Toi, t’as une tête d’écrivain !

Toi, t’as une tête d’écrivain ! T’écrirais pas, des fois ?, Comment devient-on écrivain une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons".

homme ecrivain cheveux blancs banc public
Courtesy ©Bernieshoot

Comment devient-on écrivain ?

C’est un matin, en prenant son petit-déjeuner, que pour la première fois elle m’a lancé : « Toi, t’as une tête d’écrivain ! »

Ah, oui ?

Parce que ça a une tête, un écrivain ?

En fait, j’étais livreur à cette époque. Je gagnais donc modestement ma croûte.

Mais peut-être plus qu’un écrivain obscur.

Ce matin-là, elle avait commandé des croissants. Je pose ma vespa au bas de son immeuble, monte quatre à quatre l’escalier avant de sonner à sa porte.

Elle vient ouvrir, nageant dans son peignoir. Je lui tends ses croissants.

« Entrez ! dit-elle. Je cherche la monnaie ! »

Quand elle revient, elle n’est plus en peignoir. Elle porte chemisier à carreaux, ouvert quand même sur le devant, pantalon mi mollet et turban sur la tête, noué coquettement, soulignant une houppe malicieuse, façon Audrey Hepburn. Années 50, en somme.

Justement, on y est !

Ses bras nus me fascinent. Elle est pieds nus aussi.

« Voulez-vous un café ? ». — Mais… je dois y aller.

« Z’avez bien une minute ? »

Et voilà qu’elle me sert une tasse fumante.

« Un croissant ? » — Non, merci.

Elle boit en me matant. Ses yeux verts — pers, nous dirait Homère — me scrutent sans ciller. Je m’enfile le café.

« Toi, t’as une tête d’écrivain ! T’écrirais pas, des fois ? » — Pas que je sache !

« Alors, tu écriras un jour ! »

Elle m’a réglé, m’a raccompagné à la porte.

Sur le palier, j’avais déjà un pied dehors, elle a voulu savoir mon petit nom. — Franck, pourquoi ? « Pour rien ! » — Et vous ? « Moi, c’est Viviane. » — Ah ouais, comme la fée ! « C’est ça ! »

Puis elle a refermé sa porte. Les jours suivants, j’ai eu droit au même scénario. Elle a voulu en savoir plus sur ma vie, mais je n’avais pas de vie. Encore moins de biographie !

Pourquoi diable me tannait-elle avec ses histoires d’écrivain ?

Un beau matin, je lui ai apporté une page, — une minuscule page où s’alignaient mes premiers mots. Elle les a lus, relus, s’est réellement extasiée.

« Il faut continuer, Francky ! Vous permettez, n’est-ce pas, ce diminutif vous va bien ! » — Va pour Francky ! j’ai dit.

On peut aussi se tutoyer !

« Approche ! » m’a dit Viviane.

Le reste m’a coûté pas mal de lignes, gorgés de mots, au point d’en faire une nouvelle qui, ma foi, se tenait.

« Quand je disais que t’étais écrivain ! » a dit Viviane en m’attirant à elle.

Au fond, il n’y a bien qu’elle qui le pensait.

Même encore aujourd’hui, je pense que Viviane exaltait mes écrits.

Yves Carchon © Djebel Gilbert Nogues,
Yves Carchon © Djebel Gilbert Nogues,

Comment devient-on écrivain une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons".

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Bernie
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8 commentaires

  1. Ma foi écrivain, ça ne vient pas du jour au lendemain. Parce que j’ai écrit un livre sur mon enfance en Algérie, et plusieurs poèmes, sur le quotidien où le journaliste a fait un article sur moi, il m’a présenté comme « écrivain », je pense qu’il n’y a que lui qui l’a cru. Comme dans cette belle histoire!
    bonne journée Bernie

  2. Et voila comment une femme peut de faire devenir écrivain !
    Bonne fin de semaine, avec visite du docteur et ménage si j’ai du courage …

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