Chacun des responsables de chacune de mes maisons d’éditions doivent toujours faire preuve d’une patience totalement angélique lors de mes différentes séances de dédicace. Pour la simple (et unique) bonne raison que je considère que ce moment doit absolument être privilégié et que chaque lecteur mérite une dédicace totalement personnalisée.
En effet, j’ignore si cela est dû à mon perfectionnisme maniaque, à ma trop bonne éducation ou au fait que j’accorde tant d’importances à la valeur du contact humain avec mes lecteurs, mais j’estime que si ces gens se sont déplacés pour acquérir un ou plusieurs de mes livres, ils méritent tous une dédicace avec une attention personnalisée.
J’avoue ne pas trop aimer les signatures du genre « Pour Gégé. Amicalement, Virginie Vanos ». Non, définitivement, il faut que cela soit plus personnel, donc plus authentique et plus honnête.
Pour les copains ou collègues, là, je vais carrément à fond dans la « private joke ». J’ai ainsi signé quantité d’exemplaires à mon gros Loulou, ma vilaine chipie, à ma pétasse unique et préférée. Plus poétiquement, « Mon adorable petite Suisse », « Ma choupinette », le tout additionné par « Avec la plus sincère des amitiés » ou « Toute ma tendresse » font partie des signatures dont je ne me lasse pas. Et voir mon lecteur sourire vaut pour moi tout l’or du monde.
En revanche, cela devient un véritable exercice de style quand je ne connais pas mon acheteur. S’il est accompagné d’un ami, de son épouse ou de son enfant, je demande à l’autre personne quel est le principal trait de caractère du « futur dédicacé ».
Lors d’une séance de dédicace dans une librairie de l’est de la France, je me souviens d’un gamin, haut comme trois pommes qui m’a confié sur le ton du secret que sa maman était très sévère.
Ainsi, j’ai indiqué « A Jeanne, pour une femme à la poigne d’acier et au caractère bien trempé. Bien amicalement, Virginie ». Le môme et son père ont étouffé un petit rire tandis que la dame me congratulait d’un sourire des plus charmants.
Dans le même ordre d’idées, après avoir papoté de toute la genèse du Spectateur avec une joie jeune femme prénommée Aurore, j’écrivis « Pour Aurore. Nooooooooooooooon, Axel n’est pas un héros romantique mais un très très mauvais exemple ! »
En revanche, quand je vends des exemplaires via le net, l’exercice devient beaucoup plus difficile, vu que dans deux tiers des cas, je ne connais la personne ni d’Eve, ni d’Adam. J’arrive parfois à m’en tirer avec une pirouette basée sur un jeu de mots sur le titre du livre, mais je confesse que je dois réfléchir énormément et que je n’en ressors jamais 100% satisfaite.
Je suis un peu de parti pris à ce sujet. J’avais travaillé, quand j’étais toute jeune fille, avec un acteur assez célèbre et j’avais dans ma bibliothèque, un livre qu’il avait cosigné. Je lui ai demandé de me dédicacer son livre, tâche dont il s’est acquitté avec gêne, suffisance et mépris.
Je n’étais qu’une modeste petite comédienne belge, lui un grand nom. Sa dédicace froidement scolaire m’a fait comprendre qu’à ses yeux, je n’étais qu’un vilain petit élément perturbateur dont la tare principale était de ne pas m’appeler Jeanne Moreau, Sophia Loren ou Romy Schneider.
A l’époque, je n’avais encore rien publié. C’est à peine si j‘avais griffonné trois moitiés de pages A4.
Je crois que cette triste expérience m’a conditionnée à vie au sujet de mes propres dédicaces. Désormais, quelle que soit la personne se tenant devant mon stand, je mets un point d’’honneur à ce que ma signature soit un exemplaire unique. Et même si cela me prend dix minutes pour rédiger vingt mots, quitte à user de la patience de certains, qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : c’est ma façon de dire simplement…. Merci.