Avec Province, livre publié aux éditions Léo Scheer, Richard Millet signe son retour au roman. Après avoir été écarté de la maison Gallimard pour les raisons que nous connaissons, il nous entraîne dans une province méprisée des parisiens.
Province
Nous sommes tous la province de quelqu’un
La personnalité de l’auteur a longuement fait débat l’hiver dernier, et sans doute encore aujourd’hui. Il possède de nombreux ennemis, mais ma chronique se veut orienter sur le livre et non sur l’auteur que certains considèrent comme infréquentable.
En grand défenseur de la langue française, nous sommes face à son style dès la première phrase qui prend fin à la vingt-septième ligne, la deuxième phrase nous entraînant presque à la quatrième page.
Nous sommes dans un livre romanesque au sens pur du terme. Ce n’est pas l’intrigue qui pour moi est le ressort de cette longue mélancolie que la province qui se meurt, mais c’est une réflexion qui amène à réfléchir sur la France, province du monde.
Au mépris parisien de la Province, nous pouvons objecter que nous sommes tous la province de quelqu’un.
La civilisation du XXIème siècle fait des ravages considérables et que ce soit la capitale ou la province le carnage est le même.
Le parallèle entre la province où arrive un journaliste déchu et le milieu éditorial parisien semble assez évident, mais c’est peut-être une interprétation erronée de ma part.
Ce livre nous plonge avec la plume de l’auteur dans un autre temps où la province est certainement déjà morte sans le savoir, et nous sommes tous la province de quelqu’un.
Que vous soyez défenseur ou opposant aux positions de Richard Millet, ce noble roman sera un excellent écho le monde d’aujourd’hui et sa lecture est vivement conseillée.
Résumé
Renouant avec le genre romanesque, trois ans après Une artiste du sexe, Richard Millet accompagne un homme, journaliste ayant fait carrière à Paris, dans son retour à Uxeilles, ville à l'écart de tout, mais située non loin d'Ussel dans le Limousin.
Qui est cet homme qui semble avoir des noms multiples, et pourquoi revient-il : journalisme, écriture littéraire, histoire familiale ou amoureuse ?
Ce retour est l'occasion d'une descente au fond de soi, en même temps qu'un état des lieux d'une province qui, toute reculée qu'elle est, n'en représente pas moins les problèmes de la France contemporaine.
Au-delà de tout ça, n'y a-t-il pas un affrontement avec les figures du mal, incarnées par l'amour impossible entre hommes et femmes, l'immobilisme, la haine d'autrui et de soi, et surtout par une jeunesse qui semble prendre plaisir à se damner ?
Extrait
« “Je suis revenu à Uxeilles pour baiser le plus de femmes possible.”
Ces mots ont fait le tour de la ville, la haute et la médiane, et de certains endroits de la ville basse, puis on les a oubliés, fait mine de les oublier, car la province n'oublie jamais rien, pas plus qu'elle ne se résout à rien laisser perdre, même dans le triomphe du temps, chacun s'en remettant à cette forme de médiocre transcendance qui peut se résumer par cette formule quasi magique :
“On ne sait jamais”, bien que la seule chose qui puisse servir, un jour, et la plus obscure, soit la haine, c'est-à-dire une puissante raison de vivre. »
Richard Millet
Richard Millet est écrivain. Il est né à Viam, dans le Limousin, en 1953. Province est son quatorzième roman.
Depuis avril 2015, il est rédacteur en chef de La Revue littéraire.
Moi, non plus! Je ne connaissais pas du tout Richard Millet!! Mais son « Province » me donne envie de plonger dedans….Province VS ceux d’en haut!!! Sans compter ceux du « petit pays d’à côté »…Je ne connais pas du tout, non plus, la polémique à son sujet! Mais j’aime ça…Merci pour la découverte! Bonne journée, Jean-Pierre
Allez j’ose le dire, je ne le connais pas du tout ? C’est bête pour une littéraire…
C’est aussi l’occasion d’aller en savoir plus.
Merci Bernie de toujours nous faire faire des découvertes.
Amitiés d’Isa Marie
Il m’est inconnu comme écrivain, l’article donne envie de le lire car la province est un sujet intéressant. C’est vrai que la province n’oublie pas ! Bonne fin de semaine
Un auteur que je ne connais tout comme la polémique autour de lui. Je suis intéressée par ce livre. Si je le trouve à la bibli, je le lirai
J’aime bien l’idée que nous soyons tous la province de quelqu’un. Je vais proposer ce titre à mon groupe de lecture. S’il est retenu, je sens que le débat sera passionnant. Merci Bernie !