Ecrire aujourd’hui

Un salut amical à Asli Erdogan, écrivain turc, inquiétée, puis devant quitter la Turquie, tombée sous la férule de son triste homonyme… Aux dernières nouvelles, Asli continue à écrire. Tant mieux !

asli edogan silence

ECRIRE AUJOURD’HUI

Ecrire un acte noble

Il n’y a pas si longtemps, devenir écrivain relevait du magique. Nourris au lait de nos poètes, dramaturges, moralistes, romanciers qui ont marqué et jalonné notre histoire littéraire, nous aspirions à suivre leur exemple.

Ecrire était encore un acte noble, pas une activité parmi tant d’autres ou une rente mercantile comme on voit aujourd’hui.

Ecrire exigeait de l’ascèse, une prédisposition à vivre de moins que rien, une accointance avec certaines mœurs et coutumes littéraires, et même l’adoubement d’un aîné reconnu.

 

Entrer dans la caste aristocratique de l’esprit

Un livre était chargé de son pesant d’histoire, de réflexion, de création imaginaire et nous ouvrait les portes de la pensée. Pas un produit que l’on fabrique comme les boîtes d’Andy Warhol. Comme on était pétri par les Humanités, vouloir être écrivain c’était vouloir entrer dans la caste aristocratique de l’esprit.

Cela tenait du sacerdoce, voire de la vocation, au même titre qu’un novice en passe d’être ordonné curé. Nous étions héritiers de Montaigne, de Racine, de Voltaire, de Flaubert, Zola, Proust et Céline, autrement dit d’ancêtres qu’il n’était pas question de décevoir. Ecrire, on le pouvait, c’était même un devoir, mais pas n’importe quoi !

Nous étions condamnés à vivre sous le regard de l’excellence. Il est vrai que la France n’est pas avare de grands talents de plume. Je dirais même que c’est un trait du caractère français. Notre langue s’y prête : simplicité, limpidité, aisance sont là ses principaux atouts.

 

Misère de la littérature

Voyez nos moralistes, ou nos poètes de la Pléiade, ou même le théâtre du Grand Siècle. Il semble qu’aujourd’hui les choses aillent autrement. Chacun écrit, veut être publié et, quand il l’est, est reconnu comme écrivain.

Qui a son livre en librairie se doit de plastronner et d’obéir au plan média orchestré savamment par l’éditeur qui l’a élu. C’est bien là que se niche ce que d’aucuns appellent à juste titre misère de la littérature. Ecrire ne repose plus sur l’exigence mais sur le vif et l’immédiateté, ce qui se jette, se consomme, prêt-à-porter (à lire) accessible à chacun, sans réflexion et sans effort. Face au déferlement d’objets livresques qui aujourd’hui s’entassent en librairie, il m’arrive de penser que nous avons décidément changé de siècle.

L’acte d’écrire n’est plus hélas du domaine du sacré. Il est tombé entre les pattes de païens incultes qui se moquent bien de leurs aïeux !

auteur yves carchon

Une chronique signée Yves Carchon écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« 

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Bernie
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16 commentaires

  1. Un excellent article, qui correspond malheureusement à une réalité… sans compter le nombre de libraires qui ne sont plus guère que des « marchands de livres »… !

    Malgré tout, l’écriture (la vraie…) demeure un acte noble, au-delà de la reconnaissance sociale… sans doute est-ce aussi cette force intérieure qui nous pousse à écrire, quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne de ce qu’on écrit…

  2. Heureusement, on déniche encore de jolies plumes chez nos écrivains et celle d’Yves Carchon l’est assurément, même trempée dans l’amertume.

    • Bonjour Mimi, un grand merci pour cette « jolie plume » dont vous me dotez avec tant de gentillesse…L’amertume dont vous la gratifiez s’est estompée depuis longtemps…Je parlerai plutôt de nostalgie d’une époque révolue où un livre était un univers avant d’être un produit…Mais vous avez raison : nous avons encore de très bons écrivains !

  3. Heureusement, il reste quand même quelques auteurs qui portent haut le flambeau, pas facile pour eux de vivre d’ailleurs.
    Bonne fin de semaine.
    @mitié

  4. Bonjour. Oui, comme beaucoup d’autres choses actuellement, l’écriture et sa publication obéissent aux règles de marketing et de l’immédiateté de la consommation… Aussitôt lu aussitôt consommé, aussitôt jeté… Miserere…

  5. Je suis de ton avis car beaucoup de livres sont truffés de fautes de français et c’est pénible à lire et je ne parle pas de l’orthographe.

    • Merci, et tu es de l’avis d’ Yves Carchon qui est l’auteur de cette belle chronique, c’est aussi mon avis d’ailleurs

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