoup de lecture et un très grand goût pour la littérature, il y a un certain nombre de thèmes que j’aime beaucoup … Et ça ne semblera pas étrange pour toi quand je dis que l’aliénation est l’un d’entre eux.

Un bon exemple de ce concept : Kazuo Ishiguro, « L’Inconsolé » et « Auprès de moi toujours». Haruki Murakami joue aussi très fort avec les thèmes aliénants dans 1Q84, Harry Mulisch fait la même chose, avec « La découverte du ciel ».

J’aime aussi les œuvres littéraires pures telles que Gabriel Garcia Marquez, Arnon Grunberg, Herman Brusselmans, Umberto Eco, Carlos Ruiz Zafon, Orhan Pamuk, Günther Grass, etc…

 

VV : Enfin, quels sont tes rêves et tes projets pour l’année 2019 ?

Marc Naesen : Pour 2019, j’espère pouvoir continuer dans le domaine photographique sur lequel je bosse en ce moment. Je suis en train de développer une technique séparée, je commence à bien avancer et je veux pouvoir aller encore plus loin l’année prochaine.

De plus, je voudrais continuer à filmer tous les opéras de La Monnaie (Bruxelles), et n’accepter que les projets que j’aime faire et que je peux soutenir pleinement. Il y aura également un long métrage, dont je suis le directeur photo, (Cruise Control) en avril que je présente en première dans le courant de l’été a tourné. Espérons que ce film plaira à beaucoup de gens.

C’est petit pas par petit pas que nous cheminons dans la direction d’un monde idéal ….

 

En te remerciant… Et au vif plaisir de bientôt te revoir pour un rendez-vous photographique riche en beauté et en émotions partagées !

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Virginie Vanos © Marc Naesen

 

Une rencontre signée Virginie Vanos

(Re) découvrez l’interview de Virginie Vanos qui nous parle de son dernier roman Anna Plurielle

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Bernie
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Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

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2 commentaires

  1. Superbes photos et un dialogue très intéressant … Merci.
    Bon jeudi, en attendant toujours le soleil …
    Et mon mal au dos qui recommence !

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