Violences conjugales ou domestiques : mêlez-vous de ce qui ne vous regarde pas !

Pour ce 8 mars 2019, journée internationale des droits des Femmes, Virginie Vanos s’adresse à tous les témoins potentiels de violences conjugales ou domestiques, à tous les agents et inspecteurs de la PJ, à tous les juges et avocats des tribunaux d’affaires civiles : mêlez-vous de ce qui ne vous regarde pas. Ne rien dire, c’est cautionner.

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8 mars 2019: journée internationale des droits des Femmes.

Roman autobiographique « Battue ! »

Cela fait 17 ans que j’ai réussi à me défaire de la relation avec l’homme qui m’a séquestrée, violentée et torturée entre septembre 2000 et mai 2002. C’est en 2008 que j’ai commencé l’écriture de mon roman autobiographique « Battue ! ». Les aléas de la vie ont voulu que le livre ne soit paru qu’en février 2013.

On m’a souvent demandé si l’écriture de ce livre avait été une thérapie. La réponse est clairement : NON.

Au contraire, cela m’a permis d’analyser et d’identifier mes propres failles qui ont fait de moi une victime de premier choix. Je me suis rendu compte qu’au-delà de mes propres manquements, que je juge actuellement avec la plus grande sévérité, j’étais positivement révoltée par le comportement de tous ceux et celles qui auraient pu m’aider.

Je ne prétends pas parler au nom de toutes les femmes battues, je ne parlerai que de mon propre vécu et de mon ressenti personnel afin de ne pas tomber dans le piège des généralités faciles. Replaçons les choses dans leur contexte : j’avais 20 ans, je sortais d’une relation complètement imbécile qui ne fut ni heureuse ni malheureuse et encore moins toxique.

J’étais juste soulagée d’avoir pu rompre sans heurts. Je n’étais donc pas particulièrement fragilisée. Mais depuis ma prime enfance, je manquais cruellement de confiance en moi. C’est dans cette brèche que Reza s’est engouffré. Il a travaillé en trois temps.

D’abord, il s’est présenté comme une sorte de remède universel à mes doutes et mes angoisses.

Ensuite, il a fait le vide tout autour de moi, me démontrant par A+B que les gens que je côtoyais n’étaient pas dignes d’être mes amis.

Enfin, il a refermé l’étau, me sachant affaiblie et esseulée afin de mieux commencer sa sale besogne de sociopathe toxicomane et meurtrier.

 

Pourquoi me suis-je tue ? 

Ma première question est : « Pourquoi me suis-je tue ? »

Même si j’ai été totalement aveuglée durant les premiers mois, j’ai ensuite ébauché un début de réaction en me confiant à des proches. On m’a premièrement demandé si je n’exagérais pas (au contraire, à ce moment-là, je n’étais apte à livrer qu’une version des faits extrêmement édulcorée).

Ensuite, voyant que j’insistais, on finissait par me dire « Ben, tu n’as qu’à le quitter ». J’avais compris que je passais pour une emmerdeuse. Donc, sujet suivant et on n’en parle plus.

 

Pourquoi n’ai-je jamais appelé la police durant ces nuits de sévices alors que j’avais mon GSM à portée de main ?

Ma seconde question est « Pourquoi n’ai-je jamais appelé la police durant ces nuits de sévices alors que j’avais mon GSM à portée de main ? ».

On pourrait penser que j’avais peur des représailles. En réalité, je craignais surtout qu’on ne me croie pas, qu’il n’y ait aucune enquête et que je sois jugée hâtivement sur mon apparence physique. J’étais alors maigre à faire peur, la peau couverte de plaies qui ne cicatrisaient pas et je souffrais en permanence d’une forte infection des bronches. J’avais le parfait profil de la junkie déglinguée. Comment des agents de police auraient-il pu me prendre au sérieux ?

Je pense que mes préjugés étaient fondés, puisqu’une mésaventure ultérieure allait me donner raison a posteriori. En 2012, je fus concernée par le pénible harcèlement d’un prétendant éconduit. Et on ne peut pas dire que je ne pouvais pas fournir de preuves !

Je subissais une trentaine de tentatives de contact par jour, tant par voie postale que par mails et SMS. J’ai porté plainte à 4 reprises, à chaque fois que je collectais une trace écrite des agissements de cet olibrius.

Malgré le fait que ce dernier ne cessait de monter en violence, lors de ma 5ème arrivée au commissariat, on refusa tout net de me recevoir en me disant textuellement : « Madame, on n’en a rien à foutre de vos histoires de cul ».

Le choc passé, j’ai réglé ce problème en passant directement par la case « Pénal ». Si on m’a fichue à la porte en 2012 alors que j’avais un dossier solide, que se serait-il passé si j’avais porté plainte dix ans auparavant avec des preuves bien plus maigres ?

 

Pourquoi ne l’ai-je pas poursuivi en justice quand on m’en a offert l’occasion trois ans plus tard ? 

Ma troisième question est : « Pourquoi ne l’ai-je pas poursuivi en justice quand on m’en a offert l’occasion trois ans plus tard ? ».

D’abord, c’était ma parole contre la sienne. Je n’avais que quelques vagues constats médicaux en guise de preuves. On m’a alors suggéré de trouver de témoins. Et croyez-moi, des témoins directs, il y en avait un paquet !

J’ai entrepris alors de contacter mes anciens camarades de classe ainsi que ceux de Reza, ses profs et même son ex qui avait été encore plus gravement violentée. Toutes mes missives sont restées sans réponse, sauf deux.

L’un de ses profs, pourtant parfaitement au courant, me répondit : « Laisse-moi tranquille. C’est TON problème ».

Celle de son ex fut encore moins encourageante. Elle me téléphona dans la minute qui suivit l’envoi de mon mail. Le but de son coup de fil était de me faire comprendre qu’elle ne désirait pas être mêlée à mon entreprise, me menaçant de surcroît d’une action en justice pour diffamation et atteinte à la vie privée.

Le lendemain, elle confirma ses dires par écrit…

Qu’attendre en effet d’une femme qui avait accepté une large compensation financière en échange de son silence ? Une de ses collègues m’expliqua que se porter civile ou être entendue comme témoin porterait un grave préjudice à sa carrière naissante.

Ainsi, après avoir encaissé une somme immodeste, l’avocat que j’avais engagé clôtura mon dossier.

 

Certes, les lois sont claires.

Aujourd’hui, je peux clamer haut et fort que cela fait 17 ans que je n’ai pas été directement confrontée à la violence physique. Cependant, j’ai perdu entière confiance dans la police et dans la justice pour tout ce qui concerne les violences conjugales, ainsi que les problèmes de chantage, de menaces et de harcèlement.

Certes, les lois sont claires.

Concernant les violences domestiques : « L’article 410 du Code pénal belge prévoit qu’en cas de coups et blessures volontaires, si le coupable a commis le crime ou le délit envers son époux ou la personne avec laquelle il cohabite ou a cohabité et entretient ou a entretenu une relation affective et sexuelle durable, le minimum de la peine prévue par le Code pénal sera doublé en cas d’emprisonnement et augmenté de deux ans dans le cas de la réclusion. »

Et concernant le harcèlement, je cite un extrait de l’article 442 bis : « Quiconque aura harcelé une personne alors qu'il savait ou aurait dû savoir qu'il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d'une peine d'emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de cinquante euros à trois cents euros, ou de l'une de ces peines seulement. »

 

Trois murs se dressent devant la victime voulant faire face

Il est impossible de réfuter le bienfondé ainsi que la clarté des articles que je viens de mentionner. Mais trois murs se dressent devant la victime voulant faire face.

Premièrement, la plupart des proches n’ont aucune envie de se mêler de ce qui ne les regardent pas et minimisent les faits.

Deuxièmement, porter plainte est déjà un acte difficile en soi. Si en plus, on se retrouve face à un agent bouché à l’émeri, n’ayant pas les capacités nécessaires pour ce type d’audition et n’offrant pas une protection et une aide immédiates, bon nombre de victimes préfèrent alors rentrer chez elles. Pour ces victimes, un millième gnon est parfois préférable à l’opprobre ouvertement affichée de certains policiers.

Troisièmement, face à la machine judiciaire, le citoyen lambda se sent souvent comme le pire des idiots. Les procédures sont lentes, on se sent- à raison- incompris et mal informé. Combien de drames se sont passés entre deux audiences, alors que la justice n’avait pas encore pris le temps de trancher ?

En ce 8 mars 2019, je ne m’adresse pas aux victimes de violences conjugales ou domestiques, mais à tous les témoins potentiels, à tous les agents et inspecteurs de la PJ, à tous les juges et avocats des tribunaux d’affaires civiles.

Mêlez-vous de ce qui ne vous regarde pas. Ne rien dire, c’est cautionner.

Le respect de votre petite tranquillité est une chose totalement négligeable quand autrui est en danger de mort. Mettre des boules Quies quand les voisins font du boucan avec leurs sempiternelles bagarres fait de vous un être indigne mais aussi et surtout un complice passif.

Soyez propres, droits, incorruptibles. Ne vous arrêtez pas à deux-trois préjugés de base. Soyez surtout un citoyen au sens souverain du terme, soyez digne de l’uniforme ou de la toge que vous portez.

Rendez aux victimes confiance dans les institutions censées les protéger.

Et n’oubliez jamais que l’inaction, l’égoïsme et l’indifférence peuvent tuer.

Virginie Vanos © Marc Naesen
Virginie Vanos © Marc Naesen

Virginie Vanos

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Bernie
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Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

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16 commentaires

  1. Je rappelle un numéro importrant pour les violences conjugales : le 39 19. pour faciliter la prise en charge des victimes des violences conjugales. Afin d’être informés sur les démarches à suivre, les victimes et les témoins de violences conjugales peuvent appeler ce numéro du lundi au samedi de 8h à 22h et de 10h à 20h les jours fériés. Qu’une plainte soit déposée ou non, un médecin peut constater les violences subies, à la fois physiques et psychologiques. Le certificat médical de constatation est un élément de preuve utile dans le cadre d’une procédure judiciaire, même si elle a lieu plusieurs mois après. A Istres tout est fait pour aider les victimes de violence conjugales. Un Primo Accueil Commissariat d’Istres, téléphone :a été mis en place. Ce dispositif offre une prise en charge optimale tout en renforçant la qualité d’accueil et d’écoute des victimes d’infractions pénales et de violences familiales. Une permanence est assurée chaque jour de la semaine par une coordonnatrice sociale de l’APERS (Association de Prévention et de Réinsertion Sociale). Nous avons également la maison de la santé (centre médico social ), trois centres sociaux, un ccas, et des oermanences hebdomadaires de l’association SOS FEMMES 13 à la maison du citoyen et enfin le Le Passage, Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale. Tous ces lieux ont du personnelle formé à l’écoute des victime tout ceci avec l’appuye de la municipalité.

  2. Très fort et dans certains cas on se demande comment aider ! J’ai connu des femmes battues mais elles avaient réussi à quitter leurs bourreaux quand je les ai connues car ce fut dans une maison de repos.

  3. Se mêler de ce qui nous regarde pas. Phrase superbe. Le faire aussi pour les enfants sous l’emprise d’adultes (parents) pervers.

    • J’ai aussi beaucoup aimé cette phrase, et nous pouvons l’étendre à d’autres cas comme celui que tu cites.

  4. j’ espère qu’ il est plus facile aujourd’ hui de porter plainte et d’obtenir des réponses satisfaisantes !
    Bonne journée Bernie

    • hélas, je n’en suis pas certain du tout, et si c’est un homme qui porte plainte pour violences, c’est aussi compliqué….

  5. Un sujet qui me concerne aussi mais dont je préfère ne pas parler car ça ne me semble pas le lieu idéal …
    J’avais aussi porté plainte mais déçue de la non réaction des gendarmes qui n’en avaient rien à faire, surtout qu’ils connaissaient personnellement mon ex qui se trouvait être leur facteur, comme par hasard …
    Et qu’ils passaient de bons moments à la buvette avec lui, quand ce n’était pas même jusqu’à notre domicile … Pfff

    Bon jeudi gris !

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