Trop d’eau avait coulé au pied de cette échelle ! Echelle une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons".
On m’avait prévenu depuis longtemps : c’est ta dernière marche.
Ensuite, tu poses le pied sur le premier barreau de cette échelle, sorte d’échelle de Jacob, et tu arriveras tout droit au ciel.
L’échelle était bien là, solidement dressée et adossée aux nues.
Le ciel, c’était trop tôt pour moi, pour peu qu’il existât.
« Hé, oh ! Où vas-tu là ? » Jambes à mon cou, j’étais parti.
Une armée d’anges m’a poursuivi.
L’un portait une dague qu’il comptait bien planter dans mon vieux cœur.
« On pourrait pas un peu attendre ? » ai-je voulu négocier. « Trop tard ! » m’a dit l’ange à la dague.
Je me suis retrouvé agrippé à l’échelle, suspendu dans le vide, battant des jambes avec l’espoir de réussir un rétablissement parfait.
Mais je n’avais plus l’énergie de mes vingt ans, ni cette prestance qui m’était propre au temps où je faisais encore de l’athlétisme.
Trop d’eau avait coulé au pied de cette échelle !
Maintenant je flottais entre deux courants d’air, de sorte que j’étais balloté à hue à dia, sans plus savoir exactement quel homme j’avais été en ce bas monde ni d’où j’étais venu. « Avez-vous vos papiers ? » m’a demandé la Police des Frontières.
Rien, absolument rien dans mes poches trouées !
On a dû me fouiller, pensant que portais de l’explosif puisque j’étais barbu. On m’a traîné dans un hangar en tôle où attendaient des loqueteux comme moi.
L’un des matons a dit à un gamin qui le suivait : « C’est le type de l’échelle ! »
Le gamin a souri : « Ah, bon ! Alors, je peux ? »
« Allez, ne traîne pas ! » Le gamin a marché jusqu’à moi, puis il m’a demandé timidement : « Pourrais-je avoir un autographe ? »
« Bien sûr, mon grand, j’ai dit. Comment t’appelles-tu ? »
Echelle, une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons".