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Conte merveilleux : Le coffret d’Auguste Velet

En cette période d’avant-fêtes, nous inaugurons une série de contes merveilleux. « Le coffret d’Auguste Velet « , un conte merveilleux écrit par Yves Carchon.

génie du Chant

Le coffret d’Auguste Velet

Il vivait à L… en l’an 1580 un horloger du nom d’Auguste Velet qui tenait boutique dans la rue de Flandre. L’horloger avait une femme et deux enfants. La famille logeait dans une mansarde au-dessus de la boutique. Vivant chichement, Velet cependant ne cessait de chanter. Sur son banc il travaillait, chantant du matin au soir, oubliant la vie et ses misères. Sa gaîté ne pouvait certes pas suffire à satisfaire quatre bouches à nourrir mais elle donnait un peu d’espoir pour assurer le quotidien.

Les jours de foire, les badauds qui, en grand nombre, empruntaient la rue de Flandre ne s’arrêtaient jamais chez lui. Aucun n’achetait jamais le moindre article. On eût dit que tous ces gens s’étaient donné le mot. Et pourtant ! Sur son établi brillaient les plus fabuleuses pièces d’horlogerie. Personne mieux que lui ne façonnait pièces plus fines et plus étincelantes. Mais si tous se pressaient les grands jours de foire, aucun n’achetait chez lui !

Velet n’en continuait pas moins à travailler, chantant à tue-tête, saluant chacun avec une égale humeur. Son cœur était bon ; il savait trouver dans son travail joie et bonheur. Sans sa femme, Velet eût pu vivre vraiment heureux. Mais elle était toujours là derrière son dos, qui le sermonnait :

— Cesse donc de chanter ! C’est ta joie qui les effraie ! A chanter toujours, les clients te croient heureux et ils passent leur chemin !

— Ce n’est pas ma joie qui les effraie, répondait Velet. Ҫ’est plutôt qu’ils n’osent pas me demander le prix de mon travail ! Ils le savent unique, au-dessus de toute valeur sonnante et trébuchante !  

— N’empêche ! Tu pourrais faire un effort ! Tu oublies tes deux enfants !

Mais le bon Velet chantait de plus belle. Son travail aurait pu faire de lui un homme riche et respecté. Mais voilà qu’il préférait chanter ! Curieux homme ! Quel démon le poussait donc à chanter toujours ?

Sous son établi se trouvaient deux coffres. Dans l’un, il rangeait tous ses outils ; dans l’autre, qu’il gardait fermé à clé, il ne mettait jamais rien. Mais il vérifiait parfois qu’il était toujours fermé à double tour.

Un jour, sa femme s’aperçut de son manège. Elle voulut savoir ce qu’il cachait dans ce coffre toujours clos. Une nuit, elle vola la clé, descendit à la boutique et ouvrit en grand le coffret.

Un génie s’en échappa. Il sauta sur l’établi, étirant ses petits bras comme après un long sommeil.

— Diable, qui es-tu ? lui demanda la femme éberluée.

— Je suis le Génie du Chant. Voilà plus de dix années que je vis emprisonné dans ce coffret. Sans toi, j’y serais encore ! Pour te remercier de m’avoir rendu la liberté, je suis prêt à exaucer un de tes vœux ! Mais dépêche-toi !

— Vraiment ? dit la femme de l’horloger. Je peux faire un vœu ?

— Oui, dit le Génie. Mais dépêche-toi car le jour va se lever !

— Eh bien, je voudrais que mon mari cesse de chanter ! dit la pauvre femme comme un cri du cœur.

— Entendu, dit le génie. Ton vœu sera exaucé ! Maintenant, referme le coffret à clé et remonte te coucher ! Demain, tout sera changé pour toi !

La femme monta donc se recoucher et ne tarda pas à s’endormir.

Le lendemain, Auguste Velet descendit à sa boutique, ouvrit ses volets et se mit à son ouvrage. Mais ce matin-là il ne chantait pas. Sa femme pensa alors que le Génie du Chant avait exaucé son vœu. Elle chantait déjà en battant joyeusement des mains quand une charrette s’arrêta devant la porte de la boutique.

— Holà, cria un marchand juché sur ses sacs de blé. A combien se monte ce gousset ?

— Tout dépend, dit l’horloger, du prix que tu veux y mettre !

— Le prix que tu m’en feras sera le mien ! Mais qui chante ici ?

Le marchand avait tourné la tête et cherchait de tous côtés d’où venait le chant.

— Ne cherche pas plus loin, dit Velet avec tristesse. C’est ma femme qui roucoule. Elle a, cette nuit même, libéré de son coffret le Génie du Chant ! Ce coffret était mon cœur et elle l’a ouvert !

— Et alors ? dit le marchand. Où est donc le mal ?

— Eh bien, répondit Velet, me voilà si malheureux que j’ai perdu goût à travailler !

Les jours suivants, Auguste Velet vendit tout ce qu’il avait. Et quand il devint le plus riche homme de L., il mourut dans la plus noire tristesse. Il avait, dit-on, cessé de chanter.

yves carchon ecrivain

Un conte signé Yves Carchon, écrivain, auteur de « Riquet m’a tuer« , de « Vieux démons » et de « Le Dali noir »

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Bernie
Bernie

Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

Publications: 11157

22 commentaires

  1. Une bien triste histoire mais une leçon de morale aussi …
    Un peu comme une fable.
    J’aime beaucoup.

     » Un petit coucou bien que je sois toujours en pause,
    pour te souhaiter une bonne fin de semaine.
    Des nouvelles sur mon blog …
    Gros bisoux cher bernie « 

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