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Antoine, parcours d’un papa solo

Antoine est non seulement un excellent copain, mais aussi, un papa solo dont le parcours fut loin d’être aisé… Vu sa facilité d’expression, nul besoin de lui poser des questions. C’est ainsi librement qu’il me raconte son histoire, celle de sa fille Mandy et de son divorce pénible et houleux.

Mandy Pouponière 3 semaines.

Antoine, parcours d’un papa solo

Vouloir un enfant sans y parvenir

Nous étions mariés depuis six ans quand nous avons décidé de fonder une famille. Malheureusement, ma femme avait des soucis de fertilité et après deux fausses-couches, nous avons consulté.

Le verdict est tombé assez vite : il nous était impossible de faire un enfant naturellement. Nous nous sommes alors lancés dans les FIV (fécondations in vitro). Ce  fut au départ un vrai parcours du combattant et cela a fini en véritable calvaire.

Ma femme était malade comme un chien à chaque étape et au bout de huit tentatives de fécondations et autant de fausses-couches, nous étions tous les deux très déprimés. Notre vie de couple en pâtissait.

Un couple d’amis avait opté pour l’adoption, nous avons alors songé à en faire de même.

Au début, ma femme n’était pas très chaude à cette idée, elle me disait qu’elle aurait l’impression d’aller chercher un animal à la SPA.

Elle a cependant radicalement changé d’avis quand sa sœur, qui était célibataire, a avorté. Il y a eu pendant des semaines de terribles engueulades entre les deux sœurs.

Ma femme voulait un enfant sans y parvenir alors que ma belle-sœur était tombée enceinte en moins de deux et avait avorté sans aucun état d’âme.

L’adoption, en Belgique

C’est alors qu’on a tenté d’adopter en Belgique. Nous pensions avoir un dossier solide, tous les deux mariés depuis plus de dix ans, fonctionnaires, propriétaires de notre maison, sans aucun casier judiciaire et avec huit FIV échouées à notre actif…

Je me souvenais d’une amie qui avait voulu  adopter il y a quelques années avec son second mari, elle avait été brièvement mariée quinze ans auparavant pendant moins d’un an. Son dossier a été refusé, pour une soi-disant cause d’instabilité émotionnelle !

Et d’un autre couple d’amis.

Lui était partiellement invalide, il boitait suite à une polio mal soignée. Refus également, simplement parce qu’il ne pouvait pas se servir pleinement de ces deux jambes. Et peut-être aussi parce qu’il était d’origine cambodgienne !

Ça m’a effrayé, je trouvais que cela ressemblait  à de l’eugénisme. Durant les premières séances d’information faites en groupe, une femme s’est fait littéralement limoger devant nous tous. Elle avait eu une leucémie quand elle était enfant et l’animatrice lui a dit qu’on ne donnait pas la priorité aux gens susceptibles de faire une récidive.

La femme a rétorqué que quiconque pouvait avoir un accident de voiture. Et qu’elle était guérie depuis 25 ans. L’échange a mal tourné  et la candidate à l’adoption est sortie en larmes. On a eu des entretiens avec des psys, des assistants sociaux, toute notre vie a été passée au crible.

C’était dément.

Je me souviens avoir pensé que n’importe quel alcoolo pouvait engrosser une pute et avoir tous ses droits parentaux mais qu’il nous fallait à nous avoir un profil psycho-socio-culturel plus que politiquement  correct.

La seule fois où j’ai cru qu’on allait nous virer du programme de candidats à l’adoption, c’est lors de la visite de notre maison. Dans le salon, j’avais accroché, entre autres éléments de décoration, un tableau de Toulouse-Lautrec, « Femme enfilant ses bas ».

Vu que le modèle est semi-nu, on m’a demandé de, je cite « enlever ce support pornographique inadapté ».

J’ai trouvé ça absurde, mais je me suis exécuté.

tableau de Toulouse-Lautrec Femme enfilant ses bas

Quand Mandy arriva…

Pour finir, après un peu plus d’un an, nous avons reçu le coup de fil tant attendu. Notre fille nous attendait. Mandy. Nous avions depuis longtemps choisi ce prénom. Je ne sais pas pourquoi, mais c’était une évidence. Mandy, ma fille.

Elle est arrivée à la maison alors qu’elle avait 9 semaines.

Mais durant la procédure d’adoption, j’étais tellement centré sur l’enfant à venir que je n’ai pas vu que mon couple battait sérieusement de l’aile.

Et que ma femme n’allait pas bien du tout. Elle a dû s’intéresser à Mandy pendant deux ou trois semaines, pas plus.

Puis, elle s’est mise à sortir compulsivement, tout en développant une jalousie morbide à l’égard de toute femme conversant avec moi. J’ai honte, mais j’ai commencé à la suivre. J’ai découvert non seulement qu’elle me trompait mais aussi qu’elle fumait du H.

J’ai tenté de lui parler. Elle a nié fermement. Pendant que Mandy grandissait, ma femme avait un comportement de plus en plus borderline. Je tolérais tout car je craignais qu’en cas de grosse dispute, ma femme me menace de m’enlever ma fille. Et ne parlons même pas de séparation ou de divorce…

Pourquoi j’ai décidé de divorcer

Un jour de février, j’étais au bureau. C’était ma femme qui devait aller chercher Mandy à la crèche. Elle n’est pas venue. J’ai tout laissé en plan, j’ai été chercher ma fille et j’ai attendu à la maison.

Mon bébé ne cessait pas de pleurer.

Ma femme est rentrée  vers une heure du matin. Complètement défoncée. Elle avait du mal à marcher. Elle était dans un tel état que je n’ai pas dû la forcer pour qu’elle me confie ce qu’il  s’était passé.

En deux mots, échangisme hardcore et drogues dures. C’est là que j’ai décidé de divorcer. Malgré la peur qu’on me retire ma fille.

Très étrangement, le divorce a été ultra rapide. Et assez simple. L’épisode de ce mardi de février n’a été qu’une première. Ma femme a perdu son boulot, continué ses excès et a commencé à faire des allers-retours en service psy.

Mon beau-père, qui avait toujours pris sa fille pour Blanche-Neige, m’a appuyé, contre toute attente. En trois comparutions au tribunal, j’ai obtenu la garde exclusive.

Mon ex a l’air de complètement s’en moquer.

Elle vit actuellement avec une copine qui, je crois, est plus une petite copine qu’une amie. Elle a le droit de voir Mandy deux samedis par mois et dans 75% des cas, elle me téléphone la veille au soir pour me dire que ça n’ira pas, pour des prétextes bidons.

A ce moment précis, elle est encore en service psy, depuis cinq semaines, je pense.

Doudous Mandy 1 an

Mon ex reste la mère de ma fille

Malgré tout, je refuse de voir mon ex totalement déchue de ses droits parentaux. Parce que du haut de ses six ans, Mandy m’a récemment dit « J’espère qu’un jour, Maman sera encore gentille. ».

C’est pour cela aussi que je ne veux pas encore penser à « refaire ma vie », comme on dit.

Et puis, mon ex, je l’ai aimée comme un fou et je n’arrive à me détacher de nos souvenirs en commun.

Enfin, elle reste la mère de ma fille. Si j’avais été célibataire ou gay, je suis certain que je n’aurais jamais pu adopter Mandy, pas en Belgique, en tout cas. J’aimerais bien sûr passer à autre chose, mais tout cela est trop frais et encore trop douloureux.

Je crains surtout de faire de mauvais choix, je ne voudrais pas que ma fille me le reproche plus tard. Je ne regrette rien malgré tout. Sauf peut-être l’amour, l’espoir et la confiance perdus.

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Virginie Vanos © Marc Naesen

Entretien – rencontre  réalisé par Virginie Vanos

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Bernie
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Moi, c'est Bernie. Incubateur d'actualités pour vous informer autrement.

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13 commentaires

  1. Ce que vit ma nièce, fausses couches, FIV, sans succès, actuellement sur liste d’attente d’adoption, un ou une vietnamienne… Pour l’heure elle s’est mise en famille d’accueil, élève une petite fille de mère incapable… la vie n’est pas rose pour tout l’monde, merci…

  2. Wouah… une histoire terrible, et touchante. Que dire… ? Si ce n’est plein de courage à ce papa solo ! (au fait, pourquoi ne pas en faire un livre ? à la fois parce qu’écrire soulage, et parce que cela peut informer d’autres futurs parents sur ce parcours effarant de candidat à l’adoption ; le reste est plus personnel, mais cela arrive aussi, malheureusement… ).

    • Je connais Antoine depuis plus de quinze ans. J’ai condensé les détails sur l’adoption en Belgique mais en très résumé, ils ne se cachent absolument pour dire qu’ils donnent la priorité aux couples heteros, mariés sous le régime de la communauté des biens, de moins de 37 ans pour la femme et moins de 40 pour l’homme. Priorité aux fonctionnaires, chrétiens et pratiquants de preference, propriétaires de leur logement, sans aucun handicap ni antécédents médicaux importants, forcément de type caucasien, n’ayant jamais été demandeurs d’emploi ni en contrat intérimaire . Et aux parents qui n’ont pas divorce et qui ont eu une santé impeccable jusqu’au delà de l’âge de la retraite. Vu que l’accouchement sous X n’existe pas en Belgique et que beaucoup d’enfants abandonnés ne sont pas adoptables si un des parents biologique maintient un contact par an- une simple carte postale suffit, seulement une centaine d’enfants sont adoptables chaque année . En plus, cela coûte en moyenne six mois de salaire. Je trouve l’ensemble de ces données positivement revoltantes.

  3. Très émouvant, cet article … J’en ai les yeux embués.
    Sans commentaire supplémentaire.
    Bonne journée, avec ou sans soleil.

  4. deux réflexions, c’ est une erreur de forcer la nature, et il n’ est pas normal d’ avoir tant de mal à adopter un enfant !
    Bonne journée Bernie

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