Celui qui va vers elle ne revient pas est un texte exceptionnel de Shulem Deen, le récit d'un juif américain élevé dans une communauté hassidique qui va progressivement passer pour un hérétique car la pratique de la religion qu'on lui impose n'est plus en phase avec ses questionnements et son envie de s'ouvrir aux autres, d'être curieux et d'apprendre et d'analyser autre chose que les textes sacrés. Lauréat du National Jewish book award, l'auteur sera à Paris du 1er au 4 mars.

Celui qui va vers elle ne revient pas Shulem Deen éditions Globe

Celui qui va vers elle ne revient pas Shulem Deen éditions Globe

Celui qui va vers elle ne revient pas

« Kol bo’eho lo yechouvoun.»

« Kol bo’eho lo yechouvoun. – Celui qui va vers elle ne revient pas. »

Tels sont les mots de la Bible envers la femme adultère. Tels sont ceux du Talmud envers l’hérésie.

D’après les Sages du Talmud, les hérétiques ne peuvent se repentir. « Nous n’accepterons jamais qu’ils reviennent, écrivit Maïmonide, le sage du XIIe siècle connu pour son approche rationnelle de la foi. Nous n’admettons pas le repentir des hérétiques parce que nous ne les croyons pas. Bien qu’ils semblent se repentir, nous affirmons qu’ils agissent ainsi de manière trompeuse. » page 177

Shulem Deen a été élevé dans l’idée qu’il est dangereux de poser des questions.

Membre des skver, l’une des communautés hassidiques les plus extrêmes et les plus insulaires des États-Unis, il ne connaissait rien du monde extérieur. Si ce n’est qu’il fallait à tout prix l’éviter. Marié à l’âge de dix-huit ans, père de cinq enfants, la première transgression de Shulem Deen fut minime : il alluma un poste de radio. Mais sa curiosité fut piquée et le mena dans une bibliothèque, puis sur Internet, et fit trembler les fondements de son système de croyance. Craignant d’être découvert, il sera finalement exclu pour hérésie par sa communauté et acculé à quitter sa propre famille. Dans ce récit passionnant, il raconte ce long et douloureux processus d’émancipation et nous dévoile un monde clos et mystérieux. Une expérience qui a propulsé l’auteur dans une remarquable carrière littéraire.

Quelques extraits :

« Gut voch »,

« Gut voch », déclara-t-il en guise d’introduction. Dans le public, quelques personnes hochèrent la tète en souriant. « Avant de commencer, reprit-il, j’aimerais que les hommes se regroupent dans une partie de la salle, et les femmes dans l’autre. »

Sa requête fut accueillie par des expressions étonnées, indignées ou perplexes. Chacun regardait son voisin pour savoir comment procéder.

« Je tiens à vous dire que je comprends et que je respecte le désir d’éviter une telle séparation, ajouta mon père. Mais je ne l’approuve pas. » Il répéta cette phrase plusieurs fois pour en souligner l’importance : « Je le comprends, mais je ne l’approuve pas. » page 92

J’étais presque un jeune homme

"J’étais presque un jeune homme quand je compris enfin ce qui différenciait mes parents des autres membres de la communauté́ : ils n’avaient pas passé leur jeunesse en foulard et caftan dans l’univers ultra-pieux des hassidim, mais dans un environnement laïc où les adolescents portaient des vêtements américains, allaient au cinéma, fréquentaient des garçons et des filles de leur âge, et recevaient une éducation non religieuse.

Ils parlaient peu de leur passé, préférant taire le fait qu’ils n’avaient pas toujours été ultra-orthodoxes. J’ai longtemps ignoré que ma mère, qui avait grandi dans le quartier new- yorkais de Queens, avait été fan des Beatles ; et que mon père, né à Baltimore, avait passé un moment à San Francisco à la fin des années soixante.

Âgé d’une vingtaine d’années, il avait participé aux grandes manifestations pour les droits civiques, l’esprit exalté par une consommation intensive de substances psychédéliques. Comme ma mère, il avait longtemps été un parfait hippie ; c’était par idéalisme qu’ils avaient tous deux décidé́ de rejoindre la communauté́ ultra-orthodoxe – elle sortait à peine de l’adolescence. Ils avaient gardé de cette période de leur vie le plus grand dédain pour les conventions sociales." page 99

Shulem Deen

Shulem Deen est né à New York en 1974. Il vit aujourd’hui loin de sa femme et de ses cinq enfants et travaille à Brooklyn, où il anime un blog littéraire permettant à d’autres Juifs hassidiques de partager leurs interroga­tions. Il écrit pour The Forward, Tablet et Salon, et a reçu le National Jewish Book Award pour Celui qui va vers elle ne revient pas, son premier roman.