Au secours, je vais bosser en Albanie !

Ma grande naïveté devra un jour me perdre, me dis-je parfois. Quand on m’a proposé de me rendre en Albanie afin d’y exercer mon job comme photographe, j’ai tout d’abord été fort enthousiaste à l’idée de rencontrer des paysages superbes ainsi que de nombreux sites peu connus, mais classés par l’UNESCO.

drapeau albanie

Sachant que ce pays a été successivement occupé par les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Ottomans et j’en passe, la férue d’histoire, d’archéologie et d’architecture que je suis a bondi de joie devant cette idée à laquelle je n’aurais pas pensé toute seule.

Mais, dès que j’ai parlé de ce projet autour de moi, ma motivation première a commencé à s’effondrer comme un château de cartes et je dois avouer que j’envisage ce périple avec une méfiance et une circonspection grandissantes.

Ben, l’Albanie, c’est comme la Russie, mais en pire

Bizarrement, le premier à qui j’en ai parlé ne fait pas partie de mon cercle d’intimes. C’est un militaire à la retraite, que je qualifierais de bonne relation, sans pour autant lui attribuer le titre de copain ou d’ami. Celui-ci m’annonça franco : « Ben, l’Albanie, c’est comme la Russie, mais en pire. » Touché coulé, mon pote.

Je me suis rendue en juillet 2017 en Russie et l’expérience humaine fut tellement épouvantable que je suis revenue avec d’excellentes photos mais surtout avec des puissantes envies de génocide. Un an plus tard, je n’ai toujours pas digéré ce que j’ai vécu, vu et entendu.

A un point tel que je boycotterai totalement la coupe du monde de foot de cette année, alors que je n’ai jamais manqué aucun Mondial depuis 1998.

Coming out albanais

Depuis ce premier échange, j’ai, prudemment, petit à petit, fait ce que je nomme « mon coming out albanais ». Forcément, les réactions ne furent pas vraiment aussi joyeuses que si j’avais annoncé un road trip de six semaines en Polynésie française.

Mon amie Danaé, Grecque comme son nom l’indique, m’a mise en garde contre le machisme ambiant, poussé là-bas au-delà des limites du tolérable. Vu que je suis une trentenaire voyageant seule, financièrement autonome, n’ayant pas la langue dans sa poche et dotée d’un sacré toupet doublé d’une témérité inhabituelle, je ne pense pas m’attirer de réels ennuis…

Mais des regards, des remarques me faisant clairement comprendre que je ne suis qu’une… putain. Malheureusement, même sous nos contrées, le fait que je ne sois ni mère, ni épouse, que je n’en ai jamais eu la vocation et ne l’aurai sans doute jamais, je passe trop souvent soit pour une Vestale féministe armée jusqu’aux dents, soit pour une dévergondée de première qui cache bien son jeu.

En Albanie, ça a l’air d’être assez manichéen : on est soit une esclave domestique, soit une catin. Sensas. Je commence déjà à me demander si je ne vais pas faire comme au Caire, c’est-à-dire me travestir en jeune homme, ce qui m’a garanti un voyage des plus paisibles.

Et j’espère que j’aurai assez de calme et de diligence pour ne pas sortir ma bannière du MLF à tour de bras.

Je passe rapidement les sujets de la violence, des petits délits et de la mafia locale, d’après les dires de certains. Je ne souhaite pas me prononcer, vu que j’ai l’impression que ce sont bien plus des préjugés qu’une omniprésente réalité.

carte europe position albanie

Aucun de mes interlocuteurs ne s’y est jamais rendu

Car aucun de mes interlocuteurs ne s’y est jamais rendu. Si je n’ai presque aucun doute sur la phallocratie albanaise, le sujet de la sécurité me laisse plus dubitative. A vérifier donc sur place.

On m’avait parlé du harcèlement de rue omniprésent en Gambie, de l’énorme danger jordanien pour une petite chrétienne toute seule, des pièges liés au trafic de drogue en Indonésie…

Eh bien, croyez-moi ou non, dans ces trois cas, je n’ai jamais été confronté à rien de tout cela, j’ai eu une paix royale et ces voyages furent heureux, tant d’un point de vue photographique qu’humain.

Pour la petite anecdote, pas plus tard qu’hier, mon ami Giacomo m’a murmuré discrètement qu’en cas de pépin, je n’avais qu’à le prévenir et il ferait jouer ses relations. J’ose espérer que ce n’est qu’une de ses grosses blagues habituelles et qu’il ne compte pas effectivement lancer une guérilla entre la mafia calabraise et la pègre albanaise si jamais on touche à un seul de mes cheveux. J’ai beau pratiquer Giacomo depuis l’école primaire, je reste toujours prudente au sujet de sa propension aux tragicomédies et de sa perception de la réalité.

Ensuite, d’après toutes mes sources, il s’agirait d’un pays extrêmement sale, pourri par une absence totale de politique environnementale et baigné dans une pollution extrême.

A mon sens, il ne s’agirait pas de pollution industrielle mais d’une gestion épouvantable des déchets humains. J’ai cru que j’allais crever étouffée à Delhi (qui vient de détrôner Pékin comme ville la plus polluée au monde, c’est dire..), mais n’oublions pas que cette immense mégalopole est cernée d’une foultitude d’usines et traversée par des millions de véhicules chaque heure et chaque jour.

À Burgas, en Bulgarie, j’avais été confrontée à la saleté due à l’incivisme écologique des touristes anglais et russes, ce qui rendait toute sortie inconfortable mais dont les répercutions immédiates sur mon bien-être et ma santé ont été plus que minimes.

Et malgré certains préjugés persistants à ce sujet, il y a des villes où l’on pourrait littéralement lécher le sol sans se retrouver dans les 24 heures à l’hosto. Je pense à Jérusalem, La Valette, Ouarzazate, toute la route entre Chennai et Pondichéry, ainsi que le Sri Lanka tout entier (mis à part peut-être Kandy).

Enfin, je lis partout que la rage est omniprésente. Ne rigolez pas, il s’agit de l’unique maladie qui me foute réellement la trouille. Je crois avoir été bêtement marquée par un épisode d’« Esprits Criminels » où le tueur usait de chiens puis d’êtres humains afin de contaminer ses victimes en série.

trust me albanian

D’un autre côté, on m’avait mise en garde contre les serpents au Viêt-Nam. J’avais ouï dire que l’on se cognait littéralement dedans, à la ville comme en campagne. J’ai passé près d’un mois complet à sillonner ce pays… Les seuls serpents que j’ai vus étaient vendus sur un marché d’Hô-Chi-Min-ville comme denrées comestibles !

5 semaines avant mon départ pour Tirana, je demeure dans un état de grande perplexité. Où se trouve la frontière entre le mythe et la réalité, entre le préjugé non-fondé et la vérité ?

Il ne me reste alors plus qu’à m’y rendre et à en juger par moi-même. Si j’avais envie de rester cantonnée dans un monde connu et sans danger, j’aurais mieux fait de partir pour Palavas-les-Flots. Mais est-ce cela que j’attends du monde et de la vie ?

Une chronique signée Virginie Vanos.

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5 commentaires

  1. Le nouveau guide du routard vient de sortir ! Où ne pas aller en vacancs cette année… Mais c’est vous qui voyez !
    Un très bon texte qui m’a bien amusée malgré l’ampleur de la catastrophe imminente.

  2. Oh, là, y’a de quoi s’inquiéter !
    Elle a la patate, la petite, pour y aller malgré tout.
    J’espère qu’on saura la suite de son aventure.
    Bon jeudi, après une journée ensoleillée, de nouveau du mauvais temps prévu …
    Bisoux, cher bernie

    • Ta phrase « elle a la patate, la petite » m’a flattée tout en me faisant sourire. Je rentre le 14 juillet (en un seul morceau, j’espère), je me ferai un plaisir de raconter mes péripéties… Pour autant qu’il y en ait! (Qui sait? Ce sera peut-être aussi planplan que la Costa Brava…)

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