Covid-19 : Le Feuilleton | Episode 6

Confinement jour 39… « Covid-19 : Le Feuilleton », un feuilleton fiction, écrit par Yves Carchon, autour du coronavirus. A suivre tous les vendredis pendant la période de confinement.

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Journal en temps de coronavirus

Chapitre 2 : Les culs-terreux

Depuis toujours, Pa détestait les culs-terreux qui peuplaient le village. Eux le lui rendaient bien. Les villageois eux-mêmes se haïssaient cordialement entre eux. — Des bourriques, disait Pa. Qu’ils s’entretuent tous ces péquenots ! ». Faut dire que des histoires de partage de terres avaient été à l’origine de maints conflits, lesquels remontaient à trois générations au moins, pour ne pas dire la nuit des temps. Beaucoup auraient été d’ailleurs bien incapables de dire sur quoi reposaient ces bisbilles du Déluge, ni même de quoi il retournait. C’était ainsi. Ils s’affrontaient de toute éternité et n’en démordaient pas, même s’ils avaient perdu depuis longtemps la trace des ressentiments primordiaux.

Pour Pa, qui était arrivé un jour avec Ma à la recherche d’un travail, — l’état voisin l’ayant chassé parce qu’il voulait des bras plus jeunes et vigoureux, l’accueil avait été plus que glacial. D’emblée, Ma et Pa avaient été rejetés parce qu’ils n’étaient pas du pays. D’autant que Ma, avec sa petite taille, ses cheveux noirs et son teint mat, avait tout d’une Indienne. Dès leur installation, ils avaient essuyé le mépris, quoique la loi en la personne de Jo Cushing, maire du village, ait permis qu’ils posent le camp sur une terre à lui et habitent la maison qu’il leur avait loué pour trois fois rien.

En échange, il avait recruté Pa et Ma comme journaliers chargés de cultiver ses terres.
C’est des années plus tard que Pa avait pu acheter un très étroit lopin de terre pour y construire la grande maison où nous sommes aujourd’hui. Une maison, on l’a vu, aux abords du désert, avec autour des hectares de terres pauvres, que Pa et Ma avaient su rendre prospères et nourricières à force de dur labeur.
Mais à l’époque, il n’y avait rien ; quelques bicoques composant un début de village, lequel s’étant peu à peu transformé quand des migrants et des ouvriers Noirs étaient venus grossir le rang des hommes de peines.
Les hautes terres, qu’on connaissait par ouïe dire, appartenaient aux familles riches, ayant fait souche trois siècles auparavant. Certains disaient qu’à cette époque il n’y avait ici que des marais et que ces tous premiers pionniers les avaient asséchés pour pouvoir s’installer et s’incruster comme des sangsues.
« Des culs-terreux, oui, tous ! » s’emportait Pa, quand l’un d’entre eux lui cherchait des poux dans la tête.

Quand je parle de Pa et de sa sainte horreur des culs-terreux, entendons-nous. Lui-même en était un de cul-terreux, pas plus reluisant que les autres, pas plus glorieux, pas moins foutraque non plus.  Aussi taré qu’eux tous réunis quand il fallait défendre des terres qui, certes, n’étaient pas les siennes, mais qui nous faisaient vivre, lui, Ma, ma sœur Janis et moi. Cul-terreux, il l’était, ah ça, oui ! Mais il avait toujours boudé le temple et avait fait serment de ne jamais participer aux réunions qu’organisait régulièrement Cushing en tant que maire. Un type plutôt lourdaud, Cushing, matois, copain comme cochon avec tout un chacun. Un meneur d’hommes, sachant mêler bâton et paluche dans le dos.

C’est, je crois bien, ce qui déplaisait tant à Pa. Ce type, roué, pervers, corrompu jusqu’ à l’os ne croyait en rien ni personne quand il cherchait à préserver son pré-carré d’édile local.

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Patville, un feuilleton signé Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« , de « Vieux démons« , de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »

Retrouvez :

Covid-19 : Le Feuilleton | Chapitre 1 La fin des temps

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Bernie
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14 commentaires

    • Je ne peux que te conseiller de découvrir les livres d’Yves, j’espère que tu pourras prendre le temps.

  1. Une belle histoire qui pourrait se passer dans de nombreux lieux ..
    Bon moment de lecture.
    Bonne fin de semaine identique aux autres jours avec un beau ☼
    On a le temps de faire le plein de vitamine D !
    Mais toujours en fauteuil avec un ordi qui déconne autant que mon dos et beau papa !
    Toujours finée, je garde le sourire …
    Gros bisoux, cher bernie.

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