Lors de ma visite au Festival International des littératures policières de Toulouse, Colin Niel se trouvait entre Olivier Norek et Bernard Minier. Un élément qui m’a amené à  son roman « Ce qui reste en Forêt » publié et à lui proposer une interview composée de 5 questions et une publication de l’intégralité des réponses.

Colin Niel

Colin Niel

Interview de Colin Niel

Une rencontre

Lors de ma visite au Festival International des littératures policières de Toulouse, Colin Niel se trouvait entre Olivier Norek et Bernard Minier. Un élément qui m’a amené à le découvrir au travers de son roman « Ce qui reste en Forêt » publié et a lui proposer une interview dont vous connaissez désormais la formule 5 questions et publication de l’intégralité des réponses.

La Guyane un « pays » méconnu

Bonjour Colin, quelles sont les rencontres qui ont marqué votre vie en Guyane ?

Il y en a eu tellement. La Guyane est un « pays » méconnu, d’une richesse incroyable. Naturelle, culturelle, linguistique, humaine. J’ai eu la chance de vivre aux côtés d’une famille de Ndjukas, un des peuples noirs-marrons, descendants d’esclaves enfuis des plantations de l’ancienne Guyane hollandaise et reconnus libres deux siècles avant l’abolition de l’esclavage.

C’est auprès d’eux en premier, en apprenant leur langue, que j’ai rencontré ceux qui m’ont marqué, et qui ont inspiré mon premier roman. Cette femme qui cultivait son abattis le long du fleuve, qui mêlait les plants de cannabis à son manioc pour compléter ses revenus.

Cette Ndjuka de la ville qui a mis vingt ans à obtenir ses papiers français, parce que le hasard avait voulu qu’elle naisse du « mauvais » côté du Maroni. Mais il y a eu bien d’autres rencontres.

Ce scientifique devenu mon ami, passionné de grenouilles et qui tirait à l’arbalète dans les arbres pour y grimper et aller étudier ses batraciens.

Ces orpailleurs clandestins venus du Brésil, qui traquaient l’or dans des conditions terribles sur les chantiers miniers. Les Amérindiens du Haut-Maroni aussi, qui voient leur culture mise à mal par l’occidentalisation et la pollution de leurs rivières par l’orpaillage.

La Guyane, c’est ça, le pire comme le meilleur. Mais surtout des habitants fiers, qui font tout pour sortir la tête de l’eau.

La Biodiversité

Que signifie la biodiversité au quotidien pour vous ?

Par mes études, par mon métier, la biodiversité a en effet été mon quotidien pendant plusieurs années, que ce soit en Guyane, en Guadeloupe ou à Paris. Je ne vais pas vous faire le couplet habituel, il est connu : la biodiversité mondiale se dégrade, que ce soit la faune ou la flore, et pour le moment, les politiques mises en place sont loin de renverser la tendance.

Mais ce qui m’intéresse le plus, surtout en Guyane, ce sont les interactions entre les hommes et la nature. En Amazonie il existe encore des populations pour qui la forêt n’est pas qu’une source de revenus financiers, pour qui la chasse n’est pas qu’un loisir comme c’est souvent le cas en France.

Il y a des gens, Amérindiens, Noirs-Marrons, Créoles, qui en vivent, qui « tirent leurs moyens de subsistance de la forêt », comme on dit dans le langage juridique.

Et l’État français peine à intégrer ces problématiques, ça crée toutes sortes de conflits d’usages, de situations humaines difficiles. Ce sont quelques-unes des problématiques que j’essaye d’explorer par le roman.

Presque le paradis…

Un polar dont l’intrigue se déroule en forêt amazonienne, est-ce un hommage à ce lieu ?

Certainement, oui. Il me semble que la forêt équatoriale fournit un décor, un monde à part entière, presque un personnage. Pour certains, c’est un lieu oppressant, sombre, on y cherche la lumière, on s’y perd, on y a peur.

Pour d’autres au contraire, c’est un milieu accueillant, source de vie. Personnellement, je m’y sens mieux que nulle part ailleurs.

Deux arbres, une bâche en guise de toit, un hamac, de la corde et la chambre est prête. Presque le paradis…

Ingénieur et romancier

Comment basculez-vous d’ingénieur en environnement à romancier ?

Ce n’est pas vraiment un basculement : pour le moment, être romancier ne remplit pas mon assiette… J’essaye de concilier les deux en fait, ce n’est pas simple comme pour beaucoup de jeunes auteurs.

Pourtant les deux activités se nourrissent : sans mon travail d’ingénieur, je n’aurais jamais fait les rencontres que j’ai faites, je n’aurais pas découvert tous ces sujets qui m’ont enrichi.

C’est un métier exigent, parfois difficile, ou on apprend à composer avec les autres, à écouter, à concilier les points de vue (à essayer en tout cas).

Mais un métier qui m’a largement façonné, au final.

Une trilogie

Vos deux premiers romans ont pour cadre la Guyane, envisagez vous une trilogie ou allons nous changer de destination dans votre prochain roman ?

Oui, ce sera une trilogie : le troisième tome est en cours, j’espère qu’il sortira fin 2015. Toujours la Guyane mais un tout autre sujet, avec un volet historique plus marqué. Plus noir je pense, peut-être un peu plus dur avec ce territoire que pourtant j’aime tant. Après on verra, je vais m’essayer à autre chose, je réfléchis à un roman dans le monde agricole. Au cœur de l’Hexagone.

Biographie

Colin Niel est né en 1976 à Clamart. Il grandit au 12ème étage d’une ZAC à Issy-les-Moulineaux. Il s’intéresse aux ailleurs, voyage autant que possible, observe les oiseaux. Magicien, comédien amateur, il s’essaye à tout, avec plus ou moins de succès. Il suit des études en agronomie, en environnement, en écologie, et finit ingénieur, spécialisé dans la préservation de la biodiversité.

Il quitte alors la métropole pour travailler en Guyane durant six années qui lui permettent de côtoyer les nombreuses cultures de la région et particulièrement les populations noires-marrons du fleuve Maroni. Il y est notamment en charge de la création du parc national amazonien, une mission qui le marque beaucoup. Plus tard, il est directeur adjoint du parc national de la Guadeloupe.

Amateur de romans noirs denses et humains, influencé par des Indridason, Lehane ou Hillerman, il se lance dans le polar à son retour de Guyane. Ainsi nait les Hamacs de Carton, roman policier profondément social et très documenté, inspiré par une réalité trop quotidienne dans ce territoire aux frontières perméables : celle des immigrés, apatrides et autres étrangers en situation irrégulière. Un premier roman remarqué qui inaugure une série d’enquêtes menées par le capitaine Anato en Amazonie française.

Bibliographie

  • Les hamacs de carton : Rouergue Noir (2012), Babel/Actes Sud (2013)

Prix des Ancres Noires 2014 (Le Havre)

  • :Ce qui reste en forêt Rouergue Noir (2013)

Prix des lecteurs de l’Armitière 2014 (Rouen)
Prix Sang pour Sang polar (Saint-Chef)