Avec Trois gouttes de sang et un nuage de coke, au-delà de l’intrigue qui se déroule dans une banlieue jouxtant Boston, le lecteur plonge dans un thriller proche du roman social, dont le mérite est de brosser la sombre peinture d’une Amérique monstrueuse, tétanisée par la crise des subprimes…
Quentin Mouron est un auteur de polars, certes, jouant habilement avec les codes du genre noir dans Trois gouttes de sang et un nuage de coke et dans L’âge de l’héroïne. Mais il est un peu plus à mes yeux.
Par le ton, l’esprit qu’il insuffle à ses deux romans (les seuls aujourd’hui publiés en France) cet auteur suisse, brillant, au style piquant et ironique nous parle de la bizarrerie d’être au monde.
Trois gouttes de sang et un nuage de coke
Avec Trois gouttes de sang et un nuage de coke, au-delà de l’intrigue qui se déroule dans une banlieue jouxtant Boston, le lecteur plonge dans un thriller proche du roman social, dont le mérite est de brosser la sombre peinture d’une Amérique monstrueuse, tétanisée par la crise des subprimes.
Plus qu’en Europe encore (sans justifier ce qui se passe hélas chez nous), le monde des laissés-pour-compte américains nous est montré ici en dérive absolue. De terrifiants portraits qui font toucher du doigt ce qu’une crise financière et un système ultra-libéral peuvent causer de dégâts parmi les pauvres et ceux que l’on a licenciés.
L’âge de l’héroïne
Dans L’âge de l’héroïne, nous sommes dans le Nevada, décor grandiose et silencieux comme la mort, où l’on rencontre d’improbables personnages, bien réels pourtant, comme Léah, adolescente plutôt déglingue, qui croise la route de Franck, détective à ses heures et pas mal déjanté lui aussi. Léah va devenir sa dose de coke, avant de se changer en un bâton de dynamite incontrôlable.
Pour la suite, au lecteur d’affronter ce drame aux allures cornéliennes !
Mais dans ces deux polars hors norme, précieux à double titre, à la prose bien léchée, il y a un style, unique et une ambiance qui fait parfois penser à Un privé à Babylone de Richard Brautigan ou même par sa liberté d’écriture à La cité de verre, de Paul Auster.
L’ironie est omniprésente, sans être lassante. Elle pourrait pourrir l’intrigue. Mais non : elle est constitutive de cette intrigue et est probablement le personnage principal de ces deux livres. Brautigan et Auster : c’est dire la qualité et l’ambition dans laquelle évolue notre auteur.
Quentin Mouron : un nom à retenir.
Une chronique signée Yves Carchon écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer" et de "Vieux démons"