Covid-19 : Le Feuilleton | Épisode 17

Déconfinement jour 68… « Journal en temps de coronavirus: Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de pandémie.

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Journal en temps de coronavirus

Chapitre 6 : Collins contre tous

Le jour où Jeff Collins avait compris que l’heure était venue de taper du poing sur la table remontait au fameux accident où une Chevrolet avait embouti un pylône. Un sacré accident qui nous avait laissé perplexes, quant à la trajectoire du véhicule. Collins le premier. A croire que l’occupant avait cherché à se tuer. La route était pourtant aussi droite qu’un sillon. Rien qui permît vraiment d’expliquer l’embardée, encore visible avec les traces de pneus marquant le bas-côté sableux.

Donc, s’était dit Collins, c’était dans l’habitacle que tout s’était joué. Une sortie de route consécutive à une perte de contrôle de ladite Chevrolet. Alcool, absorption d’anti dépresseurs ou de drogue ? Mouais. Tout ça restait à vérifier. En tout cas, ce n’était pas joli à voir ! De la tôle écrasée, froissée, déchiquetée : une vraie bouillie de tôles.

La route où s’était produit l’accident passait par les Terres Hautes, l’endroit le plus sauvage de la région. Une route qui contournait notre village et s’enfonçait dans le désert. Poudreuse, d’où s’élevaient parfois des nuages de sable qu’on remarquait de loin.

A part le camion de Reno qui traversait ces terres, peu de voitures cherchaient à s’y aventurer. Collins savait que quelques revendeurs de drogue, concurrents de Reno, faisaient parfois le trajet jusqu’au bagne, de nuit essentiellement, quand n’intervenaient pas la police du comté ou les patrouilles de la milice des Terres Hautes.

Une milice privée, censée régler les choses à sa façon, que Jeff Collins avait toujours considérée d’un mauvais œil. Il avait dû, bon gré, mal gré et de guerre lasse, accepter un tel compromis, le comté ne lui donnant pas les moyens nécessaires en hommes et en équipement.

A y regarder de plus près, — Emy l’avait un jour confié à la mercière, Mme Holy, qui en avait parlé à Jim — Collins avait deux obsessions : coincer Allan Reno et se débarrasser de cette foutue milice, estimant à raison que c’était à lui seul qu’il incombait de faire régner un semblant d’ordre dans la région. Y compris aux Terres Hautes, qui s’étaient semble-t-il exemptées de la loi depuis pas mal de lustres.

Des vieilles familles de protestants, venues à bord du Mayflower, qui s’étaient installées bien avant qu’on parlât de Guerre d’Indépendance. D’autres étaient arrivés, après cette première vague de colons : des Puritains, des Jacobites, communautés obéissant aux seules lois divines. Hors du Seigneur, point de salut, la police n’étant assurée que par les ouailles de la paroisse.

C’était justement ça qui minait Jeff Collins : que ces illustres familles, parce qu’elles étaient anciennes et riches, pussent ignorer impunément la loi, à l’instar d’un Reno qui, pour d’autres raisons, ne la respectait pas, quand il ne la foulait pas aux pieds. Il avait bien conscience que c’étaient ces marges-là qui lui causeraient des soucis : les uns, appartenant à l’aristocratie terrienne, parce qu’ils avaient toujours été en dehors de la loi et l’autre parce qu’il pensait qu’en remplissant ses fouilles, il se donnait des chances d’équilibrer le bon plateau de la balance.

Ce jour-là, alors que Jeff s’apprêtait à se boire un café, assis au bar du Cactus Club, un fermier l’avait prévenu concernant l’accident. « Pas beau à voir, il y a un mort dans la voiture, » avait dit le péquenot. Collins s’était rendu aussitôt sur les lieux et avait découvert l’amas de tôle enserrant le pylône. Un choc frontal qui avait dû tuer le conducteur de la voiture. Un court instant impressionné, Jeff avait hésité avant d’y aller voir d’un peu plus près.

— Il est mort sur le coup, lui avait confirmé le Doc, appelé en urgence.

Le Doc, qu’on appelait aussi l’Indien, avait, comme Ma, du sang cherokee dans les veines. Pas très bavard, plutôt fermé et impassible. Collins, qui ne manquait jamais de lui serrer la main, savait pouvoir compter sur lui. Il était sûr et efficace.

— C’est qui ? lui avait demandé Collins, à peine sorti de sa bagnole.

— Pas quelqu’un de chez nous, avait lâché l’Indien. Peut-être un gars des Terres Hautes !

— Qu’est-ce qui te faire dire ça ?

— Qui roule en Chevrolet, ici ?

Installé dans son tilbury, il rangeait déjà sa sacoche. Chacun savait qu’il faisait ses tournées en pareil équipage. On en riait, car il aurait pu conduire une voiture. Mais lui disait être de la vieille école, loin des chevaux vapeur.

— Encore besoin de moi, avait-il demandé.

— Pas que je sache, avait grogné Collins.

— Parfait. Quand vous aurez fini vos investigations, on viendra chercher le cadavre !

Un claquement de fouet avait suffi pour que le tilbury, tiré par un fringant cheval bai, s’engage sur le route de Patville.

A suivre…

 

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Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« , de « Vieux démons« , de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

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