Une drôle de femme, Elsa. Avenante avec le boucher, souriante avec son coiffeur, joviale avec le balayeur ou le facteur… Le masque noir d’Elsa une micro-fiction signée Yves Carchon.
Le masque noir d’Elsa
On me dira : encore une histoire d’amour fou !
Pas du tout ! C’est même le contraire.
Enfin, peut-être… Peut-on savoir quand on aime vraiment ?
Je veux dire quand la haine n’est pas au rendez-vous ?
Les lunettes noires qu’Elsa portait m’ont très longtemps caché ses yeux. Elle les gardait parfois au lit, ne les ôtait que quand j’avais éteint la lampe de chevet.
Le jour, — c’était une fille du soleil, elle arborait ces filtres noirs avec dédain et morgue.
Il suffisait de mesurer l’infime pli à la commissure de ses lèvres pour être sûr qu’elle ne vous portait franchement dans son cœur.
Son cœur ?
Au fait, pas sûr qu’elle eût un cœur !
Mais un front large, un cou de rêve et des lobes d’oreille qui m’avaient fait craquer. Au tout débuts de notre relation, elle daignait poser ses lunettes et j’avais tout loisir de boire à son regard. Puis, peu à peu, elle m’a interdit son regard. Et le reste.
Une drôle de femme, Elsa. Avenante avec le boucher, souriante avec son coiffeur, joviale avec le balayeur ou le facteur.
Redoutable avec moi.
M’épiant derrière ses verres fumés comme un insecte indésirable. Sur la plage, en marchant, lunettes sur le nez, elle déployait ses charmes.
Combien de têtes se retournaient, m’enviaient ? — Qu’ils y viennent, me disais-je. La vie a fait que nous nous séparions.
Je l’ai revu un jour dans un fauteuil roulant.
Elle portait ses lunettes, un masque noir qu’on aurait dit incrusté dans la chair du visage.
Hautaine, la moue navrée.
D’un geste bref que je connaissais bien, elle a fait signe au gars qui poussait son fauteuil.
Et j’ai compris que lui aussi était interdit de regard.
Le masque noir d’Elsa, une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer » et de « Vieux démons«
Un réflexe de défense naturel mais nuisible pour cacher sous un masque une souffrance,qui n’en ait que plus visible Qu’à t’elle vecu pour finir ainsi dans un fauteuil roulant, c’est une terrible rétorsion… Derrière tout sadique se cache un masochique…
Quel mystère beau partage une bonne soirée à toi bisous
J’aime beaucoup le mystère que dégage cette femme , mais attention qui s’y frotte s’y pique visiblement .
Yves a le don pour mettre du mystère dans ses personnages.
j’aime bien cette histoire, merci! bisous Bernie, bon week-end. cathy
Merci pour Yves.
Hey bonsoir 🙂 Très sympa cette petite histoire. Bon j’avoue elle est pleine de mystère et fait un froid dans le dos, mais j’ai bien aimé le style 😀 Toujours un régal de lire ses petites histoires 🙂
Yves a une sacrée belle plume, et il nous régale toutes les semaines.
Oui c’est vrai, j’aime beaucoup découvrir ses nouveaux écrits 😀
Redoutable femme. Quel dommage d’être ainsi.
pourquoi ?
Pourquoi? car d’être ainsi « désagréable » inaccessible pour celui qu’elle aime, est surement source de profondes blessures. Mais tout le monde ne peut pas faire la paix avec lui même et son passé surement. Voilà, cher Bernard mon ressenti
Ca fait un peu froid dans le dos …
Bonne fin de semaine, en espérant un climat social pas trop agité …
et ça donne à réfléchir…
donc, une femme qu’ il valait mieux ne fréquenter que pour une brève aventure
Bonne journée Bernie
oui, mais en y goûtant une fois, peut-on l’oublier ?