Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 24

Déconfinement jour 117… « Patville, Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.

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Patville, Journal en temps de coronavirus

Chapitre 8 : Fils à papa (suite)

Oui, à côté des Terres Hautes, Patville semblait être un furoncle qu’on n’aurait pas soigné de très longtemps. Peut-être même une lèpre. Un patelin n’apparaissant sur aucune carte du pays, délaissé, oublié par la grande Amérique, avec tout son toutim de lutte pour la vie et de démocratie. Tu parles ! Cushing pouvait toujours se démener : le fric, il était dans les fouilles des gros. Et les bonnets à la solde des services du comté étaient tous à leur botte, aux gros, ça oui. Collins ne s’était jamais bien raconté des histoires. Il savait trop que le système était fait pour les gros. C’était ainsi. Il ne voyait d’ailleurs personne qui aurait pu lui prouver le contraire.

Tout en traversant les Terres Hautes, il s’étonnait des toilettes des dames marchant sur les trottoirs et de l’activité du lieu, captée dans l’écran large de son pare-brise. Il se croyait au cinéma. Enfin, pas loin. A un moment, il ralentit parce qu’une charrette à bras lui coupa le chemin. Puis il reprit sa route, s’étonnant du peu de trafic en s’éloignant du centre-ville.

C’est alors qu’en roulant, il aperçut entre deux façades de maison, dressée sur les hauteurs, la maison des Cooper. Le Château, comme certains l’appelaient. L’appellation, vaguement ironique, venait d’une remarque du Doc, surnom qui avait fait florès, et qui faisait encore sourire Collins quand il s’engagea sur la route conduisant au Ranch Cooper.

« Ah, là, c’est son vrai nom, » s’était-il dit quand l’écriteau lui était apparu, à la bifurcation où il avait quitté la grande route pour suivre un chemin escarpé, bordé d’aloès géants et de cactus chandelier, qui menait droit à la maison.

En grimpant la colline, il put apercevoir, en bas, des champs infinis de maïs s’étirant sous le ciel grisâtre et sur l’autre côté de la route le corral aux chevaux, fleuron de la maison Cooper. Un vaste enclos, immense et poussiéreux, où s’égaillaient les plus beaux spécimens du comté. Enfin, c’est ce qui se disait. Collins adorait les chevaux, notamment les Appaloosas à la robe tachetée, mais il n’avait jamais monté, et cela lui manquait.

L’entrée du ranch était ornée d’un porche immense, gardé par un planton qui, quand il vit la voiture arriver, lui fit signe de stopper. L’homme demanda à Jeff de descendre de voiture. Un type au visage basané, du genre mexicano, pas franchement ouvert. « Ça promet ! » se dit Jeff en ouvrant sa portière. Une fois face au bouledogue, il montra son insigne qu’il ne portait jamais. Mais là, ça semblait s’imposer.

— Pouvez-vous dire à vot’patron Jason Cooper que Jeff Collins aimerait lui parler ?

— Vous avez rendez-vous ? aboya le planton.

— Non, soupira Collins.

— De toute façon, monsieur Cooper n’est pas ici ! Si j’étais vous, moi je déguerpirais !

Collins garda son calme. A quoi bon s’énerver ? Cet enfoiré avait des ordres. Filtrer toutes les entrées du ranch et faire en sorte que les fouille-merdes passent leur chemin, c’était précisément pourquoi on le payait. Il devait bien gagner sa croûte aussi. Jeff comprit donc qu’il lui fallait s’y prendre tout autrement.

Il soupira, chercha un chewing-gum dans sa poche de jeans et le coinça bientôt entre ses dents. Un goût sucré de chlorophylle chimique lui imprégna la bouche.

— J’insiste, reprit Collins. Je sais que vous avez des ordres. Mais moi j’ai d’autres impératifs. Voyez si, par hasard, je pourrais pas le rencontrer…

A cet instant, dans la petite guérite où attendait le basané planton quand Jeff s’était pointé, un téléphone sonna. Collins le vit s’y rendre au pas de course comme un vrai bon larbin, puis échanger un mot ou deux dans la guérite. Il raccrocha et fit signe à Collins de passer.

— C’est bon, dit-il ! Vous pouvez y aller !

Collins sauta dans sa voiture sans demander son reste.

Le porche franchi, il se sentit plus détendu. Il traversa tranquillement un grand jardin, suivant un chemin ombragé qui s’enfonçait sous de grands arbres séculaires. Enfin, la maison émergea de l’écrin de verdure avec, sur le devant, une grande terrasse où, sur le haut des marches, une silhouette d’homme l’attendait.

Collins se rangea sous un gros sycomore, en bas de la terrasse. En s’extirpant de sa voiture, il s’attendait à être reçu par un larbin. Le vieux Cooper, à ce qui se disait, était souvent accompagné d’un dénommé Jeffries, tout à la fois homme de confiance et intendant. Mais là, pas de Jeffries. Le vieux, un peu voûté, lui faisant signe de monter, sembla s’impatienter. Il affichait une tête contrariée.  Une tête autoritaire qui n’avait pas coutume d’attendre le bon vouloir des autres. Collins réalisa alors que c’était Cooper en personne qui l’invitait à le rejoindre, le même sans doute qui lui avait ouvert il y a peu les portes du Château.

Une fois sur la terrasse, Jeff serra la main que lui tendit le vieux. Une poigne de fer qui lui broya les doigts. Alors qu’ils l’observaient, les petits yeux du vieux Cooper semblèrent le pénétrer, comme s’ils scannaient Collins de pied en cap. Ce rapide examen tira au vieux une rapide grimace.

Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« , de « Vieux démons« , de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

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Retrouvez

Covid-19 : Patville Le Feuilleton | Épisode 23

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 7 | Les Terres Hautes

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 6 | Collins contre tous

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 5 | Le bagne d’Oraculo

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 4 | Le village de nous autres

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 3 | Les culs terreux

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Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 1 La fin des temps

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Bernie
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8 commentaires

  1. Ah des appaloosas , encore une race de chevaux qui me plait bien . Par contre Collins va peut être rencontrer quelque difficulté pour son enquête , Cooper ne semble pas commode .

  2. Vu que le virus reprend bien il est pas prêt d’être fini alors ce roman feuilleton! Pas toujours le temps de tout lire j’avoue

  3. il y a toujours des réfractaires au port du masque, hier nous étions au restau sur la trentaine de personnes présentes, deux « nana » sont entrées sans leur masque….sinon c’est assez bien appliqué par chez nous « pour l’instant »passe un bien doux vendredi

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