D’après la nouvelle Camp Cataract de Jane Bowles, un projet de Marie Rémond, adaptation et mise en scène Marie Rémond et Thomas Quillardet. Une création du 9 au 19 Octobre 2018 ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie et du 17 mai au 15 juin 2019 – Odéon – Théâtre de l’Europe
Cataract Valley
Note d’intention de Marie Remond et Thomas Quillardet
Jane Bowles dépeint des personnages incapables de s’acclimater au monde qu’on leur propose. Harriet a trouvé refuge dans ce camp pour touristes près des chutes d’eau pour soigner ses crises nerveuses.
L’une de ses sœurs, Sadie, va entreprendre un voyage vers celle sans qui elle ne peut vivre.
Pourquoi Harriet manipule-t-elle les sentiments de Beryl, cette « serveuse blonde et courtaude au regard têtu » ?
Pourquoi sa jeune sœur, Sadie, vient-elle lui rendre une visite inopinée ?
À Camp Cataract, mi-camp de vacances mi-sanatorium, la folie n’est jamais très loin.
Le chaos intérieur des personnages fait écho au grondement des cascades (les cataractes) qui les attirent et les fascinent.
Dans un climat moite et fiévreux, cherchant l’équilibre entre humour et âpreté, nous voulons dresser le portrait sensible de femmes imprévisibles.
Cette nouvelle présente un vrai défi dans son adaptation à la scène.
Le point de vue du narrateur bascule sans prévenir dans une réalité parallèle et le lecteur ne se rend compte qu’à la fin du récit délirant auquel il a cru. Sensations de brouillard, de vision trouble, d’éblouissement…
Le lieu est propice aux faux semblants, aux illusions d’optique.
La complexité, l’intériorité, l’humour des personnages imaginés par Jane Bowles et la schizophrénie de Sadie, donnent la possibilité d’une interprétation extrêmement riche des acteurs pour donner à voir un paysage fantasque à l’extérieur et à l’intérieur des personnages. Comment faire coexister, se répondre les deux ?
Tout comme dans le roman de Thomas Mann, La Mort à Venise, où Venise est en proie à une épidémie de choléra au moment où le personnage est submergé par son fantasme pour Tadzio, -et l’on ne sait plus si Gustav meurt du choléra ou de son désir dévoilé, l’environnement de Camp Cataract (les chutes d’eau, leur dangerosité, leur mystère) fait écho au bouillonnement intérieur des personnages.
Le lieu cristallise le refuge où se retrouvent pour une durée indéterminée les personnalités inadaptées au monde social et à ce qu’on attend d’elles, quelque part entre le sanatorium de La Montagne Magique et le camping touristique en forêt avec ses cabanons, ses canoës et des excursions prévues près des chutes d’eau.
L’importance de la voix narrative est capitale dans cette nouvelle. C’est le gouffre entre la voix intérieure, ce que ressentent les personnages, et leurs actions. Il y a en réalité très peu d’action dans cette nouvelle, axée autour d’un déjeuner, mais les enjeux sont bien plus vastes et se manifestent dans le bouillonnement intérieur en forme de « montagnes russes » que traversent Harriet et Sadie.
Marie Remond et Thomas Quillardet
RÉSUMÉ
Camp Cataract, nouvelle de Jane Bowles dont est tiré Cataract Valley, retrace l’histoire de soeurs dans l’incapacité de s’acclimater au monde qu’on leur propose.
L’une d’entre elles, Harriet, atteinte de crises nerveuses dues à l’amour étouffant de sa soeur Sadie, fait des voyages annuels à Camp Cataract.
Sadie, qui vit dans la peur qu’Harriet s’en aille un jour sans elle, cache à elle-même et aux autres l’ampleur de cette émotion qui la submerge, mais va, comme poussée par une force qu’elle ne maîtrise pas, faire le voyage à Camp Cataract pour tenter de faire revenir sa sœur chez elle.
Le voyage de Sadie va provoquer en elle un voyage dans sa conscience jusqu’à un point de non-retour.
Ce voyage est aussi celui du narrateur qui entre dans la conscience subjective de Sadie et raconte les événements du point de vue des perceptions déformées du personnage. Les trajectoires des deux sœurs se répondent dans la tentative et l’incapacité de trouver une place, un foyer dans le monde.
A travers le personnage de Sadie, Jane Bowles parle des phobies et de l’indécision qui paralyse (celle de Jane Bowles, disait Tennessee Williams, « naissait d’un authentique souci de ne pas provoquer un faux mouvement dans un monde qui n’était que trop enclin, selon ses justes conjectures, à tourner de travers. »), de la terreur du malentendu, de l’incapacité de dévoiler ses pensées, ses désirs, ses attentes, ce qui provoque des situations incongrues.
Cette capacité de passer de l’humour à l’angoisse, de l’amour à l’affolement, face au précipice qui se découvre lorsque l’on est au bord de révéler ses sentiments personnels est essentielle.
DISTRIBUTION
D’après la nouvelle Camp Cataract de Jane Bowles
Nouvelle extraite du recueil Plaisirs Paisibles écrit en 1948
Traduction Claude-Nathalie Thomas
Un projet de Marie Rémond
Adaptation et mise en scène Marie Rémond et Thomas Quillardet
Avec Caroline Arrouas, Caroline Darchen, Laurent Ménoret, Marie Rémond
Scénographie Mathieu Lorry Dupuy
Son Aline Loustalot
Lumières Michel Le Borgne
Costumes Marie La Rocca
Réalisation du décor dans les ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Claude Gaillard
Réalisation des costumes dans les ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Nathalie Trouvé
JANE BOWLES
Née à New York en 1917, Jane Bowles, pourtant considérée par Tennesse Williams comme « l’un des auteurs de fiction les plus remarquables de l’époque moderne », a longtemps été cantonnée au statut de « femme de ». En l’occurrence celle de Paul Bowles, notamment compositeur et auteur d’Un thé au Sahara.
Un mari qui préférait les hommes quand Jane, elle, s’éprenait de femmes, mais un époux présent, aimant, alter ego plutôt qu’amant, âme sœur qui voyait clair dans la psyché tourmentée de sa fantasque compagne.
Alors qu’elle vit avec sa mère à New York (son père est mort en 1930), elle contracte une tuberculose qui l’oblige à se soigner dans un sanatorium en Suisse où elle se découvre une passion pour la littérature et une attirance pour les femmes. En 1943, paraît son unique roman, Deux Dames sérieuses.
Le couple part ensuite s’installer à Tanger où Paul écrit Un thé au Sahara. Jane, elle, continue d’écrire des nouvelles et une pièce de théâtre, Sa Maison d’été, montée à Broadway en 1953 et qui reçoit un accueil mitigé malgré le soutien de Tennessee Williams et Truman Capote. En 1957 elle est victime d’une attaque cérébrale qui l’empêche de continuer à écrire. Elle sombre dans l’alcoolisme et meurt dans une clinique de Malaga en 1973.
En 1978, en France, les Éditions du Nouveau Commerce publient Stèle de Jane Bowles, un recueil de nouvelles de Jane Bowles traduites, présentées et préfacées par Michèle Causse qui a également écrit une pièce de théâtre sur l’autrice : A quelle heure est la levée dans le désert ? (Éditions Trois, Collection Topaze, Laval, 1989).
Spirituelle, extravagante, passionnée, drôle, autodestructrice, Jane Bowles était encore plus romanesque que ses héroïnes, confondant allègrement l’art et la vie, fidèle à une certaine tradition de l’avant-garde bohème du début du XXe siècle.
Pour elle, qui ressasse les mêmes thèmes jusqu’à la névrose obsessionnelle, l’écriture est un processus douloureux. Elle écrira peu : un roman, des nouvelles et une pièce de théâtre. Le recueil Plaisirs paisibles, écrit en 1948, et Nouvelles et théâtre sont aujourd’hui publiés en France chez Christian Bourgois.
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