Avant le  festival des littératures policières, je dois avouer que je ne connaissais pas Stéphane Furlan. Le titre de son roman a retenu mon attention "Ville Rose" rime avec Toulouse et j'aime lire les romans qui se déroulent en région toulousaine. Stéphane a gentiment accepté ma proposition d'interview, nous le connaitrons mieux à la fin de cet article.

Stéphane Furlan © bernieshoot
Stéphane Furlan © bernieshoot

Stéphane Furlan en Interview

Prix de l'embouchure

Bonjour Stéphane, votre roman Ville Rose sang vient de remporter le prix de l'embouchure 2014, quelles émotions vous apporte ce prix ?

Que du bonheur! D'abord bonheur de voir que mon roman a plu, à la fois aux organisateurs du Prix de l'Embouchure qui l'ont accepté dans la sélection, puis à tous les lecteurs policiers, administratifs et techniques, qui travaillent au commissariat de Toulouse, et enfin aux membres du jury final qui l'ont distingué parmi les quatre finalistes, sachant que mes trois concurrents présentaient tous des œuvres de qualité. Cette distinction offre donc une caution professionnelle à mon travail et j'en retire une certaine fierté.

Je vois aussi dans ce prix un encouragement à poursuivre une aventure déjà engagée depuis plus de quinze ans, seul devant mon clavier, à ciseler des histoires et des univers avec de simples mots. Pour certains, le succès arrive très vite, leurs romans étant publiés dès le premier envoi aux éditeurs.

Je n'ai pas eu cette chance, mais je ne me suis pas découragé, et peut-être que finalement ce n'était pas une mauvaise chose. J'ai continué à travailler, à m'améliorer, à écrire de la science-fiction, du fantastique, toutes ces œuvres présentant néanmoins un point commun, des intrigues construites comme des polars.

Le pas n'en a été que plus facile, quand j'ai décidé de me lancer dans ce genre, surtout poussé par l'envie de m'inscrire dans le sillage d'auteurs que j'apprécie, Dennis Lehanne en tête et Arnaldur Indridason juste derrière. Et je suis heureux de constater que j'ai eu raison.

Pour finir sur ce point, je suis aussi satisfait d'avoir pu partager ces instants de bonheur avec mes proches, ma compagne, mes deux filles, mes parents, mes amis, qui m'ont tous soutenu depuis le début. Ce prix, c'est aussi un peu le leur. Et je ne me suis pas privé de le dire lors de la petite cérémonie qui a suivi la remise du prix. Ça tombe bien, car je considère que toute création suppose toujours une aventure collective…

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Ville Rose

Est-ce la ville Rose qui a guidé votre écriture ou votre héros Victor Bussy

Un peu des deux… La ville Rose offrant un cadre, Victor Bussy une dynamique. Tout roman policier devant s'incarner, je n'imaginais pas choisir un autre lieu que la ville que je connais le mieux, où j'ai vécu mes études et les quelques années suivantes, avant de m'expatrier à la campagne à la naissance de ma première fille, mais toujours avec Toulouse en point de mire.

Ce que j'apprécie aussi en lisant des polars, c'est de découvrir une région, un pays, une société, car le genre favorise ce voyage, en n'étant pas trop introspectif, mais au contraire ouvert sur le monde. J'ai apprécié arpenter Boston avec Lehanne, Los Angeles avec Connely ou Elroy, l'Argentine avec Caryl Férey, et la liste pourrait encore être très longue.

J'ai donc voulu proposer une histoire qui offre les mêmes possibilités pour des lecteurs qui ne connaissent pas Toulouse, et voilà pourquoi j'ai utilisé des lieux de Toulouse qui m'ont marqué: Saint-Sernin, Esquirol, les Carmes, la brasserie l’Étincelle qui était ouverte en permanence, les restaurants situés au premier étage du marché Victor-Hugo, mais aussi des ambiances, ses immeubles aux façades crépusculaires, le rugby, la chaleur de certains étés (pas le dernier), et la bonne bouffe.

Ainsi un lecteur qui n'est jamais venu dans la ville Rose la connaîtra un peu, et aura peut-être le désir de la découvrir. Et ceux pour qui elle n'a pas de secrets pourront s'amuser à la regarder avec d'autres yeux… Quant à Victor Bussy, j'ai voulu en faire un personnage "normal", un peu comme moi, pour rompre avec la tendance consistant à mettre en scène des policiers tourmentés, et souvent alcooliques.

C'est un type comme tout le monde qui est plongé dans des situations extrêmes. Il n'est pas très courageux, voire un peu pétochard quand il s'agit de sortir son flingue, avec un instinct de survie développé. Sa qualité principale: aller voir de l'autre côté du miroir, questionner les préjugés, comme les évidences, ce qui va le conduire à poursuivre son enquête alors que d'autres l'auraient classée depuis belle lurette.

Comme si la recherche de la vérité dans un monde chaotique pouvait lui faire cadeau d'un supplément de sens. Ce sont ces réactions qui nourrissent l'intrigue et ses rebondissements.

 

Baskets

Une paire de baskets comme couverture peut surprendre, que représente-t-elle et de manière plus générale quelle est votre sensibilité vis à vis des couvertures ?

Difficile pour moi d'expliquer en détail le sens de ces baskets maculés de sang, si ce n'est de dire qu'il s'agit d'un indice qui s’avérera essentiel dans la résolution de l'intrigue. D'ailleurs, c'est un concept qui normalement doit se décliner sur toutes les couvertures de la nouvelle collection "Du noir au Sud", des éditions Cairn. Je parle de ce lien entre un objet et l'intrigue.

Par exemple, dans "Gaz in Marciac" G.-D. Noguès, un auteur de la même maison, on peut voir un tuyau de gaz s'enrouler autour d'une clarinette. En ce qui concerne la couverture de "Ville rose sang", d'autres éléments sont importants: les deux couleurs, qui peuvent évoquer celles du Stade Toulousain, le sang sur les semelles, et le fait que les chaussures soient pendues.

Mes lecteurs en comprendront toute l'importance. En conclusion, je pense que la couverture est essentielle, et pour ce roman, elle a été l'objet de nombreux échanges entre l'éditeur, le graphiste et moi-même. Je suis content du résultat.

 

Écrivains

Quel est pour vous votre rôle en tant qu'écrivain de littérature policière ?

Comme lecteur, je suis reconnaissant aux écrivains de me proposer des œuvres qui me transportent ailleurs, me font réfléchir, me distraient, me cultivent, me proposent des visions du monde originales ou d'autres que je partage déjà.

Dans quel monde vivrions-nous s'ils n'existaient pas, s'il n'y avait pas des gens assez fous pour regarder autour d'eux et retranscrire ce qu'ils voient dans des œuvres diverses, musicales, cinématographiques, picturales ou écrites?

En fait, nous n'en savons rien, car tout ça dure depuis que l'homme est ce qu'il est et que nos plus lointains ancêtres se sont mis à peindre leur univers sur les parois des grottes. Je n'aspire qu'à continuer cette grande œuvre essentielle, à y prendre ma modeste part. Quant au choix du genre de la littérature policière, je l'assume totalement, car il s'agit là d'un angle pertinent pour scruter une société en la regardant d'en bas, dans ces aspects les plus noirs, pour mieux permettre peut-être, en contraste, de souligner à quel point la vie peut être belle quand on s'en donne l'objectif.

 

Et la suite ?

Comment va se poursuivre votre  travail d'écrivain ?

De la même manière que je m'y attelle depuis déjà des années. "Ville Rose sang" est sortie des tiroirs après une longue période de sommeil. Entre temps, j'ai écrit la suite, que je viens de retoucher cet été et qui est maintenant entre les mains de l'éditeur, pour, j'espère, une sortie au printemps 2015.

Mais les années s'écoulant, j'ai poursuivi mon effort, et mon catalogue s'est épaissi d’œuvres aussi diverses qu'un thriller fantastique, un roman post-apocalyptique et un polar d'anticipation se déroulant dans une France plus vieille d'une dizaine d'années qui vient de tomber dans l'escarcelle d'un parti nationaliste.

Peut-être que l'aventure de "Ville rose sang" m'ouvrira des portes et que ces livres pourront arriver jusqu'aux lecteurs. En attendant, je m'offre encore quelques jours de vacances avant de me lancer dans l'écriture du troisième tome des aventures de Victor Bussy.

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Biographie

Stéphane Furlan écrit depuis plus de quinze ans en toute liberté, selon ses envies et convictions qu'il a d'ailleurs exprimées par d'autres voies, notamment celle du militantisme.

En lecteur passionné et insatiable, il estime que les auteurs ont un rôle essentiel à jouer dans les organisations humaines et il entend pleinement l'assumer dans ses domaines de prédilection, le roman policier, bien sûr, – instrument formidable permettant de scruter les entrailles de nos sociétés – mais aussi dans ses autres œuvres touchant à l'anticipation, la science-fiction, et le monde des idées.
Stéphane Furlan vit et travaille à Toulouse.

 

Contenu de l'article mis à jour le 28 décembre 2020.